Retour à la réalité après les images de l'été

L’été institutionnel tire à sa fin. Une sorte de préambule à la rentrée va débuter avec le sentiment que s’ouvre devant chacune et chacun, une sorte de désert ou de forêt pleine d’incertitudes. Durant toutes les semaines écoulées les « heureux » vacanciers ont eu parfois la sensation d’être de sacrés privilégiés hors ou loin d’une actualité qui étale le sang, la douleur, la peine, les larmes, le doute et la fureur. Comment imaginer pourtant que l’on ne puisse pas avoir des éclairs de lucidité sur son sort dans une France où la pauvreté ne cesse de progresser, où rien ne permet d’être certain d’échapper aux effets dévastateurs des guerres de religion, où l’avenir ne dépasse pas pour beaucoup la fin de la semaine ou au mieux la fin du mois ? Même s’il est poétique et doux d’imaginer que l’on est heureux à ne rien faire quand tout s’agite autour de vous il est très ardu de s’extraire de cette frénésie inhumaine dont on sent le souffle chaud sur la nuque.
L’été va lentement mourir étouffé par le retour des soucis. On aura beau se répéter que l’on a réussi à « faire le vide » en se gorgeant de soleil, de silence ou de verdure , une seule minute dans la marmite bouillante de la réalité. Il ne reste plus beaucoup de place au rêve pour que l’on puisse sereinement s’évader du carcan des événements. Bien évidemment il faudra trouver des responsables à ce climat beaucoup moins ensoleillé que le fut juillet et il y a fort à parier que on n’attendra pas l’ouverture de la chasse pour canarder en dépit du bon sens sur tout ce qui va bouger. Le commentateur aussi honnête soit-il apparaîtra vite comme pessimiste ou alarmiste et il n’intéressera plus dans cette période où il faut du clinquant, du factice, du trompe l’œil et la raison.
Dès que possible reviendront sur le devant de la scène les artistes incontestables de l’esbroufe ou de la prestidigitation intellectuelle. Le petit Nicolas va distiller son poison brun et nauséabond dans les égouts des idées toutes faites. On aura droit au grand guignol du Père fouettard Le Pen mis à la porte du castelet familial « logotisé » FN où l’on donne en permanence du grand Guignol pour un public bavant de haine ou désespéré, écœuré par une vie qu’il ressent comme indigne pour lui et les siens. Hollande avancera en candidat masqué pour tenter de sortir d’une spirale de l’échec qui l’aspire vers les bas-fonds de la popularité. Mélenchon fera voir tous les Grecs pur justifier sa panne idéologique durable. Certains joueront « Placé » chez les verts et d’autres Duflot gagnant laissant ainsi les verts hors du fruit gouvernemental. Et on repartira sans aucun changement à part que tout le monde sera bronzé comme un euro neuf sur les plateaux des télés perroquets instantanées ayant été durant la période estivale au summum de leur nullité. Elles repartiront avec des mots standardisés ou dénaturés afin de maintenir une ambiance anxiogène qui, dans le fond valoriseront le bon temps passé en vacances pour celles et ceux qui leur font encore confiance.
Viendra alors le temps des souvenirs. Ils ont été le plus souvent diffusé en continu via les réseaux sociaux. Tout le monde tente de fournir aux « amis » le reflet de la réussite de ses vacances. Des millions de tweets, d’autres millions de posts sur Facebook ont porté l’image idéale d’un été permettant de persuader les autres que l’on a trouvé le bonheur. Apéros gonflés de soleil en verres, groupes amicaux dévergondés, paysages de cartes postales, plages idylliques et désertes, sommets conquis à la force des mollets, rivières à l’eau aussi claire que la petite de la chanson de Guy Béart, pêches ne se voulant pas miraculeuses mais simplement réussies, orteils en éventail avec ou sans vernis venus d’Espagne : on sait tout de toutes et de tous sans bouger de son écran. Les vacances 2015 ont été connectées encore plus que toutes les autres. Elles ont même atteint des records en matière de soif de tenir au courant la multitude de ses périples ou de ses occupations. Celles et ceux qui n’ont pas la possibilité de vivre des moments identiques pour des raisons matérielles, physiques ou de choix personnels peuvent avoir une indigestion de ces vacances de la réussite standardisée ou aseptisée.
La rentrée va leur permettre de retrouver sur les réseaux leur réalité. Ils vont pouvoir renaître au milieu du quotidien qu’ils n’ont pu quitter en juillet et en août. Pour certains la joie secrète d’avoir encore les vacances devant soi constitue un véritable privilège qui approche quand la fin est là pour le plus grand nombre. Savoir que quand tout ira mal, quand tout va s’écrouler (si l’on en croit les oracles) on pourra se faufiler loin de la mêlée permet de tenir bon face aux « « provocations » reçues.
Les chroniques de l’été 2015 prennent fin. Si elles vous ont plu j’en suis heureux… car pour moi elles constituent mon vrai moyen d’évasion estivale. Bonne rentrée à toutes et à tous et dites vous que l’essentiel c’est de toujours pouvoir rêver à des vacances !

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