Les fêtes des villages aux bonheurs simples

Les fêtes estivales qui rendaient joyeux les villages les plus modestes s’effacent lentement avec les évolutions sociales. Qui ose encore passer sa journée au pied d’un clocher ou sur une place communale pour pour partager un programme à mille lieues des fastes et des délires des grands moments des villes se prenant pour des grandes grâce à leurs moyens financiers. Quand on inscrit sur son programme sponsorisé par des artisans, des commerçants et la supérette du coin, « concours de belote et de pétanque », « jeux pour enfants », tour de poneys » ou manèges il ne faut pas s’attendre à voir déferler les foules avides de sensations fortes. Les joies simples qui faisaient attendre à des générations un tel rendez-vous ont totalement disparu du répertoire tout comme il ne faut pas compter mobiliser en inscrivant au bas d’un tract « bal populaire »… puisque plus personne ne donne la même signification au qualificatif de « populaire ». Oui les fêtes locales se meurent écrasées par la puissance médiatique voulant que seul l’extraordinaire ait sa place dans ce monde des apparences. En été il est pourtant excellent de se désintoxiquer en allant flâner dans l’un de ses rendez-vous aux champs. On y retrouve la vérité et la sincérité qui fait tellement défaut à un monde gavé de certitudes destinées à la rassurer sur ses talents.

Les buvettes prêtées par le fournisseur des boissons dont la fameuse bière pression qui a bien du mal à convaincre la mousse blanche de lui laisser de la place dans le verre constituent des creusets sociaux. S’y souvent certains viennent tenir place devant le comptoir ils finissent en fin d’après-midi ou de nuit par accepter que ce soit le comptoir qui les tienne ! Il est vrai qu’au bout d’un certain temps les « petits » verres de blanc ou de rosé achèvent les plus résistants toujours prêts selon une expression célèbre à en prendre un « dernier pour la routé ». La fraternelle du godet tient son assemblée générale annuelle à l’ombre d’un platane ou d’une tente fragile et il y a des membres actifs qui trouvent toujours une bonne raison de fortifier les bilans financiers des organisateurs. Le « festayre » comme ils disent dans les villes où il est bon de se fondre dans une foule exubérante joue le plus souvent à domicile et il assume en solitaire sa traversée du désert de sa propre vie.

Les gamins se poursuivent en piaillant comme les martinets ne le font plus dans les cieux d’azur. Ils s’épuisent et épuisent par la même occasion les forces de leurs grands-parents qui ne se rappelaient plus qu’il fallait autant d’énergie pour contenir une turbulente progéniture confiée par des parents toujours au boulot. Le village exhale le bonheur. Il s’offre cette cure de jouvence annuelle le changeant de sa torpeur habituelle. Il est vrai que les papotages vont bon train autour du manège où chaque grand-mère doit longuement expliquer les origines des bambins. Un travail de plus en plus ardu avec ces familles recomposées ne permettant pas des déclarations de paternité ou des filiations simplifiés ! Heureusement que le petit déchaîné se venge sur la queue de ce pauvre Mickey qui ne lui a rien fait, offrant ainsi une prolongation utile pour résumer la vie et l’œuvre de ses parents ! Peu importe la fête pourvu que l’on retrouve même brièvement la joie de la rencontre entre gens qui se sont perdus de vue au milieu des écueils des carrières ou simplement qui passent filent quotidiennement sur leur chemins ans se voir !

Le silence de la belote dans la salle dite des « fêtes » où se pratique allègrement le langage des signes tranche avec cette agitation et ces bavardages. On y fend allègrement le cœur ou on y abat ses atouts avec un sentiment de toute puissance inconnu le reste du temps. Le valet peut y devenir maître par le simple choix de celui qui décide quand son tour est venu du sort de sa famille. Les triomphes sont modestes même si un sourire jubilatoire discret accompagne des « capots » ou des « coupes » sombres dans le budget des adversaires. On peut alors jeter un regard discret sur les jambons encore emmaillotés promis au couple vainqueur ou aux bouteilles alignées offertes par les viticulteurs locaux.

Il faut cependant aller très vite car si ceux qui ont perdu ont les boules ils peuvent vouloir aller tenter un « carreau » sur les allées transformées en terre d’asile pour pétanqueurs ! Là le silence se respecte avec autant de discipline permettant ainsi que le bruit sec des tueries des tireurs d’élite percent l’air pour construire des victoires. Les explications dureront jusqu’à 20 heures avec ses défis entre personnes se connaissant bien mais ne se voulant pas nécessairement du bien ! On dégringole au fil des échecs du concours principal vers la consolante et la complémentaire ou on file vers une finale qui n’aura rien à envier à celle du mondial et qui engendrera un passage, après la prise d’une ou deux coupes, vers la buvette !

La fête « locale » c’est une sono qui braille des tubes oubliés afin de faire comme dans les boîtes où les « sardines » de Sébastien s’agitent avec le même désespoir que celles qui ont été sorties de leur eau de vie ! On y use ses semelles en couple ou seul sur le béton ou l’enrobé d’un salle de bal dont la boule planétaire géante se répand dans un ciel ouvert. Si la soirée est douce plus personne ne pense au fléau du temps qui s’enfuit…pour retourner vers les étés de son enfance. Cette année je ne peux m’empêcher de penser à ces fêtes villageoises dominicales d’il y a un siècle jour pour jour quand tout le monde vivait encore dans l’insouciance !

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