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L’assassinat de Kennedy a marqué une génération

Vendredi 22 novembre 1963…Je ne me suis pas encore adapté au régime pour le moins exigeant de l’internat de l’école normale d’instituteurs de la Gironde. Il est vrai qu’après des « années collège » de liberté campagnarde, les règles srcites édictées par l’EN ont bien du mal à passer. Dans le « monastère laïque » du château Bourran à Mérignac la rigueur institutionnelle ne laisse guère de place aux moments de partage collectif et d’échanges sur le monde. Dès la fin du repas du soir pris dans le réfectoire au plancher ciré et aux meubles torsadés, une nouvelle fracassante est apportée par l’heureux propriétaire d’un transistor installé dans sa chambre : « Kennedy a été assassiné » ! Peu de mots mais un vrai coup de poing. J’ai en mémoire le silence de quelques secondes qui s’installa dans le groupe où je me trouvais avant d’entrer à 20 h dans la salle d’étude du bâtiment neuf.
Tout le monde tira un poil plus fort sur sa cigarette… et rapidement une prise de conscience de la gravité de la situation parcourut les normaliens en blouse blanche composant ma promotion. Le major fut chargé d’aller demander au surveillant l’autorisation exceptionnelle de laisser un poste de radio allumé pendant notre heure de travail imposé afin que nous puissions en apprendre davantage sur ce qui était considéré comme un événement mondial gravissime.
Je conserve en mémoire cette attitude collective comme un vrai signe de cette citoyenneté politique naissante que nous avions en nous quelle que soit notre origine sociale. Pour beaucoup d’entre nous il s’agissait d’un drame !
Un certain Marcel Desvergnes, surveillant de l’EN, qui deviendra ultérieurement l’un des fondateurs de l’Université de la Communication et un éminent spécialiste des médias, accepta notre requête. Un transistor fut donc installé au milieu de la salle de classe sur « Europe numéro 1 » la station qui était alors l’une des premières de France. Les informations parvenaient lentement. Le président Kennedy qui représentait pour les jeunes que nous étions une autre vision de l’Amérique avait quitté Fort Worth dans la matinée, à bord de l’avion présidentiel Air Force One. Il était d’excellente humeur diasit-on et, sur l’aire d’atterrissage de la base aérienne de Dallas, au Texas, il souriait, visiblement satisfait, de la façon dont se déroulait sa tournée préélectorale.
Dès la sortie de l’aérodrome, le président et son épouse avaient utilisé la célèbre voiture Lincoln, dont le toit transparent avait été abaissé afin que, comme il l’aimait, le président puisse avoir un contact plus direct avec la foule. Soudain 12 h 39, dans Dallas au moment où la voiture du président allait s’engager sous un pont de chemin de fer, trois coups de feu avaient retenti ! L’automobile du président, escortée par une voiture de police, était affirmait-on partie à folle allure sous le pont et s’était engagée sur une autoroute. Nul ne savait encore le sort réservé au Président. Quelques minutes après 20 heures la confirmation de la mort officielle de Kennedy sortit du transistor ! Pas un bruit ! Pas une remarque ! Une chape de plomb tomba sur cette salle de classe. Nous ne nous connaissions pas encore suffisamment pour savoir qui était en désaccord avec cet hommage silencieux. Le transistor fut éteint le travail reprit avec des élèves coupés du monde !
Ces moments sont inscrits dans ma mémoire. Comme il n’y avait pas de télévision et que les journaux entraient qu’au compte-goutte dans le « séminaire » il y avait une certaine frustration à ne pas pouvoir suivre les suites de cet attentat. Il fallut que le propriétaire du transistor distille les suites de cet événement qui bouleversait la planète. Impossible de se faire une idée sur les éventuels responsables de ce crime. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’aurai les opportunités de reconstituer le fil d’une séquence confuse de l’Histoire des USA. Des théories ont beaucoup circulé et des stratégies criminelles ont été élaborées. En aura-t-on davantage 54 ans plus tard ? J’en doute même si Donald Trump a autorisé la publication de 3100 documents à propos du meurtre du trente-cinquième président des Etats-Unis, qui avaient été placés sous scellés depuis 50 ans. « Sous réserve de la réception de nouvelles informations, je vais autoriser, en tant que président, que les dossiers JFK longtemps bloqués et classés top secret soient ouverts », a déclaré le président américain via son compte Twitter comem le veut la tradition. La totalité des documents gardés secrets (soit 11% des… cinq millions d’archives relatant l’assassinat de JFK et ce qui l’entoure) ne sera cependant pas dévoilée si des agents du FBI et de la CIA toujours en fonction venaient a être mentionnés.
Certains commencent à prétendre que ces documents pourraient permettre de présenter une filière cubaine permettant ainsi à Trump de justifier un durcissement de sa politique à l’égard du régime castriste. Après la Mafia, la CIA, l’URSS, des espions… on va peut-être utilement ressortir un scénario utile à la politique extérieure des USA et surtout laver le peuple américain des doutes qu’il pourrait avoir sur le rôle de certaines de ses institutions. Quant à moi, je ne croirai jamais au hasard de la haine des assassins de Kennedy!

Cet article a 7 commentaires

  1. J.J.

    Le 22 novembre 1963 n’était pas un mardi mais un vendredi, Jean Marie, avec mes excuses pour la contradiction : je m’en souviens comme si c’était hier, mais j’ai quand même vérifié, au cas ou ma mémoire me jouerait de sales tours.

    Nous étions consignés sanitaires pour la piqûre du lendemain (la douloureuse TABDT : typhoïde A et B, diphtérie,tétanos).
    De milieux très divers, et pourtant parfois totalement différents de celui de l’EN, le comportement, la sidération de mes camarades, recrues plus ou moins jeunes comme moi, ont été les mêmes, à l’annonce de l’incroyable et terrible nouvelle.
    Nous avons suivi toute la soirée les infos qui parvenaient par les transistors, même après l’appel où tout le monde devait théoriquement dormir.

    Le lendemain matin, nous étions, sans qu’on nous en ait donné l’ordre, au garde à vous derrière le fenêtres, pendant que le « margi » de semaine amenait l’étendard en berne.

  2. bernadette

    Bonjour,

    Trop jeune lors de l’assassinat du Président kennedy, je ne peux apporter ma compassion qu’aux familles des victimes de l’accident routier de Puisseguin.
    Que sont devenus les enfants kennedy ?

  3. pc

    Je revois le surveillant général d’internat débarquant dans le dortoir vers 9 heures du soir et annonçant la nouvelle.
    Tristesse générale; Kennedy jeune et beau président que le presse et la télé gaulliste louait à longueur de journaux était une sorte d’icône.
    Mais depuis on sait qu’il n’était pas aussi reluisant qu’on ne le disait, handicapé à la limite de la chaise roulante, coureur de jupons devant une Jackie souriante en public et délaissée en privé, préoccupé à cacher quelques casseroles familiales etc…
    Hollywood à la maison blanche… finalement un précurseur de la communication politique..

    1. J.J.

      C’est vrai que le personnage n’était pas aussi reluisant que l’on voulait bien le montrer(y-a-t il eu beaucoup de chefs d’état étasuniens vraiment reluisants ?) ; n’empêche que, assister quasi en direct (avec les moyens de l’époque) à un assassinat, ça secoue un peu quelle que soit la victime.
      J’ai revécu le même direct le mardi 11 septembre 2001: au moment où j’ai tourné la clef de la voiture pour la déplacer, l’auto-radio s’est mis à fonctionner comme il en avait la mauvaise habitude.
      J’ai cru à la retransmission d’un film ou d’une pièce de théâtre, comme la fameuse émission d’Orson Welles « la Guerre des Mondes (1938), avant de prendre conscience que le commentateur était en direct de New York.
      L’annonce de grands drames(Bataclan, 14 juillet à Nice etc..) sidère toujours.

  4. JJ Lalanne

    Le 11 septembre 2001, j’ entre dans un magasin de vente de matériel d’ occasion. Pas un chat! Tous les employés regardaient la télévision dans un réduit. La première tour venait d’ être percutée. Ils n’ ont pas eu le temps de m’expliquer que le 2ème avion traversait carrément l’ autre tour. Ça coupe le sifflet. On s’ est regardés un bon moment, incrédules. Ce fut un peu la même chose pour Kennedy, images en moins mais l’ imaginaire est souvent plus fort que le réel. En première année mais dormant dans un dortoir de 3ème années, j’ ai eu droit à un « débriefing » de ces derniers plus matures en politique. Je me souviens aussi de la joie de ce troisième année dont je n’ ai plus le nom en tête qui imitait si bien Khrouchtchev en scandant ses discours à coup de chaussure depuis un balcon devant pratiquement tous les normaliens. Il n’ y avait pas que de mauvais moments mais on avait besoin d’ ouvrir les soupapes de temps en temps et quand plus de 300 fauves mâles internés se relachaient ça pouvait dégénérer. Je n’ étais pas nécessairement le dernier dans ce cas,il faut bien que je le reconnaisse. Forcé,il y avait trop de témoins. En tout cas pour le 11 septembre, c’ est pas moi et Kennedy non plus!

  5. Yfan

    Ce même soir de novembre 63, dans une salle voisine de l’EN de Mérignac, on besognait comme tous les autres soirs. Soudain, le camarade Jacques L. annonça qu’il s’était passé quelque chose d’incroyable. Le Kamarade Jacques était vraiment le militant communiste très engagé de notre classe. Il avait une autre qualité : c’était un comique exceptionnel. Il avait un don pour l’improvisation tout azimut. Alors, ce soir-là, avec quoi allait-il nous faire rire ? On savait qu’il bidouillait un petit transistor muni d’un fil et d’un écouteur ! Le tout connecté sur Radio Moscou…
    Le surveillant en poste ce soir-là n’était pas aussi cool que Marcel Desvergne. On entendait les moustiques voler. Donc, pour que Jacques L. se dresse tout à coup et ose prendre la parole, il fallait un évènement mondial, du genre « les chars bolchéviques sont entrés dans Paris ! ». Point de chars soviétiques…
    « Kennedy a été assassiné… ».
    La salle d’étude fut plongée dans un silence plus profond encore. Le surveillant en resta sans voix. Il est vrai qu’il ne parlait guère.
    Jacques L., la tête relevée, le doigt sur l’écouteur (interdit), restait figé dans la direction des ondes radiophoniques… Dans un silence glacial, on eut droit à deux ou trois détails supplémentaires, puis le surveillant, d’un mouvement de menton, indiqua qu’il fallait reprendre le travail.
    Je pense que je ne fus pas le seul à sentir les larmes pointer au coin des yeux.
    Plus de 50 ans après, je me souviens de cette scène, dans les moindres détails. Si cette salle de classe existe encore, je pourrai indiquer où je me trouvais, où se trouvait Jacques L., au centimètre près.
    Bizarre, de tels souvenirs.
    JFK était le président des États Unis, une puissance impérialiste dont on se méfiait comme de la peste. Mais JFK était bien vu à l’EN. En fait, très peu (trop peu) de normaliens s’intéressaient de près à la politique… On avait suivi l’affaire des missiles de Cuba, on était reconnaissant vis-à-vis de Kennedy et Kroutchev pour avoir su calmer les va-t-en-guerre des deux camps. La disparition de Kennedy fut mise sur le compte des excités de la gâchette qui auraient bien voulu déclencher une bonne petite guerre nucléaire et qui en avaient été privés.
    Quelques jours plus tard, De Gaulle, à qui un journaliste demandait ce qu’il pensait du fait qu’un président puisse être assassiné par son peuple eut cette réponse étonnante : « Que voulez-vous attendre d’un peuple qui lit Mickey et boit du coca-cola …? »
    A l’E.N., on n’aimait guère De Gaulle non plus, mais tout le monde apprécia cette réplique qui valait bien des analyses du moment.

  6. J.J.

    Si je comprends bien, on a affaire ici à une réunion d' »anciens combattants » d’EN, probablement celle de Mérignac, mis à part moi ; mais je pense qu’on a eu le même directeur !
    Quant à De Gaulle, malgré ses réflexions (que je partage) sur les étasuniens, si les mitrailleurs du Petit Clamart avaient utilisé leur béquille de FM, au lieu de faire les malins et de jouer aux cow boy, il n’y aurait probablement pas échappé.

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