Le dimanche du jour des saigneurs…

Comment ne pas être inquiet quand on constate l’état réel et profond de la France. Un pays éprouvé par de soubresauts permanents qui va droit dans le mur car il est totalement impossible de le ramener dans des délais raisonnables sur l’égalité, la fraternité et surtout la solidarité. Le « chacun pour soi » issu du culte du veau d’or et du libéralisme exacerbé a pris le pas sur toute vision collective de l’avenir. On le trouve partout, à chaque instant, dans tous les domaines, dans les moindres recoins de la vie sociale… et désormais il est inconcevable de l’extirper des esprits de la majorité des personnes. Le fameux « moi je… » alors que le roi disait « nous voulons » reste la principale mesure de jugement de toutes les propositions d’ordre général. Un récent sondage sur le travail le dimanche en apporte l’affligeante preuve. Le débat fait rage mais interrogés les Françaises et les Français savent quelle est la solution : ouvrir les temples de la communication toute la journée afin qu’ils puissent faire leurs emplettes mais à une seule condition, qu’ils ne travaillent pas pour leur part ce jour-là !
Six Français sur dix (62%) sont donc favorables à l’accès dominical à la consommation mais dans le même temps, ils sont tout autant à être opposés à l’idée de se coller derrière une caisse ou un service quelconque. C’est ainsi qu’ils voient le sujet essentiel des prochaines semaines. La faiblesse avérée des syndicats qui ne représentent qu’une partie infime des salariés ne changera pas cette situation désespérée d’autant que le chômage conduira de très nombreux employés à accepter cette contrainte.
Dans le détail, 28% des personnes interrogées sont tout à fait favorables à l’ouverture dominicale, 34% plutôt favorables, contre 38% qui y sont opposées, dont 16% tout à fait opposées. Cela n’empêche pas les Français d’être aussi en nette majorité (60%) en désaccord avec l’idée de travailler eux-mêmes ce jour-là, une opposition en hausse par rapport à l’an dernier (+4 points). On ne dit pas combien parmi ces gens là ont un pouvoir d’achat leur permettant d’acheter encore plus chaque semaine puisque rien ne prouve qu’ils augmenteront leurs passages dans les magasins. D’autant que quand on approfondit leur position on trouve une réalité qui ne va pas améliorer les fin de mois.
Il se trouve que 61% d’entre eux seraient d’accord pour travailler régulièrement le dimanche s’ils bénéficiaient de contreparties importantes, comme le doublement de leur salaire et un repos compensateur. C’est à dire que pour maintenir leurs bénéfices les employeurs ne pourront qu’augmenter les prix et faire payer à l’acheteur le plaisir qu’il trouve dans son déplacement dominical. Il paraît difficile que si les accords prévoient une forte majoration des émoluments il n’y ait aucune retombées sur le montant de l’addition. Bien évidemment si ces « ouvertures » gardent un caractère exceptionnel on n’est pas du tout dans le même cas.
La loi doit évoluer à la marge en restant sur les villes touristiques ou à fort potentiel économique. Il est indispensable de revoir les critères afin que l’on adapte le système commercial aux besoins constatés avec un accord préalable avec les employés ou les salariés. Actuellement on assiste sur le sujet à un vrai poker menteur avec des affirmations sans aucun fondement. Le code du travail a été amendé en 2006-2007 avec des secteurs d’activités qui ont été ajoutés afin de trouver des accords possibles. La Loi cite seulement 8 cas de dérogation au repos hebdomadaire et 13 cas de dérogation au repos dominical, auquel il faudrait ajouter les dérogations accordables par les Préfets, et par les Maires en nombre limité mais toujours possible. Le détail de ces cas, lui, est fixé dans la partie réglementaire par décret du Conseil d’Etat. Le nombre de ces dérogation était de 180, mais est déjà passé à 208 !. Le Code du travail réactualisé à cette occasion a pris en compte les loueurs de DVD ou les sociétés de services informatiques qui peuvent donc sans aucun problème ouvrir le dimanche s’ils trouvent un accord avec le personnel.
Le danger réside dans le fait qu’il serait dramatique de banaliser ce qui ne relève que des dérogations et d’une loi. Ce serait livrer en pâture aux grandes enseignes des personnes souvent vulnérables socialement. Des conditions draconiennes doivent accompagner toute modification des textes comme le niveau des rémunérations, l’obligation d’avoir uniquement du personnel en CDI à temps plein, une précision importante relative les jours de repos. Et on verra ensuite si c’est aussi avantageux qu’on veut bien le dire. J’ai moi-même travaillé 20 ans le samedi et le dimanche et je sais ce que ça représente comme sacrifice familial… car rien ne remplace la simultanéité des jours de travail et de repos dans une vraie famille !

Cet article a 3 commentaires

  1. Vent d'Est

    Si j’ironisais, je ferais remarquer qu’il y a une certaine cohérence dans l’attitude des sondés : « à quoi me servirait-il que les magasins soient ouverts le dimanche si je ne peux m’y rendre car… je travaille moi aussi ce jour là ! » Mais c’était de l’ironie et vous remarquerez qu’entre les guillemets le « je » (ou le « moi ») est très présent.

    Plus sérieusement, ce pays totalement déboussolé est atteint d’une maladie qui s’étend chaque jour davantage et difficile à soigner : la schizophrénie !

  2. J.J.

    Il me semble que le budget dont chacun peut disposer pour effectuer des achats ne soit pas vraiment expansible : ce que je dépense dimanche (ce que je me garde bien de faire : pour moi le repos dominical est, comme la sieste une, un dogme incontournable), ce que je dépense le dimanche, donc, je ne le dépenserai pas lundi, ni mardi, ni…
    Donc je ne vois pas l’intérêt de ces ouvertures, à part proposer (sauf le respect que je vous dois) un amuse -couillon.

    J.M. dit : « il est totalement impossible de le ramener dans des délais raisonnables sur l’égalité, la fraternité et surtout la solidarité »

    Les gens du nord viennent d’apporter un démenti à ta déclaration. Hélas le phénomène est trop local et ponctuel pour vraiment te contredire.
    Inquiétant d’ailleurs ces Resto du Cœur victimes d’incendie ou de vandalisme (un entrepôt de resto pillé et vandalisé encore un fois en Charente cette semaine, et combien d’autres que l’on ne connait pas ?).

    A qui profite le crime ?

  3. François

    J’ai moi aussi travaillé de nombreux dimanches dans le cadre d’une fonction publique afin d’assurer l’exigence de continuité d’un service public . J’étais jeune sans enfant et cela était correctement compensé. Le danger du travail du dimanche est qu’au début il sera proposé au bénévolat et bien compensé , jusqu’à ce que le caractère localisé ou exceptionnel ouvre sur sa généralisation . Il ne sera plus question alors de bénévolat et de compensation , mais d’exigence sur peur de licenciement . Les familles qui n’ont que ce jour là pour vivre une journée ensemble en seront privées.

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