On va encore tenter de faire casquer les cyclistes

Durant près de 12 ans dont 6 comme Président j’ai eu l’honneur et le vrai plaisir de participer aux débats toujours constructifs du Club des villes cyclables de France. La fonction de président national m’ont grandement ouvert l’esprit sur l’avenir des mobilités grâce aux échanges d’expérience. J’ai entendu bien des absurdités, beaucoup d’idées toutes faites et des flots de populisme malsain venant souvent des services de l’État (sécurité routière, police, spécialistes des aménagements…) et j’ai toujours rencontré le courage du coté des élus locaux et des associatifs. Le combat contre le monde « motorisé » était inégal et surtout faussé par la capacité de lobbying du monde des transports routiers ou de l’industrie automobile. On vient de constater que cette lutte pour d’autres moyens de déplacement dans la proximité n’était pas une vue de l’esprit ou des caprices de bobos urbains. L’avenir démontrera que les « utopistes » du début du XXI° siècle en matière de mobilité individuelle ou collective n’étaient que des observateurs avisés des nécessités de préservation de l’environnement au sens large. Je maintiens plus que jamais que le refondement social passe par le retour vers la citoyenneté active au détriment de la surconsommation aveugle et stéréotypée. Or les services de l’Etat restent sur des positions strictement consuméristes et opportunistes sans aucune prise de distance avec un consumérisme immédiat catastrophique.
Ainsi les chiffres de l’insécurité routière semblent repartis à la hausse. Pour rester nettement sous la barre des 4 000 morts par an – n’oublions pas qu’en 1972 on déplorait 18 034 décès sur les routes ! – et surtout, pour continuer à enregistrer des progrès sensibles dans toutes les catégories, d’usagers, le Gouvernement va présenter de nouvelles mesures. C’est la loi du genre avec la triste loi des « effets d’annonce ». Les cyclistes ne constituent pas une catégorie particulièrement problématique : leur exposition au risque continue de diminuer à mesure qu’ils se multiplient en ville et que l’aménagement urbain est plus hospitalier, avec des vitesses abaissées permettant une meilleure cohabitation des modes de déplacement. Ces dix dernières années, l’usage du vélo s’est fortement développé mais ne s’est pas accompagné d’une augmentation du nombre de tués qui se situe autour de 150 tous usages du vélo – sportif, ludique, utilitaire – confondus. Soit entre 3 et 4 % de l’ensemble des tués sur la route. Et on n’a que des cas très rares dans lesquels la responsabilité du cycliste est engagée. Il n’est cependant pas question à minimiser pour autant : tant qu’il y aura des cyclistes tués et blessés sur la route, la sécurité à vélo devra rester une préoccupation majeure des pouvoirs publics et des associations qui promeuvent le vélo. Et alors pour se donner bonne conscience on ressort les mêmes recettes qui ne changeront pas un pouce au comportement criminel de bien des conducteurs de véhicules motorisés !
Le port obligatoire du casque qui ne manque jamais de revenir dans la liste des mesures envisagées n’est pas une bonne solution. Elle n’est pas de nature à agir sur les causes réelles mais à donner aux pouvoirs publics l’impression d’avoir pensé à tout le monde. Et surtout « ça ne coûte rien ». Or, comme l’ont montré des études portant sur des pays qui ont rendu le casque obligatoire, la mesure coûte : en baisse de l’usage du vélo et en effets indésirables comme le sentiment que le cycliste est moins vulnérable ou le message implicite que le vélo, c’est dangereux. C’est pourtant la mesure qui revient une énième fois dans les propositions de la Délégation interministérielle à la sécurité et circulation routières. L’obligation concernerait les enfants de moins de 12 ans – qui le portent déjà le plus souvent, dans le cadre scolaire et sportif, dans le cadre d’activités de loisir – et hors agglomération.
Selon l’ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière), les traumatismes crâniens affectent surtout les piétons, les automobilistes et, proportionnellement moins, les cyclistes.
Il peut être tentant de se dire que le casque obligatoire pour les cyclistes, ça ne coûte rien. Il est pourtant dommage de ne pas aller plus loin dans l’examen des causes et de la diversité des solutions. Parmi ces mesures, les évolutions réglementaires récentes et l’aménagement de l’espace public, qui remettent en question le tout-automobile, disposent désormais d’un retour d’expérience qui établit leur efficacité. C’est le cas, par exemple, de la multiplication des doubles-sens cyclables qui ne s’est pas traduite par une augmentation du nombre d’accidents. Le double-sens cyclable contribue même à baisser les vitesses dans certaines rues ! Le cédez-le-passage cycliste au feu ne se traduit pas par une augmentation des accidents cyclistes en carrefours. Par ailleurs, les cyclistes ne sont pas plus infractionnistes que les autres usagers de la route.
Les leviers pour améliorer la sécurité des cyclistes sont connus et ont porté leurs fruits ces dix dernières années : modération de la vitesse, amélioration de la visibilité des cyclistes, adaptation de l’espace public aux modes actifs, partage de la voirie… Alors, continuons résolument dans cette direction, bonne pour tous les usagers de la rue. Et agissons sur les causes réelles de l’insécurité routière : la vitesse, l’alcool, l’usage des téléphones portables au volant ! Les cyclistes ne doivent pas porter le chapeau avec des décisions coercitives à côté de la plaque.
Mettons plutôt en œuvre les mesures sans cesse repoussées relatives à la cohabitation avec les véhicules à grand gabarit – poids lourds, cars, bus, engins de chantier…- alors qu’elles sont clairement identifiées par la DSCR depuis 2010 et qu’elles figurent même dans la mesure 11 du Plan national d’action pour les mobilités actives

Cet article a 3 commentaires

  1. François

    Bonjour !
    « la vitesse, l’alcool, l’usage des téléphones portables au volant !  »
    Tout à fait, J-M, je te l’accorde surtout si tu places en tête le comportement et l’oubli du Code de la Route … malheureusement avec la complicité involontaire des gendarmes trop occupés à contrôler leur vision ( ! ! ) ou délaissant leur autorité aux radars même à double sens.
    Prenons l’exemple du Stop. Ce panneau de sécurité n’attire plus le respect ! Tu marques correctement ton arrêt et tu te fais copieusement eng…… par LES SUIVANTS ( tous âges ) qui passent parfois à plus de 2O km/h. A ce sujet, je te conseille de rester une heure à l’arrêt de bus de Camblanes et de compter le nombre de tentatives d’homicides venant de Créon: tu vas prolonger tes vacances dans ton havre de calme !
    Cordialement.

  2. J-P REIX

    Dans sa chronique en p 6 du dernier Charlie Hebdo Patrick Pelloux conclut en disant : « Une chose est certaine : le casque de vélo n’est peut-être pas obligatoire, mais il est vital d’en avoir un ».
    Lisez l’article si vous le pouvez, le cas est très émouvant même si rarissime !

    1. Jean

      A quand le casque obligatoire pour les piétons, tant qu’on y est ?

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