Le grand théâtre inutile des questions au gouvernement !

Claude Bartolone précédé de 2 huissiers avance vers le perchoir depuis son bureau de Président de l’Assemblée nationale. Tous les présents tentent de saisir le passage entre une double haie de gardes républicains en grande tenue. On a le sens de l’apparat au Palais Bourbon. Le moment n’a pourtant rien de très solennel puisqu’il va simplement ouvrir la fameuse séquence des « questions au gouvernement » dans un hémicycle pas encore complet. Les bancs des ministres sont en revanche largement garnis. Dans les tribunes le public est venu nombreux comme il le ferait pour un spectacle. A moins que ce soit des adeptes de la corrida. D’ailleurs les travées sont en surplomb et il faut se contorsionner pour voir l’arène.

Un brouhaha permanent monte vers le « ciel » comme avant que le gendarme annonce l’ouverture du rideau. La salle est dissipée. Elle va simplement comme du temps des jeux du cirque, se manifester par des quolibets, des apostrophes, des exagérations théâtrales n’ayant absolument rien de rationnel. Le grand show parlementaire du mercredi qui captive les retraités comme le fait le samedi soir « le grand cabaret » va se dérouler devant les caméras. Ah ! La démocratie des caméras ! Quelle belle invention de la société de la communication ! Les numéros se succèdent avec des coups  d’un camp ou d’un autre avec des comiques troupiers encouragés par leurs fans. Il faut exagérer dans les propos pour tenter d’accrocher le camp adverse et créer un vrai numéro de cirque.

En fait c’est un jeu de pancrace dans lequel plus les coups sont bas et exagérés mais du moment qu’ils créent un climat totalement artificiel le but est atteint. C’est un sketch à durée déterminée…(2 minutes) durant lequel le dialogue est volontairement outrancier. Mais la France aime ça : le spectacle poujadiste consistant à exagérer pour satisfaire son camp avide de mots dépassant la raison. Pour devenir un héros de la politique et espérer être interrogé par les journalistes qui piaffent dans la salle des pas perdus il ne faut pas faire dans la dentelle. Aujourd’hui les chansonniers du caveau de la république s’en prenne à Vincent Peillon.

Dès qu’un député entame son solo sur les professeurs des classes préparatoires « martyrisés », « humiliés », « disqualifiés », « détroussés » par un Ministre de l’éducation, les rangs se resserrent autour de lui de telle manière que la caméra saisisse un hochement de tête approbateur ou une moue de satisfaction. L’orateur est applaudit par son camp et bien évidemment hué par le « virage gauche ». Peillon a le verbe haut et la réplique cinglante. Il n’économise pas sa peine et rafraîchit les mémoires défaillantes de ses contradicteurs. On proteste. On lance des formules que l’on veut assassine. Bref le spectacle est au rendez-vous comme chaque mercredi. Devant les « étranges lucarnes » le public captif s’enflamme. Comme la dose n’est pas encore suffisante, une seconde salve est lâchée par un nouvel intervenant qui réitère les mêmes critiques… mais trouve moyen de placer le lycée de sa circonscription. Un brin d’auto-promotion ne fait pas de mal. On jubile d’un coté. On s’indigne de l’autre. Même scénario. Dialogue lestement bouclé avec des réponses loin de la verve de Audiard ! On échange des mots aimables par le truchement des huissiers u ons e donne des rendez-vous utiles… Bref une très grande majorité se moque absolument de ce qui peut être dit et répondu… on tapote sur sa tablette. On tripote son téléphone et on commente l’actualité ou le déjeuner avec son voisin ou sa voisine. On applaudit à bon escient et on proteste de concert.

La comédie atteint des sommets de l’hypocrisie mais c’est la spécialité de la maison Bourbon : on s’affronte et on se réconcilie à la buvette dès que le rideau est retombé et que la télévision a interrompu sa transmission. Le décor est toujours le même. Les acteurs varient d’iun mercredi à l’autre. L’éclairage est insuffisant et la mise en scène est de Claude Bartolone en personne. Il veille de là-haut avec un sourire jubilatoire sur ces empoignades totalement artificielles et très loin des réalités du quotidien ! Il jauge les interprétations des accusateurs, les approbations des laudateurs, les explications musclées ou satisfaites des ministres. Peillon est ovationné. Taubira a du répondant. Frédéric Cuvillier joue au Raminagrobis… et Ayrault compte les points pour noter les interventions.

La politique se transforme en Comedia del Arte avec ses Gnafron, Guignol, le Gendarme, Madelon et toute la troupe s’offre avec grand plaisir un vrai moment de théâtre politique. A la sortie tout le monde commente et tente de retenir la fameuse « petite phrase » qui peut faire entrer dans la postérité médiatique. On s’inquiète de savoir si on a été vu à la télé… et on lève la tête vers le balcon pour voir si les visiteurs auxquels on a procuré une invitation approuve votre exploit. Les Ministres filent vers d’autres travaux. Les plus vaillants rejoignent des auditions, des commissions ou des entretiens. D’autres vont vite baver devant les micros et les caméras avec un sourire de circonstance. Rien n’a avancé mais le spectacle a été à la hauteur !

 

Cet article a 2 commentaires

  1. Eric Batistin

    Ni à l’orchestre, ni aux balcons ni dans les loges,
    non ce ne sont pas les courtisans à l’affût d’une royale grimace,
    nous ne sommes pas à la messe,
    assis dos à la scène et regardant le ciel,
    ce sont 30 millions d’individus qui ne votent pas.

    Sur un total de 65 millions d’individus,
    en France,
    cela fait presque la moitié qui se fout du spectacle !

    Sur la moitié votante combien sont réellement sensibles
    aux éclats de voies et petites phrases ?

    Sur la moitié votante combien font acte citoyen
    par dépit et sans espoir réel ?

    Quand cette moitié votante comprendra enfin
    que le sel vrai acte citoyen
    et d’empêcher que le scénario,
    dès la « première » passée,
    soit abandonné aux délires des acteurs,
    nous aurons alors enfin peut-être
    ce que l’on nomme une République.

    Mais pour cela il faudrait qu’une fois, une seule,
    personne, absolument personne,
    n’achète de tickets pour le prochain spectacle !

    C’est ce que – dans le métier d’acteur-
    on nomme un « bide » ou une « gifle »,
    c’est ce que l’on nomme aussi
    – dans le métier de militaire –
    une ruse !

    Dans l’un comme l’autre des cas
    le résultat est sans appel,
    le directeur de théâtre est viré,
    l’ennemi est ridiculisé,
    le vide impalpable ayant plus d’effet
    que l’expression de la colère !

    Mais enfin, entre des citoyens et des militaires obéissants
    pris par les termes d’un contrat républicain
    dont ils se refusent à faire valoir
    les clauses qui engagent les deux parties,
    les Individus et la Nation,
    le spectacle a encore de beaux jours.

    Quand cesserons-nous d’abandonner le scénario,
    une fois trouvé les fonds pour financer la pièce ?

  2. GEGE 31

    Quel spectacle désolant que cet affront permanent à un état qui se veut, paraît il, juste modeste et économe et qui demande tant de sacrifices aux français … Quand le Président rentre dans l’hémicycle c’est, paraît-il, au nom de la représentation nationale … le décor s’impose donc même s’il doit ressembler à de vieilles pratiques monarchiques. Personnellement je trouve ce spectacle d’un anachronisme désopilant mais plus encore consternant.

    Il est vrai qu’en pensant aux 80 milliards d’euros de déficit annuel la France n’a pas à se priver pour des futilités de l’espèce. La grandeur rien que la grandeur pour les puissants, les larmes toutes les larmes pour le peuple.

    En fait Bartolone trouve tout ceci très bien, tout comme Hollande quand il voyage dans le Sarko one. Quant aux députés ils ne trompent plus personne ce qui ne les empêche pas, bien que disqualifiés par une majorité de français, de continuer leur Guignol fort rémunérateur.

    La composition folklorique des listes aux élections européennes, les manœuvres parisiennes de l’UMP, les contorsions des Verts ne sont pas mobilisatrices pour l’électorat. Mais, même si dans leur rôle habituel nos politiques ne manqueront pas de dénoncer une abstention massive ils ne se remettront pas pour autant en cause, ils reprendront leur spectacle et leur boulot «d’intermittents» si bien rémunéré et à continuer de se foutre de notre G…

    Droite ou Gauche au pouvoir rien n’est trop beau pour notre petit monde politique qui ne cesse de se ridiculiser par des comportements partisans. Etait il besoin par les temps qui courent d’envoyer deux Falcon chez Madiba ?

    Depuis près de cinquante années ma voix n’a jamais manquée au PS mais c’est terminé. Il me reste le vote blanc, le choix Mélanchon et le «tous dehors» ou l’artillerie lourde des désabusés : le vote Marine.

    Voilà mesdames et messieurs les parlementaires le choix que vous me laissez, il n’est pas flatteur pour vous.

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