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En se repliant sur elle-même, l’école va accentuer l’échec social

La dernière semaine d’école va débuter. Elle va être terrible pour les enfants. Tous, si l’on se fie aux multiples affirmations venant des enseignants, des parents, de la hiérarchie de l’éducation nationale, sont au bout du rouleau, épuisés par des rythmes scolaires leur imposant de se lever un matin supplémentaire dans la semaine. Ils n’en peuvent plus et d’ailleurs leurs résultats s’en ressentent…et ils sont encore en baisse par rapport à l’an passé de maniére récidivante. Tout ces constats désastreux sont à mettre sur le compte de cet aménagement du temps scolaire qui perturberait dramatiquement la sérénité des familles et plus encore qui pénaliserait les chères petites blondes. On assiste à une véritable caricature de ce que peut être l’intérêt des écoliers dans une société où pour le confort personnel les adultes de tous bords sacrifient depuis très longtemps un système éducatif de moins en moins respectable et respecté.

J’ai conscience d’être un vieil instituteur dépassé par l’évolution sociale. Je n’ai pas été à la faculté. J’ai débuté à 19 ans après une année intense de formation professionnelle dans un cours moyen première année de 35 élèves. Il y avait classe le lundi, le mardi, le mercredi, le vendredi et… tout le samedi ! Au total 30 heures de présence dans les locaux scolaires et des vacances intermédiaires réduites. Je me sens maintenant coupable d’avoir « assassiné » cette génération qui m’était confiée. Ils ont dû souffrir horriblement de ce train d’enfer. Leurs parents aussi ! Rétrospectivement je me dis que moi-aussi j’ai dû ruiner ma santé. Sauf que selon les échos qui me parviennent je n’avais pas à me plaindre : les enfants étaient beaucoup moins « difficiles » à gérer que maintenant ! Et le samedi à 17 h au moment du départ en week-end (essentiellement consacré au football pour moi) je n’ai jamais été contraint d’avaler des cachets de Guronsan.

J’ai eu l’immense joie de retrouver 40 ans plus tard une grande partie de cette classe lors d’un repas convivial. Un moment exceptionnel puisque l’essentiel de la discussion a porté sur la perception qu’ils avaient eu de cette année scolaire. Je n’en ai pas entendu un seul dénigrer ou se préoccuper un seul instant de ce rythme scolaire effréné. Leur seul et unique constat : « j’avais plaisir à venir à l’école avec vous ! »(1). En comparant ou en évoquant leurs parcours personnels tous ces « anciens » avaient une propension particulière à justement se moquer un peu d’un système totalement déconnecté de la réalité. Ceux qui ensuite avaient « échoué » dans leur cheminement au collège et rarement au lycée se moquaient gentiment de ceux que d’autres qualifiaient de « réussite ». En fait ce n’était pas sur le « savoir » que c’était joué majoritairement leur vie mais sur leur savoir-être, savoir-vivre, savoir-apprendre. Ils m’ont persuadé que ce n’est surtout pas les enfants qui ont fondamentalement changé mais c’est la société qui a changé dans ses rapports avec les enfants.

J’ai ensuite enseigné (sans le samedi après-midi) dans l’un des dernières classes de fin d’études en Gironde, deux ans en classe de transition dans le quartier plus que difficile de la Benauge à Bordeaux puis dans la Z.U.P. de Lormont sans voir conscience de la « difficulté » des publics qui m’étaient confiés. Ils étaient ni pires, ni meilleurs que celles et ceux que j’ai pu croiser. C’étaient simplement des enfants ou des adolescents qu’il fallait motiver, intéresser, sortir d’une écrasante pression sociale qu’il ne lassaient pas à l’entrée de leur établissement scolaire. Ils revenaient en classe volontairement tous un samedi matin pour se passionner pour une activité extra-scolaire !

Le vrai problème c’est l’inadéquation totale entre les méthodes pédagogiques et l’évolution des acquisitions éducatives qui n’appartiennent plus désormais, à l’école. En fait, en revenant à 4 jours d’enseignement ont change une nouvelle fois simplement l’emballage pour cacher l’échec d’un système fossilisé incapable de se remettre en question. Au moment où les jeunes auraient vraiment besoin de stabilité, de générosité, de diversité, de responsabilisation, d’autonomie afin d’échapper à ce zapping constant qui les perturbe davantage que le nombre de jours de classe on les enferme dans le moule ! Mais il est beaucoup plus difficile de changer les mentalités que les horaires ! Alors on cède politiquement à la facilité.

La réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon n’avait pas d’autres objectifs : permettre à l’école de plus en plus recroquevillée sur elle-même de s’ouvrir à tout ce qui permet d’enrichir une personnalité. Depuis le début l’hostilité du milieu enseignant, confronté à d’autres méthodes de partage du temps avec les enfants, avait condamné cette initiative à l’échec. Il a suffi de persuader les parents de la gravité pour leur « petit(e) » de cette matinée du mercredi matin pour que tous les bienfaits de la sensibilisation à des activités libérant les personnalités soient effacés par des considérations biaisées. Comme un certain nombre d’élu(e)s se sont immédiatement, souvent pas peur électoraliste du contribuable, opposés à ce qui correspondait à une vision progressiste de l’avenir des enfants on a assisté à une course de lenteur pour des raisons financières, servant d’alibi pour l’inaction. « Moi je ne veux pas d’emmerdements en 2018 m’a expliqué un maire… Alors s’ils veulent la semaine de 4 jours, je la leur donnerai car nous serons trop près des élections municipales pour résister mais je suis persuadé que c’était une bonne méthode d’intégration des plus démunis culturellement et socialement ». L’enfant ? Son épanouissement, son envie d’apprendre, son ouverture d’esprit, sa préparation à la vue sociale… on en reparlera plus jamais. Oui je sais je suis un vieux con « d’instit’  » dépassé !

(1) certains ont pris la peine de me l’écrire !

Cet article a 11 commentaires

  1. vinz

    Très beau texte Jean-Marie.
    Dis-moi, l’enfant juste devant toi sur la photo, tu venais de lui filer une taloche ou quoi ? 🙂

  2. DULONG André

    100% d’accord avec toi ! Mais je vais plus loin : par nature la masse est idiote ; elle est composée d’individus qui, si on les fatigue au point de les détourner des buts d »émancipation rendront la masse encore plus ugnre et inculte et donc manipulaple (cf. Lénine et Machiavel). Je ne suis pas complotiste, simplement lucide et eu la chance d’avoir été instruit par des Maîtres (instits et profs) formidables et passionnés.

  3. LAVIGNE Maria

    Tout passe avant l’intérêt de l’enfant ! Les raisons économiques, la vie familiale, les difficultés à faire garder les petits hors temps scolaire.
    Les temps ont changé, nos chères têtes blondes ne font plus 3 kms à pied pour se rendre à l’école. Faut il s’en réjouir ? Je me pose beaucoup de questions .

  4. Cazalet

    Si mes enseignants m’ont bien appris à compter, tu avais dans ta classe 33 élèves!
    Personne ne parlait de classe surchargée et me semble t’il nous apprenions…!
    Maintenant il y a moins d’élèves et ils n’apprennent pas…!

  5. bernadette

    Oui Jean marie darmian. Faut il laisser rentrer les parents à l’école?

    Je partage votre formulation sauf que la construction du système éducatif d’aujourd’hui repose sur plusieurs dimensions : l’international (pisa) avec la Chine 1er et la France qui est passé de la 22eme à la 2eme place. Savoir lire, écrire et compter doit demeurer le seul déterminant pour tous les enfants rentrant en 6eme. Les acquis pour réussir.

    1. J.J.

      l’international (pisa) : pisa c’est du pipeau !
      Comme toute soi disant étude (manipulée), on lui fait dire exactement ce que l’on veut !

  6. bernadette

    Modif PSA : la France est passée de la 22eme à la 27 ème place

  7. bernadette

    Quelque soit l’enfant et son origine, l’enfant doit réussir dans la vie quotidienne. Il faut ouvrir les portes de la conscience morale pour éviter toute division marginalissant l’enfant.
    C’est à chaque intervenant d’agir pour chaque enfant et son education. L’école publique est un droit fondamental pour élever l’enfant vers la réussite.

  8. bernadette

    Quelque soit l’enfant et son origine, l’enfant doit réussir dans la vie quotidienne. Il faut ouvrir les portes de la conscience morale pour éviter toute division marginalisant l’enfant.
    C’est à chaque intervenant d’agir pour chaque enfant et son education. L’école publique est un droit fondamental pour élever l’enfant vers la réussite.

  9. Trouvé

    Je ne vous connais pas mais « respect » !
    J ai 41 ans et Ma préoccupation n est pas tant le nombre de jours ou vont se lever mes enfants que De savoir plutôt La qualité de ce qu on va leur enseigner et Les méthodes qui seront utilisées pour Oui Les motiver au travail à la diversification …
    Merci pour cet article je me sens moins seule !

  10. J.J.

    Moi aussi, je suis un vieux machin, j’ai à peu près la même photo de classe( au fond des bois, une classe avec 35 élèves de SE, CP, CE1, CE2) . Différence, ma blouse grise(réglementaire, imposée par qui tu sais), était moins élégante que ta belle blouse bleue…
    Parmi mes errances à la Brigade de Formation Continue où j’avais décidé de prendre l’air avant de cesser mes activités, le meilleur souvenir que je garde, c’est celui d’une SEGPA, dans un quartier réputé difficile et mal famé. J’y ai croisé des enfants volontaires, motivés par le désir de « s’en sortir », conscients qu’ils étaient de la précarité de leur situation. Que sont-ils devenus ?

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