L'été au cœur de la guerre du feu

La fumée prend à la gorge. Elle pique les yeux. Quand on côtoie une incendie de forêt comme il en éclate des milliers en été en France, on mesure l’âpreté extraordinaire du rôle des sapeurs-pompiers dans de telles circonstances. Impossible d’échapper à cette ambiance oppressante du feu qui dévore à une vitesse hallucinante sur son passage une végétation écrasée par la sécheresse. Le vent, même s’il ne vient pas d’à travers la montagne rend tout le monde fou puisqu’il se joue des flammes avec un esprit criminel avéré. Hier dans la soirée j’ai pu vivre durant de longues heures le poids de l’angoisse provoqué par un déséquilibré ayant certainement besoin de vider sa haine par le déchaînement du feu. Une expérience jamais vécu en tant qu’élu à une telle échelle.
Des centaines d’hectares détruits, des dizaines d’habitations nichées en lisière de la forêt menacées, une profusion nécessaire de matériels et des hommes confrontés à cet élément impitoyable que reste en toutes circonstances le feu : intéressant à plus d’un titre à vivre. Même si peu de personnes y prêtent attention le service d’incendie et de secours de la Gironde constitue une structure dont tout le monde a besoin un jour ou l’autre qui est uniquement financé par les collectivités territoriales (communes, agglomérations, département) avec une part prépondérante pour le conseil département qui abonde seul le budget à nettement plus de 50 %… Un système de financement dont tout le monde n’a cure en été alors que c’est durant cette période que les secours aux personnes et aux biens prennent pourtant leur envol. Le département n’apparaît nullement dans ce circuit auquel on n’est sensible que quand on est concerné ais dont on ignore tout du vrai fonctionnement.
La force du feu est telle que nul ne peut imaginer l’ampleur des moyens à mettre en œuvre seulement pour le contenir et progressivement l’arrêter. Il va bien plus vite que les machines et les techniques mises en œuvre… et justement les délais de réponse à son départ prennent toute leur importance dans un contexte où les disponibilités peuvent être réduites ou mobilisées ailleurs. De la promptitude de la mobilisation dépend en effet l’issue de la bataille.
Les sapeurs-pompiers volontaires jouent un rôle essentiel dans un dispositif qui doit conjuguer la répartition territoriale, la spécialisation des moyens et des personnels et la disponibilité des non-professionnels. Durant l’été malgré les congés il est important comme en Gironde d’être en mesure de faire face à une sortie plus ou moins massive 24 h sur 24, jour et nuit, toutes les 3 minutes ! Entre les dangers de la route, du littoral, des forêts le travail ne manque pas pour plus de 1 500 femmes et hommes disponibles en roulement entre juillet et août. Hier il a donc vite fallu se rendre à l’évidence : la dispersion des moyens (feux simultanés à La Teste-Cazaux et à Vendays) rendait indispensable l’appel à la solidarité de la Charente et des Landes. Les fameux avions « Canadair » était appelés en renfort depuis leur base de Carcassonne et les autres moyens aériens disponibles étaient immédiatement engagés. La France a envoyé 2 Canadairs en Grèce et donc la flotte avec des pilotes extraordinairement habiles est plus que réduite ! En été ils constituent avec leurs rotations à basse altitude un spectacle dont personne ne mesure pourtant la dangerosité et l’importance. Or on sait que ce ballet reste malheureusement une motivation débile pour quelques incendiaires potentiels.
L’ensemble de ces équipements et de ces unités nécessitent une coordination d’une extraordinaire précision. Ne pas faire prendre de risques élevés aux hommes sur le terrain, sélectionner les priorités de l’action, adapter la stratégie aux évolutions permanentes du « front » : la « machine » du SDIS est extrêmement bien réglé. Tout se fait dans le calme, la lucidité et surtout avec un sens de l’anticipation qui m’ont véritablement impressionné. Aucune agitation inutile. Des visages graves ! Une volonté d’informer le Préfet et les élus avant toute décision de leur part. Le « cœur battant » que constitue le Poste de commandement avancé trouve vite son rythme et sa pleine mesure. Vivre de l’intérieur au plus près des décisionnaires, ces moments quand la tendance serait que tout s’agite inutilement autour de vous constitue un vrai privilège formateur.
Toujours membre du bureau et du Conseil d’administration du SDIS 33 depuis son origine j’ai mesure après avoir été dans les mêmes circonstances appelé sur le feu de Lacanau en 2012 (600 ha mais 230 personnels mobilisés), le rôle citoyen irremplaçable des sapeurs-pompiers volontaires et le professionnalisme des gens dont c’est le métier de défendre les biens et les personnes. En rentrant cette nuit vers Créon, je pensais que l’été a des allures bien différentes selon les engagements que l’on prend !

Cet article a 3 commentaires

  1. pc

    Le feu n’est jamais « accidentel », les pyromanes volontaires existent malheureusement, mais il y a surtout les pyromanes involontaires et inconscients, mégots jetés en bord de route au milieu de la forêt, motos, quads et 4/4 qui continuent à circuler dans des chemins à peine tracés au milieu des fougères sèches, promeneurs inconscients des dangers etc…
    La forêt n’est plus entretenue, une multitude de petits propriétaires ignorent où sont leurs parcelles; les arbres couchés depuis 1999 (il y en a encore des milliers) sont envahis de ronces, qui, avec les fougères sèches brulent comme du papier.

    Propriétaires d’une dizaine d’hectares de bois, répartis sur une trentaines de parcelles très dispersées et peu accessibles, je n’ai pas les moyens d’en assurer l’entretien. Il faudrait pour cela que je m’équipe du matériel adéquat, et ce, à fond perdu, car, à part quelques stères de bois pour ma cheminée, je n’exploite pas les parcelles.
    Avec la sècheresse actuelle, je frémis à l’idée des dégâts que pourrait faire un simple mégot jeté en bord de départementale.
    Il me semble pourtant qu’on pourrait limiter les risques en forçant le remembrement, en imposant la création de groupements de propriétaires, avec obligation d’entretenir et d’exploiter la forêt de façon rationnelle, en soumettant les coupes sauvages à une obligation de déclaration, de replantation et d’entretien (la plupart de ces coupes laissent une sorte de friche envahies de ronces et fougères extrêmement sensible au feu).
    Au minimum, il est incontournable d’imposer le nettoyage des bords de route et chemins .

  2. J.J.

    L’unité dans laquelle j’ai terminé mon service militaire faisait partie du dispositif ORSEC de la Gironde. Personnellement j’ai rarement eu à intervenir sur des feux de forêt, incomparablement moins graves que ceux de cette semaine. J’en garde cependant un souvenir assez terrifiant.
    Lorsque nous étions d’astreinte ORSEC, nous dormions tout habillés, le sac au pied du lit, le peloton devait être prêt à « décaler » en moins d’un quart d’heure.

  3. J.J.

    Entièrement d’accord avec PC.
    Sans en arriver à une caporalisation de la gestion forestière, il semble indispensable de prendre des mesures pour l’entretien, la sauvegarde et aussi la mise en valeur de l’incommensurable richesse nationale que présente la Forêt Française laissée à l’abandon.

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