L'enjeu des régionales se situe aussi à un autre niveau

La réforme du périmètre des régions avec une amplification de leurs compétences va peut-être tourner au cauchemar républicain. Populations augmentées, territoires élargis, pouvoirs accrus : les choix effectués au nom de la volonté de rendre plus puissant un échelon territorial va devenir problématique si par malheur le FN obtient la gestion de deux des plus grandes entités récemment créées. Il semble que les inventeurs de la constitution de ces « provinces » n’aient pas envisagé un seul instant que Marine Le Pen ou Marion Maréchal-Le Pen puissent un jour en prendre le contrôle avec tous les moyens que cela suppose. A moins de 2 ans de l’élection présidentielle au cœur d’une Europe de plus en plus réactionnaire et fragmentée (cf la Catalogne) la France va offrir au monde une image particulièrement inquiétante. D’ailleurs l’affolement gagne tardivement les hautes sphères de ce monde politique déconnecté de toute réalité.
Dans le nord de la France, Marine Le Pen est donnée gagnante au second tour, face à Xavier Bertrand et au socialiste Pierre de Saintignon. Si la chute de ce fief historique serait lourdement symbolique pour la gauche, il serait paradoxalement moins lourd d’effets médiatiques que la situation dans le sud de la France. Le FN s’emparant de la région « Nord pas de Calais Picardie » a été quelque part intégré par les commentateurs et les élus de terrain tant Marine Le Pen « laboure » ce territoire depuis longtemps. Par contraste, le parachutage de Marion Maréchal-Le Pen en Paca et son niveau déjà élevé dans les enquêtes d’opinion alarme désormais les états-majors du PS et des Républicains car elle n’a aucun recul réel. Son arrivée signifierait un bail de longue durée (6 ans dans un premier temps) avec des perspectives beaucoup plus longues d’occupation d’un poste devenu capital !
Ainsi si l’on prend la région NPCP elle s’étend sur 31 813 km² et compte 5 973 098 habitants avec un budget évalué avant transferts des fonds correspondant aux nouvelles compétences, d’environ 3,6 milliards d’€. Un vrai État dans l’État avec une population supérieure à celle de la Norvège. A 15 mois de l’élection présidentielle ce sera un « outil » absolu face à tous les autres candidats ! Pas d’action sociale contrainte à mener et une grande liberté donnée par la loi NOTre pouvant même permettre à Marine Le Pen à aller jusqu’au clash avec le gouvernement dont elle peut refuser (ou saborder) les décisions centrales. C’est déjà certain qu’elle provoquera au maximum afin de contraindre les instances nationales à condamner des décisions populistes prises dans cet optique. Si en plus elle bénéficie aux présidentielles du renfort de PACA avec ses 5 millions d’habitants et plus de 2,2 milliards de budget on aura réussi la prouesse d’apporter au FN 10 % de la population française et près de 6 milliards à allouer sans avoir un seul euro d’impôt direct à lever ! En fait le clan Le Pen se retrouvera à la tête de l’équivalent de la Serbie et avec un potentiel par exemple largement supérieur à l’Irlande ! Mais bien évidemment en votant la loi les députés socialistes avaient envisagé cette hypothèse !
Pour ma part je crains que la France traverse une année 2016 épouvantable avec des conflits permanents sur le plan social, un affaiblissement institutionnel considérable de l’État et une véritable incapacité à contrôler des pans entiers de son territoire.
Les deux « provinces » ont aussi des frontières capitales pour notre nation et elles comportent des métropoles dont la gouvernance reste extrêmement compliquée dans une période clé. Il faudra en effet pour diverses compétences que les départements ou pour d’autres compétences les métropoles aillent négocier des transferts (économie, transports, déchets, environnement, les ports) avec… les majorités frontistes. Ça promet de grands moments quand on sait que rien n’oblige les nouveaux exécutifs régionaux à négocier quoi que ce soit ! Ils auront à leur merci les intercommunalités grâce à la création de la conférence territoriale de l’action publique qui établira un pacte de gouvernance territoriale. Cette instance sera présidée par le président du Conseil régional et rassemblera les représentants de l’ensemble des exécutifs locaux – régions, départements, métropoles, agglomérations –, ainsi que des délégués de maires et de communautés de communes, et un représentant de l’Etat (le préfet de région). De grands moments en perspective ! Il est certain aussi que l’accession à la présidence de ces « régions-Etats » permettra au FN de constituer de véritables « gouvernements » grâce aux vice-présidences que prévoit la loi.
Pour le moment les départements ont résisté à toutes les offensives du FN malgré une augmentation du nombre de ses conseillers départementaux. On reparlera en 2017 de l’impact national de cette réforme régionale aux législatives et… on mesurera ses véritables effets au second tour des Présidentielles. Le mal sera fait car le scrutin régional installera les assemblées et les exécutifs pour 6 ans !

Cet article a 4 commentaires

  1. Jean

    Comment on dit ouvrir la boite de Pandore chez les technocrates « socialistes » qui ont imaginé cette usine à gaz ?

    1. Georges SIMARD

      La position du « soumissionnaire » est « génétique » chez les $olférini€ns …
      1914 : L’Union sacrée
      1936 : Non intervention en Espagne
      1947 : Accords Blum-Byrnes
      J’en passe, et des meilleures !

    2. Georges SIMARD

      Jean-Marie Darmian a tout a fait raison d’écrire :
      « Ces « régions-Etats » permettront de constituer de véritables « gouvernements » … »
      C’est bien le sens que leur avait donné l’AMGOT en 1944, et c’est pour défendre la souveraineté nationale que De Gaulle avait réussi, avec l’appui des communistes, à s’opposer à la mise en place de la « maille des Länder » en France.
      Tant qu’à créer des « super régions à l’échelle €uropéenne », pour quoi ne pas aller jusqu’à regrouper tous nos départements en une seule « région-France » ?

  2. C. Coulais

    L’autre soir sur Arte, le rédacteur en chef de paris-match disait +/- que les régions n’ont aucun pouvoir, ni budget ce sont les départements qui détiennent tout…encore un incompétent qui aboie tout en masquant la vraie réalité des choses. Tant à la radio qu’à la télé c’est fou le nombre d’imvraisamblances debitées par des pseudo faiseurs d’opinion. Du pain bénit oui- oui pour Mme le P et la Maréchale le P !

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