De "Platoche" à Monsieur le Président : des dribbles déroutants

Dans ma vie personnelle et professionnelle je n’ai croisé le chemin de Michel Platini qu’à une seule reprise. J’avais été envoyé à Royan pour rendre compte de la grande fête destinée à marquer la fin de la carrière d’un certain Dominique Rocheteau. Un match de gala le 19 août 1990 qui avait permis à « l’ange vert » de rassembler des dizaines de joueurs ayant évolué à ses cotés. Parmi eux évidemment tous les grands noms de Saint-Etienne ou de l’équipe de France dont certains encore très en jambes. Certes je devais ramener un papier d’ambiance de ce qui se voulait une sorte de grand spectacle footballistique mais aussi un entretien avec celui qui était alors sélectionneur de l’équipe de France depuis 1988. Il avait été de ceux qui avaient poussé Henri Michel vers la sortie après des résultats pour le moins médiocres. La qualification pour le Mondial est loin !
On pensait que « Platoche » allait en effet redresser une situation compromise en vue de la Coupe du monde 1990 en Italie et il n’en fut rien. La tâche était donc ardue puisque les relations avec la presse étaient on ne peut plus tendues. Grâce à Alain Giresse j’obtiens l’adresse du restaurant où les « vieux de 1982 » vont se retrouver pour festoyer. Le plus dur restait à faire : obtenir que sa « majesté » accepte de s’exprimer face à un modeste pigiste inconnu. L’approche fut cinglante : « rien à dire ! Je suis là pour Rocheteau et rien d’autre ! » Grâce à l’intervention de son ancien complice bordelais sous le maillot bleu j’obtins 5 minutes en fin de repas. Deux bonnes heures de patience et enfin le sélectionneur me lâche quelques banalités après un piteux match nul quelques jours auparavant de son équipe au parc des Princes face à la Pologne (0-0). Je ne garde pas une image terrible du bonhomme mais une impression de quelqu’un de distant et d’égocentrique. Mais c’est iconoclaste dans le contexte de sa réussite !
Sous des aspects décontractés se dissimule déjà un Rastignac. Il ne s’agit pas en l’occurrence du joueur pour lequel on peut avoir une forte admiration mais de l’homme qui a déjà marqué les premiers mois de son mandat de sélectionneur par une attirance particulière pour le Golfe persique. À la fin du mois de novembre 1988, Michel Platini se rend au Koweit où il doit assister au match d’ouverture de la coupe d’Asie des nations de football se tenant au Qatar le 2 décembre. Il est l’invité personnel de l’émir au match amical Koweït-URSS le 27 novembre. Il dispute à l’étonnement du banc soviétique les vingt premières minutes de la rencontre sous les couleurs du… Koweït. La FIFA comptera même ce match comme un match officiel international ce qui fait que Platini compte donc une sélection en équipe du Koweït ! Une pige bien évidemment désintéressée et gratuite qui sera complétée par une tournée des Bleus pour un tournoi triangulaire dans ce même pays à la demande de celui qui était devenu son ami, le cheikh Al-Ahmed Al-Jaber Al-Sabah qui s’était rendu célèbre en interrompant par une incursion sur la pelouse de la rencontre de Coupe du monde en 1982 entre la France et la sélection dont il était quasiment propriétaire !
Il y aura bien des années plus tard cette fameuse entrevue spontanée entre celui qui est devenu entre temps dans le sillage de Fernand Sastre président de l’UEFA. Pourtant, des questions se posent : Michel Platini a-t-il été influencé ? Pourquoi a-t-il révélé son vote, normalement tenu secret ? Le 23 novembre 2010, Michel Platini, l’un des 22 votants pour l’attribution du Mondial qui sera faite quelques jours plus tard, est invité à déjeuner à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, un grand ami du Qatar. Le président de la République lui réserve alors une drôle de surprise : à table il retrouvera le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani et Sébastien Bazin, représentant en France de Colony Capital. Un repas durant lequel on cause des investissements qatariens en France, concernant notamment le Paris Saint-Germain ou la création d’une nouvelle chaîne pour concurrencer Canal +, selon le souhait de Nicolas Sarkozy. Mais bien entendu on n’a pas du tout parlé du vote pour le Mondial de 2022 ! Ila avoué avoir été « piégé par Sarkozy ! ». Allez on veut bien encore le croire.
Platini a été un grand, un très grand joueur. Il a été un grand, un très grand capitaine d’une équipe de France. Platini est une excellent Président de l’UEFA. Malgré ce parcours remarquable, je veux bien admettre encore que l’homme Platini ne s’est pas assez méfié du milieu dans lequel il évoluait. C’est logique car le niveau des fédérations nationales ou internationales des grands sports est gangrené par le fric et je reste persuadé que le rusé Blatter lui a tendu un piège dans lequel il est tombé. Une sorte d’assurance vie de président de la FIFA qu’il signait en versant le pactole à Platini au moment où l’on commençait à douter de l’intégrité de ce conglomérat international de fripouilles. Il vient d’être rattrapé par des pratiques que tout le monde connaissait sans pouvoir forcément les dénoncer. Même les gens honnêtes se brûlent en jouant avec le feu !

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