Une grande dame au cœur d'or ayant la frite

La météo ne correspond vraiment pas à l’esprit des fêtes de Marcheprime aux marges de ce Bassin d’Arcachon pris d’assaut par des touristes venus rechercher le « ciel,le soleil et la mer ». Il fait grise mine… d’autant qu’au moment de couper le traditionnel ruban les gouttes de pluie incitent la troupe officielle à gagner les abris. La diversité, la densité, la sincérité de tous les lieux de rencontre, d’échange et de partage renforce le sentiment que cette ville respire la passion mais elle préférerait la chaleur des corps à celle des cœurs. Grâce à une bonne soixantaine de bénévoles de tous âges, de tous milieux, de toutes conditions le rendez-vous revêt indéniablement une dimension conviviale exceptionnelle qu’ignorent ces automobilistes « embouchonnés » au célèbre feu tricolore du centre ville.
Là-bas au milieu d’eux dans la cuisine géante en plein air, une dame avec un long tablier rigide gris s’affaire autour de grandes marmites posées sur des trépieds à gaz de taille respectable. Elle est préposée depuis de longues années avec ses collègues masculins prévenants à son égard à la cuisson des frites. « Vous savez Monsieur il ne peut pas y avoir de fête réussie sans de bonnes frites, bien cuites »… Écumoire en mains elle plonge dans l’huile bouillante afin de faire pré-cuire des poches entières de pommes de terre congelées ! Jeannette Andéol ne manquerait sous aucun prétexte ce rendez-vous avec une interminable journée devant les pruneaux.
« Vous savez je suis un peu perdue pour les consignes aujourd’hui confie-t-elle car je ne suis rentrée de Rio qu’il y a deux jours et je n’ai pas pu participer aux réunions ! ». Le Brésil ne l’a pas impressionné outre mesure mais sa fille Émilie devenue championne olympique de judo l’a époustouflée. « Je la voyais obtenir une médaille mais jamais je ne pensais à l’or » avoue-t-elle en extrayant des frites joliment dorées des bouillons d’huile virulents. « J’ai vraiment commencé à y croire ajoute-t-elle quand elle a passé les quarts de finale ! Et elle l’a fait ! » Sa jubilation est intérieure et pour masquer sa pudeur mise à mal elle s’agite autour des friteuses. La notoriété est pour sa fille mais pas pour elle. Le secret de la victoire d’Émilie : « les journalistes lui ont fichu la paix car elle n’était pas favorite. Ils ne croyaient pas en elle et c’est ce qui a fait sa force car elle était motivée » explique cette femme fluette qui a vécu quelques jours seulement en compagnie de celle qu’elle ne voit plus tellement.
« Vous avez eu Jeannette que vous êtes en photo avec elle dans Paris-Match ? » lance un élu !
– Oui il paraît. Il va quand même falloir que je l’achète ».
Elle se retourne pour éviter que la discussion s’éternise. Les applaudissements demandés et obtenus par le Maire lui permette de sourire et de remercier tout le monde pour sa gentillesse. C’est pas tout : il y a les frites qui attendent et elle sait que les convives n’apprécieront pas qu’elles arrivent tardivement ! Elle ne dira rien de l’ immense émotion éprouvée dans cette salle Carioca Arena 2 quand sa fille est montée sur la plus haute marche du podium ou a vaincu sur le tatamis. Elle l’a cachée dans son jardin secret où toutes les mamans du monde mettent leurs trésors affectifs. Passons à autre chose. Les frites sont là… Jeannette qui se déplace difficilement en apprécie la cuisson avec une moue dubitative !
« Elle ne rentrera en France que mardi après la cérémonie de clôture où elle ira. Elle veut ensuite se reposer au moins un mois. Elle a obtenu que l’on décale ses examens et il va falloir qu’elle les prépare » Si la tradition est respectée elle fera un crochet par l’Élysée et reviendra à Marcheprime pour quelques jours auprès des siens. Rien de spécial est prévu en famille. « On ne changera pas explique Jeannette ! » Du moins en apparence car il faudra bien que papa Albert qui lui n’est pas allé à Rio témoigne de son affection réelle et profonde pour « Mimi » sa fille championne olympique qu’il n’a pas pu encore serrer dans ses bras. Il y aura aussi bien évidemment le passage par le club de judo ou le centre culturel La Caravelle pour une réception officielle qui programmée courant septembre. Jeannette ne veut pas trop y penser : « On verra bien ! » lâche-t-elle avec un certain fatalisme. Elle ira dimanche matin à la messe comme elle en a l’habitude et elle priera pour qu’Émilie soit protégée car pour elle sa « petite » est bénie des dieux !
En attendant au milieu des bénévoles elle est protégée de la curiosité des gens qui voudraient la questionner. Elle a du boulot avec une tonne de frites à cuire dans le week-end ! Elle mériterait chaque année pour ces olympiades du lien social que sont les fêtes de Marcheprime une médaille. C’est certain qu’elle refléterait sa modestie, sa sincérité, son dévouement et plus encore son amour antillais du partage des moments collectifs heureux. Si Émilie a décroché le récompense olympique suprême sa mère mérite un cœur d’or…
« Alors ces frites ? Elles arrivent ? » Les deux premières serveuses arrivent en souriant…pour la taquiner! « Deux minutes…C’est bientôt prêt! Ne vous inquiétez pas on sera à l’heure ! » Jeannette en a vu d’autre. Elle qui revient de Rio capitale du monde durant 15 jours, bardée de souvenirs inoubliables mais dans le fond elle est formelle : « c’est à Marcheprime que je suis le mieux ! »
Jean-Marie Darmian

Cette publication a un commentaire

  1. bernadette

    Bisous virtuels à Emilie.

    L’objectif de la performance a été atteint.

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