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Les lasagnes du bonheur et le soleil du cœur

Les femmes et les hommes qui oublient d’où ils viennent sont condamnés à errer dans une société qui construit de plus en plus son avenir sans aucune référence au passé. Au nom de l’intégration sociale, culturelle, économique les références à une sorte d’opinion dominante réputée comme étant la norme prennent le dessus sur les différences. Samedi soir je suis allé à La Réole au cœur de cette zone historique de l’immigration italienne entre Lot et Garonne et Entre Deux Mers pour la soirée de clôture d’une journée consacrée à cette immigration difficilement acceptée quand elle s’est produite après la Grande Guerre. Il y a toujours une part de mon cœur imprégnée de traditions apportées par mon grand-mère et ma grand-mère venus de Vénétie. Et j’avoue avoir un réel plaisir chaque fois que je le peu à les retrouver. Rien de bien extraordinaire mais simplement une envie de revenir en arrière. Des éléments apparemment banals suffisent au bonheur secret du retour en enfance que l’on est souvent le seul mesurer la vraie valeur. Dans l’ancien cloître des Bénédictions réolais dans la douceur d’une soirée d’un été indien agréable le premier déclic est venu d’une généreuse portion de lasagnes. Rien à voir avec celles que l’on peut acheter dans le commerce. Celles-ci avaient été préparée par une dame d’un âge avancée pour plus d’une centaine de convives. Un délice. Un régal. Un pur bonheur. Parfaitement grillée la couche supérieure croquante à souhait était déjà alléchante. Tout en effet dans ce mets réside dans le dosage de la cuisson qui doit conjuguer le caractère bien cuit du dessus et le moelleux intérieur. Là on était proche de la perfection alors que la cuisinière experte avait dû en préparer des dizaines de plats. Cette dualité se complétait d’une pâte douce constituant le support de l’empilage de fines couches de garniture à base de tomate : la fameuse sauce bolognaise. Cette préparation traduit le talent de la cuisinière qui la confectionne car elle nécessite des dosages beaucoup plus subtils que ne le prétendent les recettes des fiches de cuisine.
En Italie on l’appelle « ragoût » ce qui vaut beaucoup mieux que le vocable de sauce. le ragù alla bolognese n’est pas à la portée du débutant. Attention, je ne vous parle pas de la « bolo » vite fait avec du coulis de tomate et de la viande hachée surgelée que nous avons souvent préparé à la va-vite pour les spaghettis ou déposé en couche sur des pâtes toute prêtes. Faire un authentique « ragù » prend du temps et une véritable expérience du choix des ingrédients. Non cette dame qui ne disposait que d’un four problématique avait soigneusement respecté la tradition voulant que la préparation prenne du temps car il est essentiel de les laisser mijoter et s’imprégner des saveurs les produits de base.
D’abord de huile d’olive pour faire revenir l’ail haché, l’oignon, l’échalote, la carotte le plus finement hachés possibles. Attention les lardons ne doivent être que colorés avant de les mélanger avec de la chair à saucisse et du veau (les Italiens ne mangent que très peu de bœuf mâture). Ensuite la tomate friche sans peau va ensuite absorber tous les sucs durant plus de 2 heures de cuisson très lente. La sauce des lasagnes agrémentés d’un peu de basilic participait au bonheur à ce repas de roi. Elle était onctueuse (un peu de lait et de sucre ajoutés?), goûteuse, affectueuse avec les couches de pâte. Il ne manquait pour moi qu’un soupçon de poivre et de sel supplémentaires pour qu’elle soit parfaite mais il y avait des années que je ne m’étais pas autant régalé. La mama cuisinière avait réussi une prouesse de grand chef avec en plus la difficulté de la quantité à préparer. J’avoue avoir eu envie de reprendre une portion supplémentaire de ces lasagnes me ramenant vers un passé heureux, celui des tables familiales dominicales.
L’autre moment exceptionnel de ce rendez-vous avec l’Italie se nichait au cœur du concert donné par l’ensemble marmandais Allegria. Avec grand talent le chef de chœur propose des assemblages d’airs thématiques venus de la grande tradition du chant propre à l’Italie. Une quarantaine de choristes respirant le plaisir de partager leur culture originelle ou transmise interprètent des portions d’airs célèbres soit populaires soit extraits d’opéras du maître Verdi. Devant eux une valise solitaire d’antan sur laquelle était posée une casquette… comme symboles de cet exode basé sur la misère. Elle parlait bien plus que tous les discours sur l’immigration. Alors quand sont montées sous les voûtes de l’abbatiale ces paroles :  
« Che bella cosa na jurnata ‘e sole, n’aria serena doppo na tempesta!
Pe’ ll’aria fresca pare gia’ na festa Che bella cosa na jurnata ‘e sole.
Ma n’atu sole cchiu’ bello, oi ne’.
‘O sole mio sta ‘nfronte a te!
‘O sole, ‘o sole mio sta ‘nfronte a te, sta ‘nfronte a te! (..)
mon regard s’est embué. C’est toujours ainsi… C’est plus fort que moi. Les racines s’arrosent souvent des larmes discrètes des souvenirs.

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    Et pour ajouter un peu plus d’émotion au ragù, pas n’importe quelle tomate de supermarché ! Au moins une pomodoro San Marzano, ou une Borghese, ou une Corne d’Ischia, Cuore di Bue, Milanese, Borsalina, Fiaschetto, Genovese, etc.., variétés bonifiées par les soins des maîtres jardiniers italiens. Ce ne sont pas tes voisins des Jardins de tomates de Landiras qui diront le contraire.

    1. bernadette

      Les italiens nous ont piqué nos tomates de marmande, je mange que des tomates russes.

      1. J.J.

        Les italiens n’ont rien piqué du tout : la tomate, originaire d’Amérique (plutôt du sud) fut introduite en Espagne vers 1525, puis en Italie.
        En France, elle ne fait son apparition que vers 1600, comme plante ornementale, et ne sera consommée, comme la pomme de terre, que beaucoup plus tard, ayant la réputation d’être toxique !

  2. Puyo Martine

    Bonsoir Jean Marie,
    j’ai lu avec l’eau à la bouche la recette des lasagnes.
    je viens de l’imprimer et dès que nous serons au moins 4 à déjeuner, je me mettrai en chantier pour « essayer » de réussir cette recette qui a l’air délicieuse. J’en fais, en confectionnant moi même avec mes produits, si possible, des lasagnes acceptables et gouteuses, mais celles-ci sont supérieures. donc je vais essayer.
    pour les tomates je n’ai que celles de mon petit jardin, Marmande, coeurs de boeuf, cornues des Andes, noires de crimée. Mais je fais mon coulis moi même c’est donc lui que j’utiliserai.
    A bientôt.

  3. J.J.

    Marmande, cœur de bœuf, cornue des Andes, noire de Crimée, c’est dèja une belle sélection.

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