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Le bienfait de prendre le risque de fréquenter un salon…du livre

Rien ne peut remplacer, dans la vie publique, la prise de recul par le retour sur le terrain, au contact des réalités. Il se trouve que, depuis des années, le fait d’avoir eu à exercer, même partiellement, la profession de journaliste, et d’avoir commis quelques livres, me permet encore de trouver des plages temporelles où les fonctions électives ne comptent pas (ou moins que d’habitude). Ce que je considère comme un atout puisque, en me renvoyant au statut de « demandeur » vis à vis des autres et non plus à celui de « délivreur » de messages, il m’éloigne des certitudes toute faites.
Un salon du livre du sympathique constitue une cure indispensable de distance vis à vis des aléas de l’action quotidienne, au service du département que j’ai partiellement en charge. En effet, là, à une table, derrière les piles de mes livres je regarde défiler des gens de tous les âges, en quête d’une part de rêve écrit. La très grande majorité  jette un regard distrait sur vos ouvrages, et je ne suis pour eux qu’un écrivain inconnu auquel il n’accorde pas leur confiance pour une dizaine d’euros. L’attente du dialogue autour de ce que je considère seulement comme  un outil de transmission d’une tranche de vie collective, rend forcément impatient. Écrire un livre, quel qu’en soit le contenu, relève du besoin irrépressible de communiquer avec les autres, conforte l’envie de leur apporter un support à leur analyse, amène à les conduire vers un autre monde mais encore faut-il les convaincre de vous suivre !
Le problème, c’est que quel que soit l’intérêt de l’ouvrage, la notoriété de l’auteur reste la plus grande garantie pour l’acheteur. Ce constat conduit les éditeurs à sélectionner des… noms, mais pas des contenus, des auteurs « factices » plus que des écrivains sincères. La « pipolisation » outrancière de la vie sociale s’accentue et je souffre parfois de constater que les gens, par manque de confiance (et souvent par manque de moyens)  se dirigent directement vers les places tenues par des « vedettes» . Un salon du livre, c’est l’ illustration parfaite des efforts qu’il faut déployer pour convaincre les autres d’entrer dans son schéma de pensée. Y participer, c’est répondre à ce  sur l’engagement que représente une création et sur la liberté que l’on croit avoir en l’offrant aux autres. Il est déjà dur d’exister mais en puisse le montrer pour tenter d’y parvenir c’est un défi.
Désormais, il faut en effet s’interroger sur un cycle infernal : doit-on déjà être célèbre pour écrire, ou écrire pour devenir célèbre ? On peut dupliquer à l’infini cette interrogation. Devra-t-on être vedette de cinéma, présentateur de télé, champion olympique ou du monde, invité permanent des émissions de Drucker ou de Ruquier pour devenir un jour représentant des autres au plan national, régional, territorial ou local ? On a vu que nom : une couverture, une affiche, un titre et hop ! l(affaire est faite ! D’inconnu vous devenez sur une plateau de télé en quelques minutes une vedette ou un élu national important.
Il faut modestement convenir que le phénomène s’accélère et que les prochaines échéances le mettront en évidence. Le « contenant » a pris le pas sur tous les « contenus » et , dans le fond, la « couverture » a plus d’importance que les « pages », le « cadre » supplante la « toile », « l’étiquette » prend le pas sur le « cru », la « pub » fait oublier le « réel », le « générique » éclipse le scénario, « l’auteur » fait oublier la faiblesse du « texte ». Tout devient « objet », et la « marchandisation » galope dans tous les domaines. On ne découvre plus car c’est un risque alors on prend du cousu main.
Un salon du livre aussi douillet soit-il a besoin d’une locomotive. Derrière la même table que tous les autres auteurs, il dédicacera des bouquins à des gens fiers comme « bar-tabac » (cf Coluche) de posséder dans leur bibliothèque une preuve qu’ils ont rencontré de connu. La sacralisation de l’écrit repose maintenant sur les évangiles audio-visuels. C’est ainsi : vous pouvez passer une journée derrière une table sans voir une personne s’intéresser à vos livres.
Le meilleur c’est quand le dialogue s’installe. Quand on peut échanger sur un contenu. Quand on tisse un fil ténu entre vous et un(e) lecteur(trice) potentielle. Je sollicite toujours un retour. J’aime bien les remarques post-lecture, car je n’ai pas le droit de les tromper sur le « plaisir » que je leur ai promis. Comme souvent je les connais tous, j’ai l’occasion de les croiser sur les chemins réels de la vie. Nous aurons des choses à partager, sans aucun filtre, et, qui sait, nous aurons peut-être fait un pas les uns vers les autres…. sans qu’ils me voient comme un passeur de mots et pas comme un élu suspect et politicard, mal qui souvent me ronge l’esprit et le moral ! Prendre le risque d’être jaugé ou jugé rend humble. Alors faire salon reste un remède efficace contre la grosse tête qui parfois menace.

Cet article a 5 commentaires

  1. JJ Lalanne

    Une réflexion de l’ acteur Pierre Richard: Autre fois on faisait des films et on devenait célèbre, maintenant on devient célèbre et après on fait des films. Reporté à la littérature, ça rejoint ton analyse et je n’ ajouterai rien à part que quand on voit des élections présidentielles menées par Paris Match, Gala et Closer, il ne faut plus, hélas, s’ étonner de rien. Par rapport à sa création, il n’ y a pas à avoir d’ amertume. L’ écriture est-elle dans le but apparent de communiquer ou dans celui plus profond d’ analyser son passé, de faire son bilan, de structurer sa pensée? En montagne, on fait une pause, on contemple ce que l’ on vient de traverser et alors, seulement, fort de ce que l’ on vient de faire, on se pose la question: « Et maintenant je vais où? »
    Sans analyse, il n’ y a pas d’ avenir. On se contente de tourner en rond dans le brouillard sans jamais goûter aux choses vécues. Que les gens ne se bousculent pas lors des signatures demande une autre analyse. Lorsqu’ il y a bousculade pour certaines signatures c’ est parce que beaucoup veulent montrer qu’ ils y étaient mais enlève le groupe et ils n’y iront pas plus. L’ auteur comme le peintre ou le photographe est déifié. « Lui il peut,moi je ne peux pas,je ne sais pas,je n’ ai pas la compétence,… » La peur d’ avoir soi-même à se mettre à nu lors d’ un dialogue. La peur de voir remonter des angoisses existentielles que l’ on voudrait oublier. Le problème lors d’ une séance de signature ce n’ est pas de savoir si tu as un problème mais de savoir quel est leur problème. Peut-être qu’ en rencontrant les gens à la machine à café… On peut aussi faire un attroupement d’ alliés. Ça attire mais là on rentre dans le domaine de la manip.

  2. bernadette

    Campagnarde, l’escale du livre ou salon du livre à toujours lieu à la ville de Bordeaux près de l’église Sainte Croix. Dans la campagne où je vis avec d’autres personnes, aucun lieu de culture existe. Pourquoi cette escale du livre ne se delocaliserait elle pas au gré des saisons dans les campagnes dépourvues de bien des choses.
    J’avais demandé à Florent Boudié de penser à mettre sur pied un camion bibliothèque dans la circonscription où il est éligible.
    Très occupé avec La République en Marche, M. Boudié n’à pas répondu à cette demande.
    Peut être un jour…..

  3. bernadette

    Comment voulez vous que les gens rentrent dans le schéma que vous citez s’ils n’ont pas de lecture près de chez eux ?

  4. bernadette

    Michel Foucault philosophe très compliqué à beaucoup écrit sur « l’enfermement » la campagne ressemble de loin à cette affirmation.
    Avec Internet et la création des mediatheques dans chaque village important fait disparaître les bibliothèques.

  5. Isabelle L.

    Bonjour, j’ai lu votre livre, commandé en librairie, et je l’ai bien aimé. J’ai même souvent bien ri à sa lecture. Alors bien qu’il ne parle pas de vélo, je l’ai présenté dans mon blog. J’espère que vous ne m’en voudrez pas.

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