Promenade sanitaire sur les sentiers de l'Histoire

Chaque fois que l’on évoque la présence envahissante des extrémistes de droite dans le paysage électoral on entend, de la part des analystes cette phrase excuse : « le FN est un parti républicain car il n’est pas interdit et il obtient des voix aux élections ! » Imparable ! Personne n’ose ajouter qu’il est « respectable » et doit être « respecté ». Il est vrai que quand vous êtes rétribué(e) par une chaîne de télévision dont les principaux adeptes se situent parmi les classes les plus aisées de la société il vaut mieux être prudent pour le renouvellement de son contrat ! Alors on ne va pas revenir sur le passé car c’est ringard et inutile. Par exemple on ne va pas rappeler que tous les partis fascistes européens ont été considérés en leur temps comme des partis « républicains » et on ne va surtout pas donner des repères liés à leurs résultats aux élections. Prenons alors deux exemples très connus pour vérifier ce que les analystes de l’époque et notamment les journalistes de la presse écrite ont manqué par complaisance et surtout par indifférence ! Allons d’abord en Allemagne… il y a 80 ans !

Le NSDAP – Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (parti national-socialiste des travailleurs allemands) – issu du parti ouvrier allemand (créé en 1919) est restructuré dès 1921 par Adolf Hitler. Il s’agit, avant 1930, d’un parti d’extrême-droite parmi d’autres, qui ne représente que 2,6 % des suffrages aux élections de 1928 pour le Reichstag… Tiens donc ça ne vous rappelle rien ! À la faveur de la crise économique de 1929, des échecs de la République de Weimar, du nationalisme engendré par le Traité de Versailles signé à l’issue de la Première Guerre mondiale (28 juin 1919) et de la fragilité de la démocratie naissante, le NSDAP gagne en importance au fil des scrutins électoraux, jusqu’à obtenir aux élections parlementaires de novembre 1932, 33,1 % des voix. Ce résultat permet à Hitler d’être nommé chancelier le 30 janvier 1933 5Un sacré anniversaire que personne n’a fêté). Ville par ville le parti de Hitler grignote son audience. Les socialistes disparaissent et la droite modérée s’efface. Il forme un gouvernement dans lequel les nazis sont minoritaires (n’oubliez pas ce détail!) face à des conservateurs bien décidés à les utiliser pour liquider la République de Weimar socialsiante au profit d’un régime autoritaire traditionnel. Il ne faut pourtant que quelques mois à Hitler pour s’emparer sans partage du pouvoir et virer tout le monde au nom de son poids électoral. L’incendie du Reichstag, le 27 février 1933, est le prétexte pour interdire le parti communiste dont les leaders et 10 000 militants sont arrêtés. Dès le lendemain, Hitler obtient du président du Reich le Maréchal von Hindenburg des pouvoirs de police exceptionnels dans tous les Länder et la promulgation du « décret pour la protection du peuple et de l’Etat » qui met fin aux libertés civiles garanties par la constitution de la République de Weimar. Le 23 mars 1933, les députés du… centre (Zentrum) rejoignent les nazis et les conservateurs pour voter la loi d’habilitation (promulguée le 24 mars) qui confère à Hitler les pleins pouvoirs pour quatre ans, renouvelables en cas de besoin. Bien évidemment tout a été fait progressivement, par étapes en respectant la volonté du suffrage universel et de la constitution allemande. C’était un vrai parti… républicain ! Mais c’est bien du passé !

Pas convaincant ? Allons en Italie ! Après le congrès de Naples, au cours duquel 40 000 chemises noires appellent à marcher sur Rome, Mussolini estime le moment propice pour une action et un contingent de 50 000 squadristi sont rassemblés dans toute l’Italie pour marcher sur Rome, la capitale, le 26 octobre 1922. Mussolini est resté à Milan, prêt à fuir en Suisse en cas d’échec de la Marche. Le haut commandement italien a préparé l’armée à affronter le coup d’État fasciste, le gouvernement a rédigé le décret d’état d’urgence qui permettrait d’écraser la marche sur Rome. En effet, les fascistes ne font pas le poids face à une armée italienne disciplinée et très bien armée. À la surprise du gouvernement, le roi Victor-Emmanuel III, craignant la guerre civile, refuse de signer le décret d’état d’urgence. Les chemises noires marchent sur la capitale le 28 octobre, menant des actions violentes contre les communistes et des socialistes.

Le 30 octobre 1922, après la Marche sur Rome, le roi charge Benito Mussolini de former le nouveau gouvernement. Le chef du fascisme quitte Milan pour devenir premier ministre à Rome. Le nouveau gouvernement comprend des éléments des… partis modérés du centre, de droite, des militaires et seulement 3 fascistes. La droite italienne s’incline, fait alliance et pense que Mussolini est utile pour réprimer les agitations ouvrières et repousser le spectre du bolchévisme (toujours la même méthode). Mussolini passe en 1923 la loi Acerbo qui réforme le système électoral, donnant 2/3 des sièges au parti ayant obtenu le plus de voix (à condition d’avoir obtenu au moins 25 % des votes). Cette loi permet le succès du Parti national fasciste aux élections d’avril 1924. Après l’affaire Matteoti en 1924, Mussolini instaure un régime dictatorial. Secrétaire général du Parti socialiste unitaire, Giacomo Matteotti avait dénoncé les élections truquées d’avril 1924. Pour couper court à toute agitation, Mussolini instaure un régime d’exception : les lois fascistissimes (1926) ; les autres partis politiques sont interdits, leurs députés sont déchus, la presse est censurée, une police secrète, l’OVRA (Organisation de vigilance et répression de l’antifascisme), est instaurée, ainsi qu’un fichier de suspects politiques et un Tribunal spécial pour la sécurité de l’État. La loi du 4 février 1926 suspend les organes démocratiques des communes et toutes les fonctions occupées par le maire, les commissions et le conseil municipal sont transférées à un podestat nommé par décret royal pour cinq ans et révocable à n’importe quel moment.

Allez surtout ne vous inquiétez pas trop… L’Histoire ne sert pas deux fois de suite le même plat. Du moins c’est ce que l’on prétend ! Tout va bien… Dormez en paix !

Cet article a 3 commentaires

  1. christian

    Serais-tu toi aussi atteint par le « syndrome FN » ? Le score du Front national doit être ramené à sa proportion véritable. Malgré la crise de décomposition qui déchire la droite traditionnelle, le FN n’est parvenu à présenter une liste que dans 596 villes sur les 36 000 communes que compte le pays, dont 9 734 de plus de 1 000 habitants, où la constitution d’une liste complète est obligatoire pour se présenter aux élections. Donc présent dans UNE ville sur 60.
    Ce n’est pas le première fois que le FN remporte ou est en passe de remporter quelques villes.
    En 1995, Le FN se présentait déjà dans 512 villes. Il avait conquis Toulon, Marignane et Orange, puis, en 1997, Vitrolles. Or que s’est-il passé à Toulon ? En 1995, la liste FN emmenée par Jean-Marie Le Chevallier y obtient 37 % des voix. Six ans plus tard, il est battu dès le premier tour, n’obtenant que 7,78 %.
    Ce 23 mars 2014, la liste FN obtient 2,27 % des voix dans cette ville. Aussi odieuse que soit la propagande anti-immigrés de ce parti, il s’est révélé, au final, comme les autres une fois aux affaires. Développant un discours antisystème, il est apparu, une fois aux responsabilités, comme un rouage de ce système, sanctionné comme tel dans les élections suivantes.
    Certes, les villes où avance le FN connaissent une baisse de l’abstention, notamment dans une fraction de l’électorat populaire désespéré qui avait cessé de voter depuis des années. Faudrait-il en conclure à un « virage » général à l’extrême droite de cet électorat ? Dans les colonnes du Parisien, un commentateur répond : « D’abord, l’attitude la plus fréquente parmi ces catégories, c’est l’abstention (…). Et puis, il faut rappeler que les classes populaires n’ont jamais été totalement de gauche : environ un tiers a toujours voté à droite. Le phénomène de vase communicant entre les ouvriers de gauche et le vote FN est très largement démenti par les analyses. »
    Des commentaires objectifs se fondent sur des constats objectifs.

  2. J.J.

    « Le score du Front national doit être ramené à sa proportion véritable. »
    Peut-être.

    Mais il ne faut pas le sous estimer. Depuis le temps qu’il (ou des adeptes de même farine) sont à l’affût d’un mauvais coup contre la République, il ne faut pas le minimiser.

    Les possibilités de nuisance de ces formations se disant politiques sont réelles. On a déjà eu la Cagoule; les Camelots du roi, les diverses formations fascisantes actives pendant l’occupation, l’OAS et autres joyeux drilles, j’en passe …. qui ne pensent qu’à renverser ce qu’ils appellent « la Gueuse », et qui n’est autre que notre République.

    Et l’on voudrait nous présenter ces gens là comme constituant un parti républicain, sous prétexte qu’ils ont accaparé nos couleurs nationales et usurpé le titre d’une organisation de la Résistance (alors que leurs précurseurs de l’époque étaient du bord adverse !) ?

    Il faut être bien confiant et naïf pour le croire.
    Examinons donc ce qu’ils appellent leur programme …..

    A surveiller comme du lait sur le feu.

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