Nous sommes de plus en plus "empesticidisés"

Un jour où je me trouvais dans une distillerie, je fus surpris de constater qu’un employé cassait méthodiquement des goulots de bouteilles de vin pour en verser le contenu dans une cuve. J’appris par le plus grand des hasards que ces « lots » provenaient des refus effectués par divers organismes au niveau de la qualité ou des volumes de pesticides contenus dans ces productions d’appellation contrôlée. En fait, on allait fabriquer de l’alcool avec des vins invendables car « pollués ». La seule véritable question, c’est de savoir combien de récoltes mises en bouteilles sont refusées par rapport à celles qui ne sont pas contrôlées. En fait, on l’ignore véritablement, comme pour la très grande majorité des productions. Et pourtant, on commence à en voir les effets.
Les Français devancent en effet les Allemands et les Américains au concours de celui qui a le plus de pesticides dans le sang. Les concentrations biologiques de plusieurs substances chimiques ont été mesurées, entre 2006 et 2007, par l’Institut de veille sanitaire, sur un échantillon représentatif de la population (2000 adultes pour les métaux, 365 pour le mercure, 400 pour les pesticides et les PCB): les trois conclusions qui en découlent sont alarmantes.
Si les niveaux de plomb, cadmium, mercure, arsenic organique, sont stables ou en baisse, les pesticides, eux, sont présents dans notre sang à des niveaux au moins trois fois plus élevés que dans celui des Américains ou des Allemands. Ces pesticides sont largement utilisés en agriculture, en horticulture et pour un usage domestique (idéaux pour se débarrasser des insectes à la maison, désherber les allées, protéger les plantes du jardin, en finir avec les tiques et les puces de nos animaux de compagnie, ou les poux chez l’enfant). « Les causes des écarts observés entre l’imprégnation de la population en France et à l’étranger méritent d’être élucidées : apports alimentaires ou usages des produits ? », conclut cette étude qui ne donne pas encore de vérité, mais elle n’en est pas loin.
L’étude possédait également un volet « métaux et métalloïdes ». La population française présente des niveaux d’exposition globalement bas et similaires à ceux observés à l’étranger. Les concentrations de mercure dans les cheveux sont toutefois supérieures à celles des Allemands et des Américains, mais inférieures à celles des Espagnols. L’InVS explique ces écarts par une consommation de poisson (principale source d’apport de mercure dans l’alimentation) deux fois plus faible en Allemagne et aux États-Unis qu’en France et supérieure en Espagne.
L’exposition de la population française aux polluants a par contre été estimée par la mesure de 42 substances chimiques présentes dans l’alimentation ou l’environnement. Elles ont été dosées dans des prélèvements de sang, d’urine, ou de cheveux recueillis sur près de 2 000 adultes. Ces constats ne sont guère réjouissants mais confirment à la fois un manque d’éducation alimentaire et plus encore un laisser aller coupable sur les contrôles. Cette réalité constatée n’a pas dû s’améliorer dans les dernières années, où la faiblesse du pouvoir d’achat et même souvent la misère, conduisent des gens à rechercher les produits les moins chers mais pas les plus naturels. Comme de l’autre côté la production des matières premières tourne autour de la notion de profit, et qu’il faut absolument améliorer les rendements, on ne lésine pas sur les produits supposés préserver les récoltes. Peu importe les effets sur les consommateurs. Le mûrissement accéléré des fruits ou le renforcement de leur couleur entre dans ces processus. Par exemple, la récolte des bananes, qui se répète plusieurs fois par an, doit survenir avant leur maturité, car elles ne supportent aucune réfrigération réelle : au-dessous de 14° le fruit gèle, au dessus, il subit une maturation accélérée. Le problème est donc de faire parvenir sur nos marchés des fruits ni trop verts ni trop mûrs, ce qui, l’expérience le prouve, est malheureusement rare ! Après leur transport en cargos climatisés, les bananes sont mûries, à leur arrivée, pendant une dizaine de jours avant d’être livrées au détaillant. C’est ce mûrissement artificiel, au contact d’un mélange de gaz d’éthylène et d’azote qui transforme le fruit vert en fruit jaune, et l’amidon qu’il contient en sucres assimilables. Au Burkina Faso j’ai vu des enfants acheter des grains de carbure pour le faire consumer dans une poche en plastique afin de faire mûrir des mangues totalement vertes. Il existe chez nous des dizaines d’ajouts alimentaires dont personne ne connaît véritablement les effets sur des sujets plus ou moins fragiles. Dans le fond, ils ne sont intéressants que quand ils sont nichés quelque part dans les corps. Le seul problème, c’est que c’est trop tard !
Il y en a qui l’ont bien compris aux élections cantonales : pour ne pas être classés comme nocifs, les candidats UMP dissimulent leurs étiquettes. C’est une idée : et si on les supprimait partout !

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Sans parler des aliments irradiés pour augmenter leur durée de conservation….

  2. BUGARET Yvon

    Jean-Marie, ton dernier article sur «Nous sommes de plus en plus empesticidisés » me paraît exagéré et correspond aux positions souvent extrémistes des écologistes dénigrant tout ce qui a été obtenu avec les progrès de la science et des biotechnologies. Des produits phytosanitaires utilisés par l’agriculture, au dérèglement climatique provoqué par l’homme, ces comportements m’indignent car ils portent en germe une écologie totalitaire. On le voit, en ce moment, avec le tremblement de terre suivi d’un tsunami terriblement meurtrier au Japon qui passerait au second plan face au risque nucléaire, non négligeable, et qui reste tout de même inquiétant. Il ne faudrait pas oublier les 423 morts, en France, lorsque le barrage de Malpasset a cédé dans le Var le 2 décembre 1959. C’était pourtant une erreur de conception, donc de l’homme. Mais revenons aux pesticides. Après ma longue carrière à l’I.N.R.A. en tant que responsable d’un laboratoire d’étude et d’expérimentation en protection phytosanitaire de la vigne, je peux assurer que la protection des cultures n’est pas un luxe de pays riche, mais un exercice obligatoire si l’on veut assurer la sécurité des approvisionnements. L’objectif de la protection des cultures n’a jamais été de viser à éradiquer le parasitisme, mais de limiter régulièrement de façon satisfaisante, les dégâts quantitatifs et qualitatifs engendrés pour les maintenir en-dessous du niveau où l’économie des exploitations serait compromise.
    La protection des plantes cultivées fait appel à tous les moyens existants, y compris les mesures préventives de prophylaxie de protection. Il faut préciser que la chimie, tant décriée, n’est pas l’unique protection des cultures, mais une protection économique des productions végétales qui ne peuvent guère s’en passer. Aucune intervention humaine n’est évidemment dénuée d’effet environnemental. Remplacer un herbicide non sélectif utilisé en pré-semis par un labour génère sur les populations de lombriciens ou d’arachnides des effets néfastes qui auraient été perçus comme intolérables venant d’un produit chimique. De même lorsqu’on s’interroge sur l’impact d’un défanant chimique des pommes de terre sur les insectes présents dans le couvert, on oublie généralement de se poser la même question lorsque le défanage thermique est présenté comme une alternative écologique. On pourrait continuer longtemps à faire de nombreuses comparaisons de ce genre montrant que l’écologie, la vraie, ne correspond plus à sa réalité mais à des objectifs bien ciblés pour faire peur et conquérir un électorat qui se cherche.
    Je conclurais en disant que l’écologie, aussi importante soit-elle, ne doit pas faire oublier une frange importante de notre population qui souffre de la faiblesse du pouvoir d’achat et même de la misère. A la veille des cantonales et à l’approche des présidentielles, déterminantes pour l’avenir de notre pays, je pense que cette approche écologiste orientée est mauvaise et malsaine.

  3. Christian Coulais

    « mais une protection économique des productions végétales qui ne peuvent guère s’en passer ».
    La messe est dite, circulez il n’y a rien à voir pauvre mortel ! Le scientisme s’occupe de tout…pour le meilleur mais surtout pour le pire.
    Tiens à propos un peu de réclame :
    http://www.youtube.com/watch?v=mmdgNj7lsXU

  4. François

    Complétons l’intervention précédente en rappelant le résultat d’enquêtes mettant en évidence qu’au premier rang des pollueurs aux pesticides les plus « performants » , on trouve … les jardiniers du dimanche et les employés municipaux lors de traitements herbicides et anticryptogamiques… plus que généreux !
    Il ne faut pas le taire !

  5. Christian Coulais

    Les jardiniers du dimanche, ils achèt(ai)ent ce qu’ils trouv(ai)ent sur l’étalage…et en tant qu’administrés, ils souhait(ai)ent que leur devant de porte soit beau comme un golf. Sans pour autant nettoyer soi-même le trottoir (ou celui d’en face), comme on doit déneiger !
    Alors que faisaient les maires pour ne pas à avoir de remarques?…. et hop, un coup de glyphosate machin chose…
    Mais avec la gestion différenciée, une réflexion se met en place, de nouvelles pratiques s’installent.
    C’est comme l’électricité qui se consomme pour rien, (routes, parkings, grandes surfaces, magasins,domiciles) pas facile de changer les mentalités…
    Lisez le règlement du Comité National des Villes et Villages Fleuris :
    http://www.villes-et-villages-fleuris.com/leconcours/reglement.pdf
    Le Concours départemental s’en inspire, comme le concours communal…bientôt à Cénac.
    Sinon, dans votre moteur de recherche, tapez « Objectif zéro pesticide ».

  6. BUGARET Yvon

    Sans polémiquer, je réponds à Christian COULAIS qu’il serait interessant de se rencontrer pour discuter et essayer de mieux se comprendre. Si on veut aller à l’objectif zéro pesticide, il faut aller jusqu’au bout de la démarche en pronant le zéro médicament « pesticides humains », responsable n°1 de la pollution des rivières. L’illustre Professeur NARBONNE de l’Université de Bordeaux a démontré que les résidus de médicaments non filtrés par les stations d’épuration, se déversent et s’accumulent dangereusement dans les rivières, telles que la garonne et la Dordogne. Ces résidus bien plus élevés que ceux des pesticides agricoles sont terriblement inquiétants mais masqués par les médias, ils seraient déjà responsables d’une modification du sexe de certaines espèces de la faune aquatique… Il faut donc être raisonnable dans certaines analyses faites par des communications non vérifiées scientifiquement.

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