Abstention, autorité, retour en arrière…

Nous sommes entrés dans la société française du mimétisme. Sous l’influence oppressante des médias télévisés, les seuls qui aient un vrai pouvoir hypnotique dans ce pays, on en arrive à ce que l’opinion dominante soit, comme l’avait écrit avec talent jean-Claude Guillebaud dans l’une de ses chroniques de Sud Ouest Dimanche, « comme une vapeur qu’on respire. C’est une intoxication qu’on respire ». Jamais ce constat n’aura été aussi patent quand on regarde le bilan de ce cru 20014 des élections municipales. Constamment les « télés perroquets », celles qui ressassent en boucle des poncifs, des analyses en prêt à porter, des évidences construites avec des arrières-pensées partisanes et qui sont loin très loin de leur mission d’information éducative influent fortement sur le comportement des masses. Si Karl Marx revenait il associerait forcément « l’opium du peuple » a une nouvelle religion, celle du « petit écran » qui a maintenant la main sur les consciences. On ne se construit plus son opinion mais on se la laisse instiller par des gourous largement payés une opinion que l’on pense être la sienne!

Il en est ainsi pour l’abstention ! Le rappel incessant du comportement des abstentionnistes, expliquant depuis une semaine, que le courage consistait à rester chez soi a accentué la désaffection des électrices et des électeurs. Il est devenu du plus grand chic de proclamer que le refus de se comporter en non-citoyen constitue un acte héroïque comme celui d’un déserteur présenté comme un pacifiste. Cette vague de désintérêt ou de refus d’arbitrage n’a cessé d’augmenter au fil des ans sans que personne ne tente d’infléchir le sens de l’histoire. Et dans ce domaine les socialistes, chaque fois qu’ils sont passés au pouvoir n’ont jamais abordé ce véritable défi d’un renaissance de la citoyenneté ! Par manque de courage ils en payent l’addition ! Par manque de lisibilité de leur politique parisienne, concoctée dans les salons ministériels ou dans ces cabinets totalement étrangers à la réalité, ils ont renforcé l’inutilité du vote. Jamais l’écart a été aussi grand entre l’appréciation que font les gens ordinaires des décisions prises et leurs impacts réels dans le quotidien. Le vote du second tour le confirme : si des abstentionnistes sont allés voter c’est contre le « système » et vraiment pas pour le soutenir. La très grande majorité des votes exprimés ne sont pas hostiles au PS mais à celles et ceux qui sont ses représentants depuis des décennies au pouvoir, dans les émissions en tous genres, dans toutes les grandes institutions. Ne pas le reconnaître serait simplement commettre une faute historique grave ! Il faut un fort renouvellement de la pensée et des gens qui la portent.

Tous les événements relatés chaque jour dans de très nombreux domaines mettent par ailleurs en évidence la nécessité de reparler de « l’autorité » dans ce pays. Un mot que la Gauche n’aime pas mais qui est pourtant une valeur républicaine. La vraie liberté ne se construit que dans un cadre dans laquelle des repères existent. Tout concourt  à renforcer dans l’opinion dominante le sentiment que la République s’effondre partout : éducation, justice, sécurité, économie… Une société vécue comme étant la jungle donne une idée exacte des prises de position individuelles que l’on retrouve dans les urnes. Plus personne, sauf dans les anciennes générations, n’applique des consignes venant d’un parti ! Il vote sur un ressenti, une appréciation concrète de sa réalité, de son environnement et plus sur des consignes venues du ciel. Les discours réputés « mobilisateurs » ne passent plus et ne passeront plus. Tant que la République n’aura pas remis la notion « d’autorité morale » au cœur de son projet, le déclin des scrutins se poursuivra et les gens n’y croiront plus ! Le vrai problème c’est qu’il faudra des décennies avant que la courbe ne s’inverse !

L’autre phénomène qu’il faut constater c’est qu’un mouvement de 3 à 4 % des suffrages exprimés modifie totalement dans un sens ou dans l’autre le paysage politique. La marge de basculement devient de plus en plus décisive dans un système où l’abstention progresse. La France reste en effet un pays dans laquelle la Droite est profondément ancrée (voir les manifestations des derniers mois). Elle bascule parfois vers la Gauche quand elle ne se reconnaît pas dans les gens au pouvoir ! De très nombreuses villes changent de gouvernance pour des écarts considérés comme importants en pourcentages mais faibles en volume de voix. C’est ce phénomène qui doit être considéré comme nouveau au soir du second tour.  On ne soutient plus mais on sanctionne. On refuse mais on approuve pas. On démontre son autorité sur celles ou ceux qui représentent un système usé. Ce que le PS n’a pas compris c’est que lors des Présidentielles ces 3 à 4 % n’avaient pas soutenu Hollande mais avaient voté contre Sarkozy…Ils ne lui étaient pas acquis mais au contraire ils ne faisaient que passer dans son escarcelle.  Et là ils ont fait le chemin inverse mécontentés par des réformes qui ne correspondaient pas à ses besoins.

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Le « général » prétendait que les français étaient des veaux. il n’avait pas tout à fait tort et l’on a tout fait pour qu’empire la situation.

    C’est vrai que l’enthousiasme qui a présidé au déboulonnage du petit podestat n’avait rien de rassurant.
    Une situation catastrophique ne se redresse pas en un jour, surtout si celui qui est aux commandes fait preuve de nonchalance.

    Beaucoup attendaient trop de ce changement et les réactions n’ont pas été à la hauteur de la situation.

    Et si ne sont pas prises dans l’urgence des décisions qui, même si elles peuvent paraîtres impopulaires, sont appliquées dans l’intérêt général.

    Il faut reconnaître également que l’opposition des frustrés et des revanchards n’y est pas allée de main mourante dans la calomnie et le mensonge organisé.

    Il est vrai qu’il n’est pas besoin d’être organisé pour semer le désordre.

    Les grands gagnants ? La finance, le medef, comme d’habitude.

    Les perdants : les abstentionnistes qui devraient n’avoir que le droit de « la fermer » mais également les citoyens honnêtes qui feront les frais des « réformes ».

  2. J.J.

    Outre la disparition des écrans radars de l’avion de la Malysian airlines, on constate également depuis le début de la campagne des municipales, la disparition des écrans télé du Front de Gauche et autres formations dissidentes ….

  3. pc

    Tes remarques sont justes, la télé a un pouvoir envahissant sur le conscient et même le subconscient.

    Les écarts sont parfois infimes dans les résultats et énormes à l’arrivée, mais c’était ma même chose en sens inverse il y a 6 ans.

    Une remarque sur le FN, on lui attribue 1200 élus mais en réalité il en a beaucoup plus cachés discrètement dans les listes apolitiques de la campagne où il s’insinue petit à petit grâce à des supports qui lui sont favorables (retraités inquiets, agriculteurs âgés et en détresse, jeunes couples en difficulté etc….).

    Quoi qu’il fasse, Hollande est dans l’impasse, trop à gauche pour les gens de droite, et pas assez pour les gens de gauche; en fait il semble au centre……ou plutôt nulle part.

    Pour moi une seule solution la dissolution; quitte à prendre une » branlée » autant que ce soit tout de suite et on verra bien ce que Copé et compagnie seront capables de faire.

    Trois ans de droite et c’est la réelection assurée pour Hollande….

    Ce qui est bizarre c’est que personne n’en parle , je pense que la droite a la trouille de devoir à nouveau assumer le pouvoir, car ses dirigeants ne pensent qu’à la présidentielle…..

    Vivement la 6ème république…. enfin peut-être……..

  4. Facon

    bonjour,
    triste constat, pas faux sur le fond, pourtant l’espoir existe voyez ce qu’on réussi les citoyennes et citoyens de ce petit village du Vercors.
    http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/29/a-saillans-les-1-199-habitants-ont-tous-ete-elus-premier-tour-251062
    Une nouvelle forme de résistance qui nous vient du Vercors, le schéma du fonctionnement de leur municipalité idéale résume tout. Il nous faudra attendre la fin de ce mandat pour connaitre l’épilogue de cette belle aventure. Le chemin sera long pour eux expérimentateurs de cette nouvelle démocratie de proximité. C’est une faible lueur dans l’obscurantisme du fait politique d’aujourd’hui, mais c’est pour moi un espoir précieux.

    Salutations .

  5. J.J.

    C’est vrai que c’est un bel exemple qui redonne de l’espoir.

    Vercors, terre de lutte et d’espoir.

    D’ailleurs Saillans n’est pas très loin de Vizille où une ère nouvelle a commencé un jour de juillet 1788.

    Vive la 6 ème, oui, peut-être !

  6. Rocky

    Ben oui, quand les socialistes font une politique de droite, les électeurs de gauche votent avec leur pieds.
    Et c’est pas pour autant que les électeurs de droite voteront pour eux..

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