Quand le bâtiment ne va pas…plus rien ne va !

Il existe un adage dont le gouvernement devrait s’inspirer pour sa gouvernance économique : « quand le bâtiment va tout va » et à l’inverse il devrait savoir que « rien ne va plus quand le bâtiment s’effondre ». En fait on pourrait élargir ce constat au « BTP » qui associe les travaux publics à la construction. Heureux d la suppression de la taxe professionnelle, ravi par les allègements de charges promis, les entreprises de ce secteur commence à changer d’avis puisqu’elles vivent parfois uniquement de la commande publique (collectivités territoriales, offices HLM ) et que les baisses annoncées des dotations vont entraîner une chute de 15 à 30 % des investissements en 2015 et une crise encore plus grave en 2016 ! En fait, comme le veut une coutume française : on se contente des apparences en oubliant les dégâts induits ! Or selon les représentants du BTP une économie faiblarde et le blocage de nombreux permis de construire par les maires élus au printemps ont plombé le secteur du bâtiment, qui a perdu 30.000 emplois en 2014, une hémorragie qui devrait se poursuivre l’an prochain et s’accentuer en 2016. La baisse des dotations de l’Etat qui ressemble à des économies aura à terme de effets induits beaucoup plus rudes !
Il faut s’attarder sur les causes de ce sinistre pour l’emploi. La première ne dépend pas nécessairement des élus locaux alors que la seconde reflète la réalité sociale actuelle avec un égoïsme galopant. Partout se lève des contestations de toute arrivée de nouveaux habitants et de constructions car l’opinion dominante veut toujours plus de services payés par toujours moins de contribuables. Le secret de la réussite aux municipales a été inspiré de slogans faciles : « halte à l’urbanisation ! » ou « sus aux logements sociaux ! » ou «  stop à la croissance démographique ! » C’est devenu récurrent et la Droite s’empare de ces mouvements voulant que l’étalement urbain soit la solution à cette fameuse tranquillité publique, à cette mise en œuvre du triptyque moderne : « maison, gazon, télévision » avec murs préservateurs et chiens féroces… Et surtout pas de voisins ! Un urbanisme même bien pensé, même bien calibré dresse contre les élus une part de cette population qui clame « on a défiguré mon village » ; « on est trop nombreux ! » ; «  je ne reconnais plus ma commune ! ». Or désormais une ville qui ne se développe pas est condamnée à mourir sans ressources et à voir fermer progressivement tous ses services non fréquentées et donc réputés « non rentables ».
Avec un recul de 4,3%, la dégradation de l’activité sur l’année écoulée a donc été plus forte qu’anticipé par la Fédération française du bâtiment, qui tablait sur une stagnation (-0,4%) en volume. En 2014, la chute de la production de logements neufs aura ainsi été de 10,3% avec seulement quelque 300.000 mises en chantier, loin de l’objectif gouvernemental de 500.000, tandis que le non-résidentiel neuf reculait de 5,9%. Une spirale qui ne va pas s’arrêter avant plusieurs années. Les délais de construction en France sont de près de 2 ans pour les projets publics ou privés compte-tenu des difficultés croissantes. 2015 ne devrait pas être l’année de la reprise, « compte tenu du moral déprimé de tous les acteurs, ménages, entreprises et même collectivités territoriales, et des freins structurels qui handicapent l’économie française », estime la FFB, tablant sur une activité en recul de 0,4% et 30.000 nouveaux postes détruits, en équivalents-emplois à temps plein.
Dans ce contexte, les collectivités locales ne doivent pas renoncer à investir, en dépit du recul prévu de la dotation de l?État, de 11 milliards sur 3 ans. « L’investissement public doit jouer son rôle contra-cyclique (…) faute de quoi les effets sur l’emploi et les recettes locales, seront dramatiques », affirme la fédération qui visiblement ne lit pas les compte-rendus des premiers budgets votés dans les grandes villes ou dans les collectivités les plus puissantes. En fin des semaine, en Gironde, seul le Conseil général annoncera une légère hausse de son budget d’investissements !
Hier Bordeaux a taillé dans son plan prévisionnel en délaissant des chantiers de taille moyenne. La fin du grand stade, le décalage des nouvelles lignes de tram, l’achèvement du centre international des civilisations du vin…vont créer un énorme vide d’autant que la LGV Bordeaux Paris tire à sa fin et qu’il n’y a pas de crédits pour l’élargissement de la rocade. Les logements en construction se commercialisent difficilement et il semble qu’un ralentissement des programmes soit à plus ou moins en cours. Au cours de ma « tournée » annuelle des conseils municipaux j’ai bien senti que l’on hésitait à lancer des aménagements ou des constructions nouvelles… La campagne dévastatrice contre toutes les formes d’impôts va conduire à une récession forte en matière de budgets communaux, intercommunaux ou départementaux alors qu’un euro perçu contribue fortement à l’emploi. Entre 2008 et 2014 le conseil général de la Gironde a sur sa seule maîtrise d’ouvrage réalisé en 7 ans 1,7 milliard d’investissements et a contribué à débloquer via ses subventions plus de 3,3 milliards de travaux divers. Au total le Conseil général a donc directement ou indirectement injecté 5 milliards dans les travaux publics et le bâtiment.
En sera-t-il de même dans les six ans prochains… J’en doute !

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