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La crèche devient le nouvel enjeu politicien

Qui aurait pu penser un seul instant, que la vie politique française utiliserait la crèche comme instrument de propagande électorale ? Il faut que le débat soit tombé bien bas pour que des responsables de partis, des élus nationaux, départementaux, régionaux ou locaux mettent en avant leur soutien ou leur indignation à ce qui symbolise un rite religieux certes séculaire mais justement imprégné de l’Histoire ! A bientôt 70 ans je n’avais jamais entendu parler de polémique autour de ce symbole dans les lieux où j’ai vécu. Personne n’avait eu l’idée d’en faire un enjeu de confrontation, de querelles, de ségrégation !  Quand je vois les affichoirs du canton recouverts d’affiches du parti d’extrême-droite « souveraineté, identité, libertés » (SIEL) sur lesquelles s’étale ce slogan : « Nous devons nous battre pour nos, emplois, notre pouvoir d’achat, nos services publics… mais aussi pour nos églises, nos crèches, notre Histoire » je me dis que nous sommes tombés au niveau zéro du débat citoyen ! La vente d’opium pour un peuple déboussolé ! 

Amalgames, approximations, utilisations fallacieuse des mots, mise dans les esprits des germes dangereux sont placardés sans qu’il y ait la moindre réaction collective d’indignation!  Comme par hasard cette campagne débarque dans la semaine précédant Noël ! Les sous-entendus portés par ce « programme» d’une composante du mouvement « bleu Marine » sont ignominieux mais soigneusement calculés car ils contribuent à installer dans le paysage politique des arguments reposant que les faits religieux. Nous prenons le même chemin tortueux et proche du précipice qu’ont emprunté depuis des siècles des intégristes de tous poils attachés à faire reposer la vie sociale sur des références tirés du faux respect de la « tradition ». Cet été on avait eu l’offensive calculée du burkini et là à contrario, on a la défense du petit Jésus, Joseph, Marie de la vache et de l’âne !  

Je me plais ici à citer Bayrou qui décrivant la période comme «le plus étonnant bazar politique qu’on ait vu depuis très très longtemps» a encore affirmé, à l’instar de Alain Juppé, ne pas vouloir «qu’on fasse de l’islam un problème obsessionnel en France». Et ce catholique, à titre privé, de mettre en garde : «Ce n’est pas la place d’une crèche d’être dans une mairie ! La place de la crèche, c’est à l’église ou à la maison.» Loin par exemple des positions d’un Laurent Wauquiez ou d’un Bruno Retailleau qui se sont évertués à s’aligner sur le slogan du SIEL il illustre le vrai visage de la base du vivre ensemble. Et je partage ses paroles. Effectivement le principe même de la laïcité invoqué par ce SIEL repose sur l’affirmation de François Bayrou : tout ce qui relève d’un rite religieux doit rester dans le « temple » ou le « lieu clos de vie ! ». Prétendre le contraire c’est agir contre la République. Rappelons à cet égard que l’église en tant qu’édifice, depuis 1905 est un bien public entretenu et protégé sur la base des obligations du propriétaire par la commune et qu’elle est affectée au culte qui y agit librement ! Aucun maire ne peut (sauf raisons de sécurité avérées) empêcher quiconque d’exposer une crèche dans un édifice religieux. Mieux (et c’est heureux!) aucun élu ne saurait interdire à une famille de construire une évocation de la naissance de celui qui inspire ses croyances. Laisser accroire que les églises seraient menacées au moment où à Château Thierry le feu est mis à une salle de prières musulmanes ou après des insultes récentes inscrites sur le lieu de culte musulman de Mérignac ramène la France à la fin des années 30… et dans une zone dangereuse pour ses principes ! Ces affiches attisent la haine sourde et populiste ! La pire de toutes.

En paraphrasant un principe célèbre indûment accordé à Voltaire je prétends que : « « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites et ce en quoi vous croyez, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire et de croire ! »  C’est pour moi le fondement de la laïcité qui ne repose en rien sur la défense même approuvée par le Conseil d’État des crèches sur l’espace public strictement laïque. « En raison de la pluralité de significations des crèches de Noël, qui présentent un caractère religieux mais sont aussi des éléments des décorations profanes installées pour les fêtes de fin d’année, le Conseil d’État juge en effet que leur installation temporaire à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, est légale si elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, mais non si elle exprime la reconnaissance d’un culte ou une préférence religieuse » ont décidé les juges. Dont acte… 

Tout catholique qui se respecte ne devrait pas admettre une exploitation politicienne de ses valeurs. Or lentement mais inexorablement certains politiques sèment, cultivent, exploitent les peurs rituelles, les confusions spirituelles, les perversions intégristes dans notre pays ! Ailleurs aussi. Trump sera ainsi aujourd’hui élu avec le soutien affirmé et puissant des multiples sectes, chapelles, religions présentes dans la société américaine représentés par de grands électeurs sous influence. On sait fort bien que dans le camp du candidat de la Droite vainqueur des primaires, ces composantes réactionnaires et obscurantistes agissent dans les coulisses au grand désespoir de la « Marine nationale » qui voit une part de son électorat fuir vers la respectabilité. Les affiches venues du SIEL tentent de ramener à la « crèche » les ouailles égarées ! Ce n’est qu’un début.

Cet article a 8 commentaires

  1. Ewann

    merci cet article va me permettre d’y voir plus clair !

  2. faconjf

    Bonjour,
    moi le « gentil » [Par rapport aux Juifs, avant l’avènement du christianisme] Personne étrangère à la religion juive -et de surcroit athée- je vais tenter de vous livrer mon point de vue sur la crèche.
    Pour commencer, l’utilisation de la crèche comme identifiant repoussoir de l’islam est totalement farfelue. je cite ( http://oumma.com/219304/place-de-jesus-lislam ) « Comme le dit le prophète Mohammed « Nul n’est plus en droit de se réclamer de Jésus et Marie que moi-même, car entre lui et moi il n’y a aucun prophète ». Ainsi le message Mohammadien devient le miroir révélateur de Jésus car entre les deux prophètes il n’y a aucune altération, aucune rupture. C’est donc dans l’équilibre entre ses deux pôles que le mystère de la vérité se dévoile à l’homme. »
    Et oui, le prophète Mohamed reconnait Jésus comme étant lui aussi un prophète divin. Tout cela est bien loin des croyances populaires et surtout de tous les extrémismes politico-religieux. Le véritable schisme réside entre le judaïsme et les chrétiens. L’un des principes de foi du judaïsme est en effet l’affirmation d’un Dieu unique, sans aucun intermédiaire ni associé (shoutaf). La croyance en Jésus en tant que divinité, partie de divinité ou fils de Dieu est donc incompatible avec le judaïsme, de même que sa messianité ou sa prophétie. Donc si quelqu’un doit être choqué par la crèche c’est soit un Juif soit un athée.
    La crèche et les racines chrétiennes, parlons en la crèche c’est en fait la mangeoire des animaux au sens étymologique du mot. la première crèche apparait en 1224 le saint ( François d’Assise) a voulu « faire mémoire de cet Enfant qui est né à Bethléem, et percevoir en quelque sorte avec les yeux du corps les difficultés qu’il a eues en naissant sans les effets nécessaires à un nouveau né; comment il a été couché dans une mangeoire et comment il était allongé entre le bœuf et l’âne ». On comprend donc que ce Noël là saint François a voulu que lui-même et les autres puissent se souvenir de comment le Seigneur est descendu dans la pauvreté. La symbolique du bœuf et l’âne est absente des récits évangéliques, mais dès les Pères de l’Église on interpréta la phrase biblique « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître » . Assimilant le bœuf et le joug au peuple d’Israël soumis à la loi, et l’âne aux gentils, c’est-à-dire aux incirconcis. Donc, déjà par sa naissance entre le bœuf et l’âne Jésus, comme le dit saint Paul, fait des deux un seul peuple, ne faisant qu’abattre le mur de séparation de l’inimitié (Judéo-chrétienne).
    Donc pour résumer la symbolique de la crèche c’est d’après les chrétiens la pauvreté et la réconciliation des juifs et des gentils ( incirconcis) . Une contradiction subsiste en rapport à la pauvreté, les Rois mages, les visiteurs qui figurent dans un épisode de l’Évangile selon Matthieu, lesquels, ayant appris la naissance de Jésus, viennent « de l’Orient » guidés par une étoile pour rendre hommage « au roi des Juifs » et lui apporter à Bethléem des présents d’une grande richesse symbolique : or, myrrhe et encens. Ils constituent aussi une symbolique de l’universalité Melchior aurait été roi des Perses, Balthazar roi des Arabes, et Gaspard roi en Inde. Le récit forgé par la tradition vise ainsi à, d’une part, « présenter Jésus comme le Messie royal venu dans notre histoire, et à légitimer l’accueil des païens dans l’Église. En fait c’est la représentation d’un symbole de paix et de réconciliation.
    L’histoire nous fait témoins des millions de morts causés par les religions au titre des symboliques.
    Perso, je m’en contrefout de la crèche et des bondieuseries, sauf si c’est avec mes impôts, que cela choque d’autres personnes ou que cela trouble l’ordre public. Les contradictions du symbole de la crèche sont innombrables, et leur utilisation faussée à des fins politiques m’amènent à penser que cet accessoire n’a sa vrai place que dans les lieux de culte et dans la sphère privée.
    Joyeuses fêtes de fin d’année à tous dans la paix et la réconciliation.

  3. jacques

    Il est très étonnant de revoir surgir les références aux religieux dans le débat public. Lors de la primaire de la droite, nous avons pu ainsi voir deux candidats se référer au pape sur l’air de « je le connais mieux que toi et il me soutient ».
    Cela démontre la baisse des valeurs républicaines de notre pays et la prédominance du petit intérêt particulier (chacun sa petite chapelle) face à l’intérêt général.
    La cohérence de ces discours, c’est de remettre la vérité sur la place publique : À savoir : l’intolérance de ces religions les unes vis-à-vis des autres, dès qu’elles sortent de l’espace privé. La mise en place de crèches dans l’espace public où elles n’ont jamais été accueillies n’a pas d’autre raison. Les Fillon, Vauquiez, Ménard et autres auraient été rabroués et ramener par l’oreille comme des garnements au fond de la classe par des De Gaulle, Chaban, et même Pompidou, pourtant de droite comme eux mais sachant eux ce que représente une République laïque.
    Il est quand même intéressant de s’interroger sur l’incohérence de ces adeptes du « les lois de dieu sont au-dessus des lois humaines » sur leur propension à bafouer les premières dès qu’il s’agit d’économie (loi du marché, libéralisme échevelé, thatcherisme..) de mœurs (amour du prochain, fraternité, accueil de ses frères humains..) et sur leur soutien à des partis qui prônent la peur et le repli sur soi, valeurs dans toutes les religions monothéistes.

  4. J.J.

    Et tout ça pour des mythologies qui n’ont aucun fondement historique sérieux et dont les arguments défient la Science et la Raison !

    Nous sommes retombés bien bas.

  5. bernadette

    Ce que je pense est qu’au vu des ruines d’Alep, toutes les mairies auraient dû être noires, sans lumière, sans guirlandes.
    Et puis la crèche c’est à l’étable ou dehors ou dans un lieu religieux, dans les églises.
    Aucune reconnaissance humaine pour le peuple syrien de la part de la France.
    C’Est grave, voire très grave.

    Bien à vous

  6. bernadette

    La France, ses dirigeants, ses habitants sont égoïstes. C’Est delà que vient cette histoire de crèche.

  7. Sanz

    Crèche et église, les nouveaux enjeux politiciens…
    Permettez-moi de vous communiquer un point de vue complètement prolétarisé et en même temps assumé : je retourne depuis peu à l’église et participe à la messe,
    – de cette place que je m’accorde, en entrant simplement dans ce lieu,
    – parmi les gens où je m’accorde, en m’installant naturellement au milieu d’eux.
    Ce sont ces accords qui font que je m’y sens bien. Dans ce lieu ouvert à tous (sauf aux intégristes…), il est possible d’y trouver un accueil, cet accueil élémentaire qui caractérise toute société qui se dit « humaine ». Je ne sais pas vraiment quelles sont les motivations des personnes qui sont là. Je sais seulement que ce lieu que l’on appelle une église tient pour moi de la magie en ce qu’il réunit.
    Faut-il que les lieux réunissant fassent défaut et me manquent pour le trouver dans une église.
    C’est bien penaude aussi que je vous avoue le niveau de bêtise affligeant de ma culture religieuse. Puis-je ajouter que les « références aux religieux » ne m’intéressent pas, m’ennuieraient même… en tout cas ne sont pas ce qui motive ma présence à la messe. Et des paroles d’une chanson française me reviennent : “Ici, quand tout vous abandonne, on se fabrique une famille.” Vous avez sûrement reconnu l’air commençant par « Toi, le frère que je n’ai jamais eu, … » de Maxime Leforestier.
    Se détourner résolument des sectes, chapelles et religions en s’approchant par le sensible de ce qui procure de la joie d’un vivre-ensemble (Et la société envisagée par Donald Trump ne me procure aucune perspective joyeuse d’un vivre-ensemble) : voilà une prière que je formule ici, à l’église ou ailleurs. Que je parvienne à la formuler est pour moi un soulagement. Et si ce soulagement permet que d’autres se joignent à cette prière, alors : Dieu merci.

  8. Christian Baqué

    Tout à fait d’accord sur l’utilisation politique des crèches, contre la République.
    Nous constatons aussi que la présence de crèches catholiques dans les mairies n’est nullement réclamée par l’Église catholique, mais que c’est une revendication d’Elus politiques pour des raisons bassement électoralistes. Une Déclaration des Évêques de France le montre.
    Les Ménard, de Villiers, Retailleau, SIEL et consorts ont dû avaler quelque peu leur certificat de baptême et en rabattre : la Libre Pensée a gagné juridiquement devant le Conseil d’État pour faire respecter la loi de 1905 et particulièrement son article 28.
    Le Conseil d’État a donné raison aux libres penseurs et a contraint la Mairie de Melun et le Conseil départemental de Vendée à dédommager la Libre Pensée de ses frais de justice. Désormais, par les considérants arrêtés par la plus haute juridiction administrative du pays, une crèche dans laquelle figurent les personnages du Nouveau-Testament (Marie, Joseph et Jésus) est illégale dans un bâtiment de la République.
    Mais le Conseil d’État a fait aussi droit à une remarque de la Libre Pensée : il ne faut pas confondre les bâtiments de la République et l’espace public, manière indirecte de rappeler la distinction entre sphère publique (administration, État, Institutions de la République) et sphère privée (tout le reste). La présence de crèches ailleurs que dans les Institutions républicaines ne pose aucun problème à la Libre Pensée. Dans les maisons communes des citoyens, la neutralité doit être respectée, il ne doit y avoir aucune espèce de présence religieuse. Ailleurs, chacun fait comme il l’entend.
    En toute logique, le Conseil d‘État s’est aussi penché sur la distinction qui pouvait s’opérer entre les différents types de crèches. Toutes les crèches ne sont pas religieuses. La Libre Pensée a eu l’occasion de le dire, à plusieurs reprises dans les médias : les crèches provençales avec des santons représentant des corps de métier ne posent aucun problème du point de vue de la laïcité, car le caractère strictement religieux a disparu. C’est ce qu’a affirmé le Conseil d’État. Et cela nous satisfait pleinement.

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