La supercherie permanente de l'intérêt des enfants

Depuis 60 ans je vis dans une école…publique. J’y ai même habité durant 17 ans ! Ma mère, cantinière provisoire, faute de gardienne me déposa en effet dès 1949 dans la classe des « grandes filles » qui me gardaient avec un plaisir particulier. Il est vrai qu’à l’époque elles avaient l’obligation d’apprendre les gestes de la maternité pour le Certificat d’études. N’empêche que depuis cette date je n’ai connu que des réformes du système éducatif au nom de l’intérêt des enfants… Et chaque fois il y a eu manifestations, grèves, contestations, railleries et indifférences. Déjà en ce temps là la maternelle à Sadirac , village d’un millier d’âmes n’existait pas et même pas une classe enfantine (ancien asile) qui est arrivée beaucoup plus tard. On entrait directement au Cours Préparatoire et… miracle : on apprenait à lire avec la méthode dite globale ! Il a bien fallu attendre une trentaine d’années avant que les petits Sadiracais entrent en maternelle…

Il y a eu des années de réformes des rythmes scolaires avec toujours comme motivation la réussite scolaire. Bon nombre de mes copains avaient une seconde journée en arrivant à la maison (vaches, lapins, poules ou moutons à nourrir, herbe à ramasser, aide au père ou à la mère…) et ils ne tombaient pas de leur banc durant une journée de classe qui se terminait à 17 heures. Et ils faisaient 5 ou 6 kilomètres à pied 5 fois par semaine pour venir s’asseoir sur un banc fait par le menuisier du village. Malgré 30 heures de présence par semaine ils tenaient le coup et tous ont réussi dans leurs secteur d’activité. J’ai aussi en mémoire les foucades d’un ministre qui avaient décidé un « temps d’activités périscolaires » assurées par les instituteurs en fin des années scolaires 55-56 et 56 et ce jusqu’au… 14 juillet. La rentrée était alors le 1° octobre ! Néfaste selon les spécialistes et on est revenu en arrière.

 Puis un ministre est passé par là et il a supprimé le concours des bourses pour aller en sixième. Un autre a inventé la suppression du certificat d’études et a prolongé le « primaire » jusqu’à 16 ans afin que le niveau d’instruction s’élève…Il y a eu l’invention des classes de transition où j’ai eu un immense plaisir à travailler et la suite avec des classes dites pratiques. Un jour pour une réconciliation avec les enseignants un gouvernement de droite supprima le samedi après-midi dans le temps scolaire après 1968 (arrêté du 7 août 1969). Ce n’était qu’un début puisque on arriva à se débarrasser du samedi matin (rentrée 2008) sans autre manifestation favorable que celle du milieu des professionnels du tourisme.

Il y a 41 ans, l’arrêté du 12 mai 1972  a stipulé que le mercredi devenait jour de congé à la place du jeudi ( avec mise en application à la rentrée scolaire 1972 ). Nouvelle polémique avec opposition des catholiques et annonces de catastrophes chez les élèves. On en est arrivé à la semaine de 4 jours en Gironde en 1992 alors que François Duplan était inspecteur d’académie. J’étais à ses cotés. Que n’ai-je entendu ? J’étais conseiller municipal délégué aux écoles : que n’ai-je subi ?  Protestations, pétitions, critiques, condamnations syndicales car les vacances scolaires étaient diminuées et la fatigue allaient faire tomber les élèves comme des mouches. Tout le monde a fini par s’y habituer car tout le monde y trouvait son compte sauf ceux qui étaient les premiers concernés.
L’arrêté du ministre de l’éducation nationale Lionel Jospin du 6 janvier 1990 a ensuite après moult ajustements laissé une large part de liberté locale dans l’organisation de la semaine : il était devenu possible de l’organiser en dix demi-journées, ce qui permettait de ramener la journée de classe à cinq heures dans l’enseignement primaire ( une question essentielle dans la problématique des ‘’rythmes scolaires’’ pour les spécialistes de la chronobiologie ).

Des consultations ont eu lieu à Créon. Les familles avaient eu tendance à demander en priorité la libération du samedi matin. Le mercredi, qui s’est substitué au jeudi depuis 1972 comme jour réservé pour le catéchisme, a été assez souvent sollicité pour être l’objet de transferts des heures du travail du samedi. Réunis les 11 et 12 juin 1990 en assemblée plénière extraordinaire, les évêques de France affirment leur volonté de voir la réforme des rythmes scolaires « réserver pour le catéchisme l’équivalent d’une demi-journée comprise dans le temps scolaire ». Ouf : l’intérêt des enfants étaient sauvé ! Important pour les rythmes scolaires !

Chaque fois on a réduit le temps de présence dans les écoles… au seul bénéfice des adultes ! On a tripatouillé à de multiples reprises les calendriers des vacances scolaires avec zones, sans zones, raccourcies, allongées… et finalement on n’a jamais réglé une situation française désastreuse. L‘académie de médecine avait constaté sous le gouvernement Fillon qu’avec la semaine de quatre jours, «la vigilance et les performances » des élèves étaient en baisse le lundi et le mardi, à cause de la coupure du week-end. L’élève reste donc «désynchronisé les deux premiers jours de la semaine», selon le rapport. Autrement dit, son rythme biologique n’est plus respecté, puisqu’il reste calé sur son rythme du week-end, ce qui provoque une grande baisse d’attention. Elle avait donc proposé …en 2010 d’aménager la semaine sur au moins quatre jours et demi, avec cours le samedi matin, ou même sur cinq jours.

Et arrive une nouvelle réforme Peillon, la énième qui est tout autant victime des corporatismes, des égoïsmes, des rumeurs, de la désinformation que toutes les autres ! L’éducation nationale du toujours + est impossible à réformer dans le flou. C’est le conservatisme pédagogique, administratif, relationnel qui prévaut encore dans la quasi totalité des cas. L’école qui avait été l’aiguillon novateur de la société n’a plus aucun dynamisme. Un enfant est pris entre les intérêts contradictoires des enseignants, des parents angoissés, des marchands du « temple », des élus voulant se faire un nom et il est donc dans l’insécurité permanente. Au lieu de l’encourager, de le valoriser, de l’éveiller on le recroqueville, on le surprotège, on l’isole du monde réel.  Il en est ailleurs dans le privé qui rigole doucement : l’audace pédagogique est dans ses rangs, l’aménagement du temps est chez lui et la réussite est acquise. Jules Ferry doit se retourner dans sa tombe !

Cet article a 4 commentaires

  1. cortot

    Pas la super forme … mais j’ai repris ma lecture journalière et je retrouve en quelques lignes ..presque toute mon adolescence jusqu’à mon certificat d’études….école préparatoire et ensuite la même institutrice pour arriver la première du canton à mon certificat d’études .Fille aînée de paysans modestes.. le travail ne manquait pas avant de partir à l’école et au retour ..1km100 pour aller à l’école et revenir< 4 fois ..<< avec des bottes ou des godasses …. les leçons et les devoirs devaient être faits chaque jour , les révisions , les punitions ;les retenues ,les devoirs de vacances sans aller en vacances ..il fallait garder les vaches dans les champs tous les jeudis ..Le Jeudi matin catéchisme obligatoire ., ramasser les fruits , les pommes de terres , rentrer les betteraves , éplucher les légumes pour nourrir la famille , les ouvriers journaliers au tant des gros travaux , tuer le cochon 3 ou 4 fois par an c'était un travail de femmes et non de gamines .. , plumer les volailles ..apprendre à coudre ..cuisiner … c'était nos jeux vidéos bien à nous et l'école pour moi c'était un enrichissement ,une découverte formidable ..j'ai toujours aimé avec passion les livres qui permettaient d'apprendre .

    Que reste t il aujourd'hui de tout cela ? Qui sont ces hommes et ces ces femmes qui ont détruit toutes ces belles choses au fil des années ? les enfants sont devenus tristes , les enfants grandissent trop vite et sont mal dans leur peau..dès leur plus jeune âge ..A 4 ans on a déjà droit à une consultation PSY …..le monde tourne vraiment sur la tête et nous ne pourrons rien changer .

    OU EST PARTIE CETTE PASSION QUE CHAQUE ADOLESCENT DE MA JEUNESSE POSSÉDAIT ?

    EN 2013 , ce sont les textos , les abrégés , les fautes de grammaire qui sont devenus à la mode ..sans l'école ; les règles de la vie apprises dans le respect des PROFESSEURS , DES INSTITUTEURS .. le dynamisme qui permet d'avancer on continuera d'aller dans le mur .sans jamais pouvoir se relever .

    Nous sommes tombés si bas que nous ne savons plus .

  2. Eric Batistin

    Peut-être osera-t-on dire un jour qu’il faut commencer par l’exemple.
    Bons nombres de mes amis sont ce que l’on nomme des « décroissants », affichés ou pas, mais avec une idée du monde partagée par de plus en plus d’individus.
    Mais, envoyer son gosse à l’école sous-entend une certaine confiance dans les institutions.
    Difficile de tenir un discours humaniste à table devant les enfants quand le rythme scolaire et les enseignements sont toujours axés sur la réussite dans un monde libéral !
    Un peu comme si Peppone faisait une crèche au beau milieu du salon le soir de Noël, on image la tête de sa famille.
    Donc, comment être cohérent et envoyer ses enfants à l’école.
    D’une seule et unique façon, en intervenant avec force et détermination sur, non pas les horaires scolaires dont on s’arrange toujours, mais sur le contenu du programme scolaire.
    Contenu dont personne ne parle jamais !!!

  3. J.J.

    Oui, Cortot, c’est vrai, c’était comme ça pour beaucoup d’entre nous. On y a survécu (et bien des générations avant nous) et je ne pense pas que quiconque ait eu l’idée de se plaindre ni de coiffer des bonnets rouges (importés pour certains !).
    Il y eut même des jours où on rigolait bien.

    Mais comme je l’ai entendu dire à une oléronaise : zeu drôle, y z’étant trot hureux à c’theur !
    D’ailleurs heureux n’est pas le mot, mais comblés, blasés pour la plupart et sans aucun désir.

  4. suzanne marvin

    c’était le temps où l’instituteur était vraiment respecté……..les parents le respectaient ,ils ne venaient pas l’insulter quand il avait réprimandait l’élève………cet enseignement du cours préparatoire au certificat d’études donnait une base solide ……aprés les parents l’instituteur était trés trés important dans la société pour l’éducation des enfants ……. à l’époque que vous décrivez dans votre lettre la grande majorité des parents en étaient trés conscients …….la discipline juste , la morale ,donnaient un cadre rassurant et solide aux enfants………c’est peut-être cela qui manque….

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