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Le livre noir de la jungle n'est pas prêt de se refermer

Dans le fond il est possible de débaptiser le célèbre ensemble sculptural dit des « Bourgeois de Calais » pour en faire une version moderne aussi illustrative de la détresse humaine qui serait « le réfugiés de Calais ». Pieds nus, habillés de vêtements sommaires usagés, la corde au cou ils iraient vers un avenir guère meilleur que celui qui attendait Eustache de Saint Pierre et ses collègues allant vers les Anglais. En effet après onze mois de siège, la cité affamée transformée en jungle avait négocié sa reddition avec l’assaillant venu de l’autre coté de la Manche. Édouard III, fatigué et énervé par la longue résistance calaisienne, accepta que six bourgeois lui soient livrés afin d’être exécutés. C’est à ce prix qu’il laisserait la vie aux habitants toutefois contraints de déserter leur ville une fois les Anglais arrivés.
Son épouse Philippa de Hainaut parvint cependant à le persuader d’épargner la vie de ces six malheureux, désespérés, venus devant le souverain en chemise, la corde au cou, les clefs de la ville et du château en mains. Édouard laissa donc la vie sauve à Eustache de Saint-Pierre et de ses cinq compagnons d’infortune devant une reine en pleurs les ayant sauvés. Calais devint tout de même anglaise le 3 août 1347 et le demeura jusqu’au 6 janvier 1558 lorsque Henri II de France repris la ville à Marie Tudor… On réinstalla alors la frontière sur la rive française de la Manche et il semble bien qu’elle y soit encore! Il est fort probable en effet que l’on en vienne tôt ou tard à pareille situations avec ces milliers de personnes, otages des Anglais, qui n’espèrent qu’une chose : fuir Calais assiégée !
Ils seraient entre 6 900 et 9 100 , selon les chiffres de la police ou ceux des associations à attendre que le siège soit levé. Les migrants qui tentent de passer la Manche n’ont jamais été aussi nombreux à être « enfermés » administrativement dans un bidonville à Calais. Affamés, malades, transis de froid ou écrasés de chaleur, désespérés, exploités ils attendent de pouvoir quitter ce qui est devenu une forteresse virtuelle baptisée « la jungle » ! Ils y vivent comme des reclus dont personne ne veut et que les Anglais rêvent d’exterminer au fil du temps pour des raisons strictement politiciennes. En fait l’essentiel reste le fait que la frontière du Royaume désormais désuni se trouve à Calais et non à Douvres de l’autre coté. En plus les Britanniques ont dressé une muraille artificielle constituée de100 millions d’euros de barrières et de caméras destinés à les confiner dans un espèce de château-fort de leurs rêves perdus ou impossibles.
Les « Bourgeois » actuels de la ville souhaitent vraiment qu’on les débarrassent de ces malheureux arrivés là après avoir été chassés de partout ou guidés par des passeurs avides de dollars ! On tente alors depuis de longs mois, par tous les moyens de les déloger de cette jungle où se structure une vie sociale pérenne. Il faut briser l’étau autour de cette ville sombrant dans la crise économique et politique. On voit d’ailleurs les actes violents s’accroître et les exactions racistes se multiplier. Et la réponse est toujours la même : cacher ailleurs ces réfugiés que nous ne voulons plus voir et que les Anglais méprisent. Selon les autorités, près de 3 000 migrants ont donc déjà été évacués paisiblement depuis près d’un an mais ils ont été remplacés en un peu plus d’un mois par les déplacés d’ailleurs. Il y a aussi les voies légales d’évacuation avec une soixantaine de mineurs qui ont réussi à rejoindre leur famille outre-Manche.
L’État a par ailleurs détruit avec bulldozers et forces de l’ordre les habitations de fortune faites avec des matériaux de récupération dressées dans la partie sud de ce qui est appelé la jungle sans que l’on sache si ce terme illustre le climat dangereux interne ou de manière beaucoup plus insidieuse par référence aux gens qui y vivent. Une partie des migrants a été transférée dans un centre d’accueil provisoire, un camp de conteneurs de 1 500 places. L’autre s’est simplement déplacée dans une autre partie du vaste bidonville! La situation n’évolue pas favorablement et humainement elle empire comme ce fut le cas durant la guerre de Cent ans !
Calais se sent assiégée par une armée de pauvres hères ne sachant absolument pas où aller sauf à bâtir des châteaux en Angleterre qui s’écroulent chaque nuit ! Certains en effet n’imaginent pas aller ailleurs puisqu’ils ont un membre ou la totalité de leur famille qui y vit déjà. Peine perdue les « soldats » de sa gracieuse Majesté veillent et après le Brexit les espoirs de sortie du blocus actuel deviennent de plus en plus faibles. Les « bourgeois » (mais pas qu’eux) de Calais mettent en cause de manière véhémente l’attitude des Anglais qui asphyxient de loin leur ville. La révolte gronde et aucun n’est décidé à aller la corde au cou, pieds nus et en tunique de bure implorer la mansuétude britannique qui c’est certain se moquent pas mal de la situation. En fait ils demandent que la misère du monde que leur ville est contrainte d’accueillir soit répartie sur tout le territoire… de telle manière que le livre de la jungle puisse se refermer. En cette période : un vœu pieux !

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