Echange silence en or contre livre dérangeant !

« Dire » dans le monde actuel ne comporte pas grands risques puisque la notion de « diffusion de rumeurs » n’est guère poursuivie… Écrire devient par contre extrêmement dangereux ! Partout on s’attaque à celles et ceux qui s’inscrivent dans la durée en assumant par leur signature ce qu’ils diffusent sur du papier ou sur des blogs. C’est d’ailleurs la raison essentielle de l’anonymat qui s’installe sur les réseaux sociaux ! On a même découvert ce week-end l’absolue véracité du proverbe voulant que si la « parole » pouvait être d’argent le silence pouvait se transformer en or. L’affaire opposant un duo de « journalistes » au Roi du Maroc confirme en tous points le poids des mots dans une société de la parole et des images. Un faits divers beaucoup plus grave qu’on le pense pour la démocratie car il pose le problème du rapport entre les journalistes et les pouvoirs.
On a ainsi découvert que le livre reste une arme politique redoutable comme le furent les pamphlets ou les poulets ! Un attentat sanglant, un crime de lèse-majesté, une bombe dévastatrice ont été en effet lancés par des « écrivains » susceptibles de révéler ce que tous leurs collègues n’avaient pas voulu connaître, n’ont pas voulu voir ou n’ont pas entendu. Deux analyses sont possibles. L’une permet de penser à l’aventure de « Pieds Nickelés » avides d’un pactole substantiel pour ranger leur stylo dans son étui. L’autre, beaucoup plus crédible, relève de la manipulation parfaitement organisée par des services secrets marocains réputés très efficaces. La vérité se situe certainement entre les deux !
Le seul problème c’est que les acteurs de cet imbroglio sont titulaires d’une carte leur donnant une crédibilité vis à vis de l’opinion dominante et qu’ils ont discrédité le rôle des professionnels dans le système médiatique du scoop à tout prix ! Le vrai débat n’aura pas lieu en France puisque ce serait de l’auto-flagellation pour tous les commentateurs sévères pour les autres incapable de mettre en doute le système qui leur vaut leur notoriété et leur statut. Eric Laurent et Catherine Graciet ont seulement inventé une variante rentable de l’autocensure volontaire pratiquée par bon nombre de leurs collègues. Une posture qui relève du secret de Polichinelle. Beaucoup la pratique à géométrie variable selon le camp qu’ils considèrent comme le plus prometteur pour leur avenir mais très rarement comme ce fut le cas dans l’affaire franco-marocaine pour « préparer » leur retraite avec un parachute doré.
Si la majorité des médias français ont réagi de manière saine et professionnelle, se limitant à relater les faits et à poser les bonnes questions on a vite basculé chez les autres dans le doute puis dans le système de l’autodéfense très connue dans les « corporations ». Sur les radios, sur un plateau de télévision, l’un des protagonistes de la révélation tarifée a parlé de son souci de retenue « pour éviter un effondrement du pouvoir royal pouvant conduire à l’islamisation du Maroc » ou « à une transaction privée » avant d’évoquer un « traquenard ». En fait en se croyant plus forts et plus malins que leurs interlocuteurs les deux titulaires de la carte de presse se sont royalement faits piéger en se pensant intouchables.
Dans une lettre manuscrite, écrite jeudi dernier, les deux journalistes s’engageaient à « ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc » et à « ne plus jamais s’exprimer publiquement sur ce pays directement ou indirectement ou par personnes interposées », « ni à faire quelques révélations (…) sur ce sujet ». Ils consentaient également à « ne partager en aucune façon les documents et informations en (leur) possession avec qui que ce soit ». En contrepartie de leur silence, le Maroc s’engageait à verser « la somme de deux millions d’euros ». Dans le fond c’était comme si le Roi du Maroc achetait tout simplement par avance 100 000 exemplaires de ce bouquin à 20 euros pièce pour les détruire. Un petit tirage bien payé ! La pratique est courante avec certains journaux ou hebdomadaires à sensation. Elle est discrète mais pas très fiable. Cet épisode n’est rien dans ce monde du fric permettant aux nantis d’échapper à tout en étouffant les vérités gênantes ou en menaçant directement ou indirectement celles et ceux qui veulent les porter. Surtout quand ils possèdent chaînes de télés, journaux et autres médias ! En général ils sont moins adroits. Il arrive même mais ne le dites pas que des femmes et des hommes de pouvoir payent à prix d’or des journalistes pour écrire des livres à leur gloire et dépensent des sommes folles pour en acheter et les distribuer gratuitement… C’est parfois aussi des millions d’euros ne choquant pas grand monde !
Les donneurs médiatiques de leçons d’éthique surgis de toutes parts, feraient mieux de se pencher d’urgence sur ce qui se passe en Chine où d’autres
«journalistes» ayant osé formuler des doutes sur la solidité de l’économie chinoise ou le rôle des autorités boursières traversent des difficultés beaucoup moins cocasses.
L’un d’entre eux a « avoué » que ses « fausses informations » avaient « provoqué la panique et le désordre à la Bourse, sérieusement sapé la confiance dans les marchés et infligé d’énormes pertes au pays et aux investisseurs ». Mais le magazine « Caijing » a, dans un communiqué posté sur son site internet, affirmé qu’il « défendait le droit des journalistes à faire leur devoir conformément à la loi » sans aucune solidarité internationale. Le fric vous dis-je ! Le diffuseur de vraies nouvelles a donc été présenté au juge et expédié derrière les barreaux avec des dizaines d’autres collègues suspectés d’avoir pratiqué la désinformation de masse… Ils ont tous effectué leur auto-critique façon révolution culturelle Mao ou Pol Pot en costume orange de forçat. Ils n’avaient pas eu l’idée d’effectuer « une transaction privée » avant de publier leur papier. Ils n’ont pas eu non plus le temps d’écrire un livre !

Cette publication a un commentaire

  1. Christian Coulais

    Deux millions d’euro divisés par deux = 1 million…
    Ce million là pour ce « vieux » briscard de journaliste, était une certaine retraite bien assurée. Mais il s’est fait prendre trempant la galette dans la confiture…
    Une galette bien moindre que 12 millions pour 2 ans de boulot à virer des salarié-es et bien moins encore que 60 ou 80 millions pour un gamin au pied doré !
    Parole de vieux briscard, (31/08/2015, Soir 3), le livre sera publié !

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