Emballez c'est pesé en douce pour la justice…

En 1992, Brice Lalonde (Ministre de l’Ecologie) s’appuyant sur un rapport rédigé par MM Riboud (Danone) et Beffat (Saint Gobain), crée par décret une obligation pour les producteurs d’emballages de financer la collecte, le tri et le traitement des déchets d’emballages ménagers. Il prévoit la création d’un éco-organisme Eco Emballages, assurant la mutualisation de éco-contributions payé par le consommateur sur chaque emballage et la redistribution de cet argent aux collectivités territoriales qui assurent la collecte sélective et le tri des déchets d’emballages (mais aussi la collecte et l’élimination des déchets d’emballages non recyclés). L’Eco-organismes est agréé tous les 6 ans par l’État, qui s’appuie sur une commission consultative d’agrément rassemblant tous les collèges de la société (producteurs, distributeurs, consommateurs ONG environnementales, élus, opérateurs des déchets). Le coût de la gestion des déchets d’emballages est estimé à 1 milliard d’euros assumé par les collectivités locales, le budget d’Eco Emballages est d’environ 600 millions d’euros pour 4,8 millions de tonnes de déchets d’emballages... le financement de la différence est assuré par les taxes ou les redevances ! Or une affaire illustre la manière dont est géré ce secteur capital de la vie quotidienne que je suis en tant qu’administrateur national d’Amorce (400 collectivités) et comme représentant de l’Association des Maires de France au sein de la Commission consultative des emballages ménagers face à… Eco-emballages !

Décembre 2008 : Quelques semaines après la présentation d’un rapport d’audit financier indépendant demandé par les représentants des collectivités, Eco-Emballages annonce être en incapacité d’assurer le paiement des collectivités en raison du blocage de la majeure partie de sa trésorerie placée sur des fonds à risques aux iles Caïmans. Jean Louis Borloo alors Ministre de l’Ecologie obtient le licenciement sine die du directeur général d’Eco Emballages Bernard Herrodin qui se s’est appuyé sur un intermédiaire hollandais M Kraland et demande un nouvel audit réalisé par le cabinet Deloitte, qui confirme le placement sur deux fonds à risque « Santa Barbara » et « Primores » de près de 130 millions d’euros soit près de 50% de sa trésorerie, désormais bloquée dans le cadre de la crise financière qui vient d’éclater.

Les membres du Conseil d’administration d’éco-emballages, dont le travail consiste principalement à piloter la gestion financière des contributions, disent découvrir la nature des placements de la trésorerie, de même que le censeur d’Etat participant aux conseils d’administration. Personne n’a rien entendu, rien vu et à fortiori rien dit ! Il faut ajouter que j’ai dénoncé (sans aucun écho!) les jetons de présence distribués aux administrateurs d’Eco-Emballages et je ne me suis encore une fois fait marquer à l’encre rouge ! Aucune réponse : circulez il n’y a rien à voir a indiqué la Cour des comptes il y a quelques semaines !

Avril 2009 : AMORCE et le Cercle National du Recyclage, qui sont les deux principales associations de collectivités, annoncent leur volonté de porter plainte contre X, la plainte d’AMORCE auprès du Juge Courroye au parquet de Nanterre, est devancée de quelques heures par celle d’Eco Emballages, non sans que le nouveau directeur d’Eco-Emballages n’ait d’abord demandé confirmation à AMORCE de sa volonté de porter plainte. L’Eco-Organisme est conseillé par Maître Lafarge-Sarkozy. L’Etat considère alors qu’il ne peut porter plainte car il considère qu’il ne s’agit pas d’argent public, ce que remettra en cause la cour des comptes dans son rapport de 2014. Nathalie Kosciuzko Morizet dira ensuite qu’il s’agissait d’une affaire « qui pue » et que « si cela n’avait tenu qu’à elle, elle aurait transmis le dossier à un magistrat ».

Le 16 février dernier, un informateur proche du parquet de Nanterre nous informe que la plainte contre X d’Eco Emballages a été classée dès 2009 donc après moins de 6 mois d’investigation. A ce jour Eco-Emballages n’a toujours pas réussi à rapatrier plus de 30 millions d’euros des deux fonds à risques, fonds à risque dont les rendements financiers avant la crise des subprimes s’apparentaient davantage à des placements sécurisés qu’à des rendements de placements à risques habituellement observés à cette époque…(sic)

Sur ce dossier « emballages », plusieurs élus d’envergure nationale, parlementaires, présidents d’association, présidents de syndicat de traitement des déchets, maires ont clairement pris position en faveur de l’éco-organisme et certains, sont depuis plusieurs années les premiers défenseurs de ses positions. De manière générale, la plupart des décisions qui sont prise dans la filière Emballages viennent ou doivent obtenir l’accord de l’éco organisme.

Les services du Ministère qui sont censé contrôlé et régulé l’Eco-organisme n’ont aucune autorité sur son fonctionnement… C’est l’illustration parfaite de la collusion entre une partie du monde politique, toutes tendances confondues, avec les milieux du profit ! Les complicités sont nombreuses (les associations ne sont pas vert clair!) et le lobbying constant. Je n’ai jamais mis les doigts dans ce dispositif que j’ai maintes fois observé… et maintenant j’ai vraiment l’impression d’avoir été pris pour un couillon (pour ne pas écrire un c..) depuis des années. Je crains que ça continue après moi ! D’ailleurs pour ne pas être complice je cesse de participer au simulacre de concertation ! J’aurais trop à écrire !

Cet article a 3 commentaires

  1. Michel d'Auvergne

    C’est le nom de l’intermédiaire hollandais qui a trompé tout le monde: Kraland, c’est caïman pareil que cracraland, et ça les attire tous ! Le jour où on aura des « Google-glass » qui feront le tri du bon grain et de l’ivraie, de la lie devrais-je écrire, on y verra plus clair !
    En attendant ne nous étonnons pas de la désertification des isoloirs.

  2. Vanmeulebroucke Guy

    Bonjour JMD,

    Très bon article qui confirme que la gestion globale en la matière est aux mains de requins et profiteurs du système d’autant que l’on peut craindre que les écotaxes, payées par les consommateurs sur l’ameublement et 3 E entre autres,ne soient aussi détournées de leur objectif,tout au moins en partie.

    Bonne retraite JM….quoi que ????Il y a encore du boulot…….

  3. Michel d'Auvergne

    Le commentaire de Guy m’interpelle, j’ai en effet oublié de te souhaiter une bonne retraite… Mais c’est sûr qu’il y a encore du boulot ! Seras-tu à Chateaudun ? (au moins !)

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