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La fracture s’élargit encore plus dans les petites communes

Depuis le soir du premier tour des élections présidentielles je suis allé à la rencontre des élus locaux d du Créonnais voulant bien me recevoir avec Catherine Veyss,, vice-présidente de la région Nouvelle Aquitaine,  pour un dialogue direct et franc. Objectif : tenter de comprendre les raisons dans la plupart de celles qui ont été visitées d’un vote en faveur du Front National. A titre d’exemple sur les 15 commune sde ce territoire pouvant être considéré comme périurbain pas moins de 7 d’entre elles ont placé Marine Le pen en tête. Ce sont les plus modestes en population dans lesquelles aucun des poncifs du FN trouvent l’ombre d’une justification. Et pourtant. La PDG de la firme Le Pen obtient 32,08 % à Blésignac ; 29,28 % à Loupes ; 27,72 % à Saint-Léon ; 27,49 % à Cursan ;  25,73 % à Capian et Le Pout ; 25,66 % à Cardan.  Des scores qui ont abasourdi les conseillers municipaux, les adjoint(e)s, les conseillers municipaux ! Rien ne vaut ce dialogue en confiance.

Toutes celles et tous ceux qui osent s’exprimer ne comprennent pas ces résultats alors que leurs villages sont en plein essor démographique. « Je cherche tous les jours quels peuvent être les habitants qui ont fait ce choix » avoue l’un de nos interlocuteurs. « Est-ce que ce sont les jeunes ? Les personnes âgées ? Les chômeurs ? Je n’en sais vraiment rien… J’en viens à douter de tout le monde ! Il ne se passe jamais rien de grave chez nous. Aucune présence étrangère. Un taux de chômage faible. Tous les services sont à moins de dix minutes…Et pourtant ! » ajoute-t-il désorienté. En fait le constat est le même : «  nous sommes devenus des villages dortoirs proches de la métropole bordelaise ». Les nouveaux arrivants dans les lotissements ont comme premier souci de s’enfermer, de s’emmurer, de s’isoler derrière des murs. Le ballon du gamin qui passe de l’autre coté provoque une querelle. La tonte d’une pelouse qui dépasse l’horaire autorisé engendre une alerte rouge chez le Maire. Un trou dans la chaussée devient une affaire d’État…Le repli sur sa propriété chèrement, acquise en limite de ressources grâce à l’indulgence bancaire, devient désormais le principe essentiel de référence de la vie sociale. « Je crois que beaucoup d’artisans, de petits commerçants, d’auto-entrepreneurs ont aussi voté pour le FN. Ils n’en peuvent plus des charges, des contraintes » ajoute une Maire ! « Cette conjonction de ras-le-bol a permis cette explosion du vote protestataire. Les salariés, les fonctionnaires, des retraités de la fonction publique l’ont eux reporté sur le leader des Insoumis »ajoute-t-elle !

Ces gens s’installent dans une « bulle » très inconfortable car déstabilisante et décevante par rapport à leur rêve de campagne, de calme, de sérénité. Ils doivent courir sans cesse pour rejoindre des écoles, un collège voire un lycée éloignés…que fréquentent des enfants confinés à la maison car éloignés des lieux culturels, sportifs, de loisirs qu’ils ne peuvent fréquenter que si les parents acceptent de reprendre l’automobile !  Ils accumulent un stress quotidien dans le déplacement domicile travail vers la métropole qui devient lui aussi incertain en durée. Ils ont des fins de mois difficiles voire impossibles en raison de leur endettement à très long terme. Cette situation génère des frustrations, des jalousies, des comparaisons portées par les seuls outils de lien social utilisés : la télévision ou pour ceux qui ont la chance d’avoir un débit suffisant les attraits d’internet ou du téléphone mobile . Leur vote est artificiel souvent uniquement sur des impressions, des sensations, des fausses informations et surtout la résultante d’une véritable désillusion. Le global a pris le pas sur le local, l’éloignement a accentué la sensation d’isolement, l’angoisse a remplacé l’espoir.

« Les retraités ne sont pas tous responsables de ce résultat reconnaît un jeune élu. Au contraire eux ont plus de possibilité de s’épanouir, de sortir, d’aller vers les autres. Pour les arrivants le seul lien peut être l’école via les enfants mais chez nous il n’y en a pas (1). ils ne sortent pas et ne participent que rarement aux animations associatives. On ne les voit que pour des formalités administratives ou des problèmes très personnels et quand ils viennent voter ! ». Tous les élus rencontrés s’épuisent à tenter de relancer qui une kermesse de écoles disparue depuis des années, qui un arbre de Noël, qui des soirées à thèmes, qui des intervillages, qui des randonnées pédestres, qui des journées du patrimoine… « On n’y voit quasiment toujours les mêmes et les organisateurs sont en nombre très réduit » lâche un président de l’un des rares comités des fêtes encore en place.

« Nous n’arrivons pas à communiquer avec notre population sauf par le bulletin municipal. Les réunions ne mobilisent personne sauf s’il y a un problème touchant directement ou indirectement aux impôts . En fait la détérioration indépendante de la volonté d’élus manquant de moyens, du lien social local, du fameux vivre ensemble, de ce sentiment d’appartenir à une communauté solidaire va de pair avec les résultats électoraux. « J’attends avec appréhension le second tour car je ne sens pas une solidarité vraie face au phénomène FN » conclut dubitatif l’un des Maires !

(1) Loupes, Blésignac, Le Pout, Saint Léon n’ont pas d’école sur leur territoire. Capian, Cardan, Cursan sont en regreupement pédagogique 

Cet article a 7 commentaires

  1. Bernadette

    Bonjour M. Darmian,

    La campagne n’est pas la ville. La ville dispose de tous les services publics : hopitaux, gare, tramway etc…
    Les petites communes n’ont pas évolué. Mêmes lignes de bus d’il y a 40 ans. En revanche la bagnole à trouvé sa place et s’est développée.
    La bagnole c’est coûteux avec le carburant, son usure et son entretien régulier.
    Ce que je trouve horrible c’est le favoritisme provoqué par les élus dans le cadre des PLU.

    Bien cordialement

  2. Bernadette

    Oui les artisans : garagistes, électriciens, couvreurs, maçons ceux qui bossent se disent couverts de charges. Ils ne comprennent pas pourquoi ils sont obligés de payer
    autant.
    Ne comprennent pas pourquoi le chômage a été financé aussi longtemps.
    Ne comprennent pas pourquoi les familles étrangères vIvant en France ont des aides importantes sans travailler alors que les familles françaises sont moins rémunérées.
    Ne comprennent pourquoi autant de fiches S.
    Pour appuyer madame la maire citées dans votre billet, je rapporte quelques écoutes conversationnelle

  3. LE ROY Myriam

    Bonjour,

    Je suis d’accord avec votre constat inquiétant, qui semble toucher en particulier les zones d’attraction des grandes métropoles.
    Avec la métropolisation des grandes villes qui a permis le desserrement de la région parisienne et a engendré un afflux de population important notamment en Gironde, l’habitat des lieux centraux où se trouvent emplois et activités économiques n’est plus accessible à la location ou à l’achat pour un nombre de personne de plus en plus élevé car les coûts ont considérablement augmenté.
    Un grand nombre d’investisseurs multipliant les opérations juteuses (aubaine LGV etc) qui font monter les prix, et l’arrivée de populations au pouvoir d’achat élevé (avec la vente d’un 2 pièces à Paris on s’achète un 4 pièces ou plus à Bordeaux), ont chassé nombre de girondins des zones urbaines, qui viennent à la campagne par défaut mais sans en mesurer les atouts.
    Les locaux ou leurs enfants sont obligés de quitter leurs lieux de vie, leur environnement habituel, pour accéder au logement loin de leur lieu de travail (métro-boulot…).

    Il me semble qu’une société de consommation à outrance où l’Education Populaire a cédé le pas à la balade dans les galeries marchandes, à la téléréalité, aux réseaux « sociaux », tue l’Esprit Critique et désagrège le lien social. C’est l’ère du « client » que l’on dit « roi » pour mieux le rendre esclave d’un système à bout de souffle, l’ère où la toute puissance devient dangereusement la référence admirée.
    Il me semble que dans les zones vraiment rurales il y a plus de solidarité parce que les préoccupations sont moins « consommatrices ».

    Comment retisser le lien social ?

    C’est à nos chercheurs, nos penseurs, nos intellectuels d’éclairer le débat et le pouvoir sur ces questions, si tant est que ce pouvoir, quel qu’il soit, veuille bien les consulter.

    C’est à nos jeunes qu’il faut penser. Il y a beaucoup de travail à accomplir pour juguler l’avancée du front national et pour ne pas oublier les heures tragiques du régime de Vichy où la France fût dirigée par l’extrême droite.

    Le terrorisme ne nous aide pas et augmente l’angoisse, mais là aussi, alors que notre société est riche, nous « récoltons » le délaissement de populations en difficulté et de jeunes en déshérence sans filet de sécurité (nombre de familles pauvres monoparentales sans figure d’autorité pour fixer les limites du vivre ensemble), qui deviennent ingérables, voire psychotiques et qui déstabilisent encore le lien social.

    Les affaires de corruption ruinent aussi fortement la confiance publique dans un pays où, même sous un gouvernement de Gauche, la défiance, le contrôle, la tolérance zéro, la technocratie et la bureaucratie (normalisation, formatage, procédures multiples) ont continué à se développer dans divers domaines de la vie quotidienne pesant sur les citoyens ordinaires et les salariés. Nous avons beaucoup à apprendre des pays de Nord à ce sujet.

    Il est intolérable que l’extrême droite continue à prendre en otage le débat public, et notre futur président et notre futur parlement auront fort à faire.

  4. Michel 007

    INCROYABLE: Cambadelis declare le parti Socialiste est MORT…..

    Moi ,Je dit Manuel VALLS lui a Porte le coup de grace…….

    Par deception amoureuse Je ne me suiciderai pas dimanche en huit,

    Mais Je voterai bulletin BLANC…….

  5. pc

    Je vis dans mon petit village où, comme tu le sais, il fait si bon vivre la même situation.
    En 2002 environ 180 habitants, 135 Inscrits, 7 votes Le Pen.
    En 2017, 220 habitants 165 inscrits 32 votes Le Pen.
    Une dizaine de maisons neuves, 40 habitants de plus et 25 votes Le Pen de plus.
    Le pb est que ces nouveaux habitants sont tout sauf des ruraux; ils ont achetés des terrains peu chers, fait construire en se disant que quelques années plus tard il pourraient revendre avec plus-value et s’installer dans un lieu plus en rapport avec leurs aspirations.
    On ne les voit jamais, sauf pour râler à la mairie, et ils ne participent à rien.
    Quelques retraités aisés ont aussi achetés de belles maisons en pierre, cela participent et on les connaît et ils ne votent pas Le Pen….

  6. baillet gilles

    Et le racisme ?

  7. Michel

    Vous traduisez M. Darmian une certaine inquiétude, que je comprends. Mais vous pouvez faire toutes études sociologiques que vous voudrez : je pourrai vous démontrer que dans mon village où Mme Lepen est arrivée en tête, suivie de Mélenchon, votre analyse ne marche pas, les gens sont solidaires, jeunes ou vieux, ne se replient pas sur eux-mêmes, les associations fonctionnent bien, il y a une école etc… Evidemment il y a toujours un petit pourcentage de xénophobes et d’abrutis, mais pas de quoi hurler au fascisme.
    Donc tout axer sur le FN vous permet d’oublier (ou d’occulter) quelque chose d’essentiel : pourquoi les deux partis qui ont alterné depuis 35 ans à la tête de la Vème République se sont-ils cassé la figure ? Pourquoi la « gauche », s’est-elle désintégrée, en particulier le PS? N’y a-t-il pas un vrai soulèvement de sa base sociale traditionnelle contre la soumission de ses partis au capital financier depuis plus de 35 ans ?
    Personnellement je ne suis pas inquiet : d’une part parce que des millions se sont saisis du vote Mélenchon pour exprimer leur refus de ce système. Et qu’ils l’ont fait dans la continuité du mouvement de résistance de la classe ouvrière depuis des décennies (1995, 2003, 2010…) et surtout dans les cinq mois de combat contre la loi El Khomri l’an dernier.
    Du champ de ruines de la gauche (PS et PCF) dont se désolent les commentateurs politiques il faudra qu’une force nouvelle émerge, appuyée sur cette résistance. Nombreux sont les militants qui vont se sentir libérés de la tutelle de leurs anciens partis.
    Résistons ! Reconstruisons !

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