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Le jour de la rentrée se creusent déjà les inégalités

les chemins de l’école ne sont pas les mêmes pour tous. Dès le premier jour de la rentrée les inégalités sont terribles devant la standardisation des accueils. La volonté d’apprendre ne suffit pas! J’accompagne personnellement depuis des semaines une famille de 6 personnes dont 3 enfants d’âge scolaire ayant fui les persécutions du régime dictatorial azerbaïdjanais qu’ils ne voulaient plus servir. Ils ont été accueillis solidairement sur la ville de Créon, par une municipalité ayant décidé, comme bien d’autres, de manière discrète mais efficace, de participer à l’effort collectif de soutien aux demandeurs officiels d’asile. Les bénévoles du Secours Catholique ainsi que les services sociaux du Département pour les enfants dans le respect strict des dispositifs ont ajouté leur apport irremplaçable. La solidarité de la population a également contribué à les installer sommairement mais correctement dans une nouvelle vie faite désormais d’incertitudes sur leur sort.
Pour quelles raisons ces dizaines de gens de toutes conditions se sont-ils intéressés au sort de ces fuyards de Bacou après l’incendie de leur maison ? Simplement parce que leur humanité a été supérieure à l’avalanche de poncifs issus de la confusion entre migrants et réfugiés portée par ces hérauts de la France terre de non accueil ! Les plus exigeants donnent des leçons de morale ou de conduite à appliquer à ces « envahisseurs » susceptibles de corrompre notre société tellement remarquable sur le plan des valeurs !
Je reste persuadé que la clé de l’intégration repose sur l’éducation et donc sur la capacité du système scolaire à accueillir ceux qui représentent une richesse pour l’avenir de notre pays. Dans cette famille azéris trois enfants ont justement l’âge de fréquenter notre école laïque, obligatoire et réputée gratuite ! Précision utile, ils n’ont aucune affirmation ostentatoire d’une religion car c’est à cause du fait qu’ils aient abandonné les principes de l’islam rigoriste qu’ils ont été contraints à fuir. L’aîné est au lycée ! Aucune liste de fournitures lui a été fournie car il n’existe pas ; personne ne l’a soutenu pour accéder aux livres dont il n’a pas idée où on se les procure ; il n’a que huit mois de langue française sur le territoire et on lui a refilé sans aucune explication en bloc les imprimés à faire remplir par ses parents (assurance, demi-pension, règlement intérieur, demandes complémentaires de fournitures dont un calculette proposée par le professeur de maths à 37,50 €) ; lui qui parle déjà couramment le russe, le turc et l’azéri doit opter pour une troisième langue vivante : le portugais ! On appelle ça dans notre système éducatif l’égalité des chances : tout le monde au départ et que le meilleur gagne ! Les autres ? Quels autres ?
Hier soir il était désespéré car malgré sa farouche volonté il se retrouvait face à un mur d’indifférence : « Personne ne me parle ! Je suis perdu ! Chacun part de son coté ! Les distributions sont automatiques ! Je vais tenté de m’en sortir ! La vie est dure pour moi ! Pourquoi suis-je là ? Je ne suis pas responsable !» avoue-t-il ! Je lui ai vite acheté les fournitures qu’un copain lui a conseillées (plus de 200 €) et qu’il devait avoir le jour de la rentrée. Je lui ai appris à remplir les formulaires distribués. Pour le reste je suis certain du résultat : il va vite perdre pied. Et les bonnes âmes expliqueront qu’il n’a pas de volonté d’intégration et qu’il lui manque le sens de l’effort ! La devise du lycée c’est « débrouille toi ou reviens chez toi ! ». J’espère qu’un jour en cours d’histoire (s’il en existe encore) on lui parlera en français de la déclaration universelle des droits de l’Homme dont nous sommes si fiers !
Sa sœur au collège est dans la même situation : une liste de fournitures longue comme un bras et rien d’autre et des consignes qui pleuvent de toutes parts. En décembre dernier on lui avait donné de vieux livres qui restaient en stock et à la fin de l’année scolaire on a envoyé à sa famille une facture pour qu’elle les paye car ils étaient rendus en mauvais état (j’ai vérifié!). Elle attend… avec angoisse la rentrée ce matin ! Va-t-on lui donner des livres ? Son petit frère écolier avait hier soir 2 pages d’autorisations et d’informations diverses dans son cahier à faire signer à des parents ne parlant pas un mot de français. Un mot expliquait que désormais pour avoir des informations sur la vie de l’école les parents devraient se connecter à Internet sur le site de l’établissement ! bien évidemment ils ne l’ont pas ! Son insouciance lui permet de ne pas trop se formaliser pour ces contraintes administratives. Il est heureux ! Ces situations ne sont pas extrêmes car malheureusement elles touchent bien des familles incapables de se repérer dans un maquis où l’argent, la complexité croissante des démarches, le laisser sur le bord des chemins se multiplient.
Dans l’adversité absolue, cet enfant et ces deux adolescents tentent de panser les cicatrices de leur départ précipité d’Azerbaïdjan. La semaine dernière leurs parents ont planché durant 4 heures à Paris face aux enquêteurs de l’OFPRA sur leur vie antérieure, leur parcours actuel, leurs espoirs… pendant que leur progéniture attendait anxieuses et désespérée dehors ! Mieux l’aîné s’est fait voler dans le métro le téléphone portable qu’il avait conservé de son pays d’origine… Si ça c’est pas une preuve d’intégration ! Maintenant si parmi vous il y en a qui veulent m’aider à les aider en cette rentrée difficile pour eux, je ne refuserai pas leurs certitudes et leurs efforts !

Cet article a 8 commentaires

  1. François

    Bonjour !
    « Maintenant si parmi vous il y en a qui veulent m’aider à les aider en cette rentrée difficile pour eux, je ne refuserai pas leurs certitudes et leurs efforts ! »
    Et voilà ! A peine le rideau se lève sur le spectacle du bénévolat-voyeur que, déjà, le « jeune acteur », les mains blanches tâchées par le cambouis de la réalité, devant l’ampleur de l’ouvrage, lance au public un S.O.S. de désespoir.
    Ah ! Qu’il est bon de passer de l’autre côté du rideau : on peut ainsi constater de visu les exigences absurdes concoctées par certains immeubles du quartier Mériadeck et là, bien sûr, le réveil est pénible et le foie douloureux !
    Quant à « l’accueil » des cerbères du lycée, ce sont des gens qui ont des ordres de supérieurs. L’impression est la même pour des français moyens débarquant de leur ruralité : tu connais bien, celle où ces cerbères ont été accueillis à bras ouverts…il y a encore huit jours !

    « Pour le reste je suis certain du résultat : il va vite perdre pied. Et les bonnes âmes expliqueront qu’il n’a pas de volonté d’intégration et qu’il lui manque le sens de l’effort ! » 
    De même que ces bonnes âmes te disent que ton action n’est que de la poudre de riz, du cataplasme sur jambe de bois car une action de ce genre ne se mène pas le jour de la rentrée. Tu accompagnes cette famille depuis des semaines, dis-tu, alors il fallait jouer la fourmi prévoyante et l’effort (mais oui, j’insiste) serait plus léger avec la réussite pour fruit. Si cette «  farouche volonté »existe, il va relever la tête et te surprendre car la difficulté peut aussi être valorisée par le candidat …grâce à l’effort !
    N’oublie pas que l’opinion dominante créonnaise n’est pas en campagne pré-électorale mais en action sociale bénévole.
    Je te souhaite beaucoup de chances dans cette voie très épineuse en pensant très fort un mot célèbre …que l’on n’écrit pas !
    Amicalement et solidairement.

  2. LAVIGNE Maria

    Que de souvenirs douloureux pour moi ! Même si mes parents ne sont pas partis, avec trois enfants, pour des raisons politiques mais pour des raisons économiques, le fait de se retrouver en terrain inconnu, sans papiers, sans parler la langue du pays d’accueil, nous rendaient vulnérables. J’étais l’ainée, 6,5 ans seulement, j’ai vite appris le français grâce à des institutrices bienveillantes et à une voisine Corse dont la langue maternelle était suffisamment proche de la mienne pour me permettre de comprendre. Pour le reste, ce fut le parcours du combattant pour nos parents, les humiliations, l’exploitation. Nous avons aussi rencontré des personnes merveilleuses, pour lesquelles « solidarité » n’était pas un vain mot et qui nous ont permis de nous relever. Nous leur devons beaucoup, même si elles ne sont plus là.
    Courage à cette famille, courage à vous. Quoi de plus beau qu’une main tendue ?

  3. bernadette

    Bonjour François, Jean Marie et Maria.
    Vous pouvez créer un blog qui pourrait s’appeler ici terre d’accueil
    avec un contenu à définir.
    Cordialement

  4. laxalde véronique

    Je veux bien donner un coup demain. dis moi où et quand. dommage qu’iris ne soit plus au lycée car elle l’aurait aidé. je vais voir avec elle si elle n’y connait personne pour lui apporter son aide.
    véronique laxalde

  5. André L

    Merci Jean-Marie (je me permets cette familiarité qui est une marque de respect envers la personne) qui fait preuve du sens de la solidarité de façon si clairvoyante.
    Merci de votre humanité.

    Merci de votre compréhension des difficultés pour bien des élèves, ignorées de nos institutions qui ont de plus en plus tendance à fonctionner hors-sol !

  6. Puyo Martine

    Bonsoir Jean Marie, François, Bernadette, André,
    C’est généreux à vous de vous occuper de cette famille et de ses enfants.
    Leur difficulté principale est le problème de la langue.
    Je pense que bien des institutrices ou instituteurs à la retraite pourraient donner un peu de leur temps libre à alphabétiser cette famille pour que les enfants puissent s’en sortir plus facilement dans leurs écoles.
    si vous avez besoin de fournitures scolaires faites une liste et nous pourrons apporter ce dont ils ont besoin. Je pense que pour les vêtements et autres les services sociaux ont fait le nécessaire..
    je vous lis tous les jours sans omission.
    amicalement

  7. J.J.

    A ce que je vois, les temps ont changé ! et pas en mieux.
    Dans les années 70, notre école a accueilli en cours d’année une famille de réfugiés coréens dont aucun des membres ne parlait un mot de français.
    Mais ça n’a pas duré longtemps, tout le monde s’y est mis et au bout de quelque temps, tous parlaient français. Le directeur ayant découvert que la fille aînée étudiait le piano et avait de bonnes dispositions, toute l’école s’et mise en quatre, enseignants et parents pour vendre de très belles fleurs artificielles que la mère fabriquait : avant la fin de l’année, un piano avait pu être loué.

    Les parents ont réussi ; après avoir travaillé comme employés ils ont vendu de la maroquinerie sur les foires et ont fini par acheter un magasin.
    Les enfants ont tous trouvé des situations très convenables.
    Nous recevions aussi de petits portugais, de petits espagnols, l’inspectrice venait nous conseiller pour leur permettre de s’intégrer le plus vire possible.

    Mais c’était dans les années 70 ! C’est vrai que c’était du temps des fameuses trente glorieuses !
    Oui , par rapport à maintenant, elles semblaient être bien glorieuses ces années.

  8. Jean-Jacques Lalanne

    Cela me rappelle le cas d’ une amie philippine atteinte du cancer et dont la mère n’ avait pas eu de visa pour lui rendre visite seulement 3 mois au prétexte que son envie de retour et ses moyens de subsistance semblaient insuffisants. Tu parles! Des fausses promesses d’ assistance par certaines personnes connues et un coup de fil me disant que la dernière fois ça avait coûté 400euros (comment dois-je le comprendre?), ont fait que cette malheureuse dont le tort à été de nous faire confiance n’ avait plus le temps d’ exercer le recours auquel elle avait droit. C’ était il y a environ 3 ans mais je ne risque pas d’ oublier. Si tu veux des précisions je pourrai te les fournir. En dehors de ça je suis de tout coeur avec toi pour cette famille et si je peux aider en quoi que ce soit dis le.

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