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Il est mort le « poète »… il triomphe le « joueur de quilles »

« Un bon poète n’est pas plus utile à l’Etat qu’un bon joueur de quilles ». Jamais ce constat réaliste de François de Malherbe datant du XVI° siècle n’a été aussi authentique même s’il mérite une adaptation. Notre société a même amplifié ce phénomène avec la surmédiatisation qui sévit chaque jour davantage et la mort d’un « chanteur » peut éclipser instantanément celle d’un « écrivain « dans la mémoire d’un pays n’ayant plus aucune valeur repère. Le constat est sans appel : le superficiel occupe désormais le devant d’un scène culturelle ayant le niveau général d’un population abandonnant les références culturelles réputées compliquées. Jean ne fait pas le poids face à Johnny puisque c’est comparer une « vague » esthétique avec un irrésistible « tsunami ». En fait les appréciations sur d’Ormesson et Halliday sont diamétralement opposées.
Dans le premier cas derrière l’auteur critiqué ou aimé, il a toujours été possible de trouver un homme éclairé, intellectuellement capable d’affronter n’importe quel débat avec finesse et intelligence. Quant on évoque « l’idole des jeunes » c’est l’interprète des textes majoritairement écrits par d’autres qui est mis en avant avec derrière une personnalité sans grand intérêt. C’est devenu une règle : on mélange allégrement l’individu et le rôle social qu’il tient ! Impossible par exemple d’exprimer un avis séparé sur une facette et sur l’autre.
« Un joueur de quilles » est admiré pour ses qualité de joueur de quilles mais pas nécessairement pour celles qu’ils portent en tant qu’Homme. Plus sa notoriété augmente et plus le talent efface la réalité de ce qu’il est vraiment et pour peu qu’il disparaisse on ne parlera que de ses titres, de ses exploits, de son parcours oubliant totalement ce qu’il a été vraiment. Il en va ainsi lors de chaque hommage rendu à une personne importante qui disparaît : l’écume de sa vie médiatisée constitue l’essentiel des nécrologies. Il est interdit de revenir sur des aspects de son comportement individuel qui terniraient l’image d’Epinalde la « vedette ». Honte à celle ou celui qui rappellerait que le joueur de quilles a été un tricheur, un dopé, un manipulateur, un drogué ou un violent… Tous les fans tomberont sur le briseur de rêves ! C’est une constante dans la société médiatique où l’on vante des mérites apparents et pas nécessairement des valeurs profondes. Toute la journée des millions de commentaires soigneusement triés ou pesés ont accompagné la mort de Johnny le chanteur. Logique ! Les autres appréciations sur la réalité de ses nombreux tours de passe-passe avec la morale ont été occultées ou ont suscité la réprobation quasi-générale. On retrouve cette réalité dans absolument tous les secteurs après la mort de n’importe quelle vedette au nom du pardon des fautes que l’on doit à celle ou celui qui disparaît !
Le problème du « poète » c’est que lui est moins connu. L’écrivain s’adresse à une élite en voie de disparition et donc son œuvre sincère, parfois difficile à percer, louée pour ses qualités le relègue inexorablement parmi les inutiles de son vivant sauf s’il bénéficie d’une couverture médiatique conséquente. Jean d’Ormesson avait ce privilège mais il possédait également un caractère, une aisance, une intelligence, une capacité d’analyse avec lesquels on pouvait ne pas être d’accord mais qui forçaient le respect. Oublié tout ça en quelques heures puisqu’il est difficile de diffuser durant des heures sur tous les supports audiovisuels des… livres ! Les qualités humaines n’entrent plus en ligne de compte et la comparaison est vite faite ! Il restera quelques extraits d’émissions de télé de d’Ormesson mais rien ne dit que ses œuvres entreront dans l’histoire littéraire. Même si les éditions de La Pléïade ont offert une consécration à l’académicien elle ne lui garantissent pas une célébrité immortelle. Dans une semaine qui se souviendra de de dandy de d’Ormesson, Jean de son prénom. Il aura droit à une cérémonie glaciale dans la cour des Invalides avec un discours bien léché écrit par l’un de ses amis et qui sera lu par un autre!
Pour Johnny l’Elysée et la famille se sont mis d’accord sur une cérémonie « historique » durant laquelle le cortège funéraire devrait descendre notamment les Champs Elysées dont il faut rappeler que dans la mythologie grecque ils étaient les lieux des Enfers grecs où les héros et les gens vertueux goûtaient le repos après leur mort. Un parcours est prévu passant par la place de la Concorde pour se terminer dans l’église de la Madeleine en présence de tout ce que la République compte comme personnalités. Rares sont ceux qui ont eu droit à cet honneur.
En 1885 le corbillard portant le cercueil de… Victor Hugo a accompli le même trajet devant plus de deux millions de personnes soit autant que l’autobus des vainqueurs de la coupe du Monde de football de 1998 un siècle plus tard ! Les joueurs de quilles de tous ordres sont devenus largement supérieurs à tous les poètes de la terre.

Cet article a 16 commentaires

  1. J.J.

    Bien, on a constaté la disparition de Johnny, certains l’aimaient bien, tant mieux, mais maintenant ça suffit, on en a par dessus la casquette, de Johnny.

    Il s’est produit le même phénomène en 1963 (moins amplifié car les étranges lucarnes étaient moins performantes et le net n’existait pas).

    En effet, le 11 octobre 1963, Jean Cocteau a eu l’idée saugrenue de décéder en même temps que la chanteuse populaire Edith Piaf, papesse de ce que l’on appelait alors la « Variété », avant la grande décadence qui l’a fait évoluer en concept de »culture ».
    A peu de choses près on a assisté à une même hystérie, tant dans la population que dans une certaine presse, oubliées la désapprobation et la hargne dont la malheureuse avait fait les frais récemment, et à une éclipse totale du malheureux Cocteau.
    A la trappe, le poète, l’écrivain, le réalisateur, l’homme de théâtre, le dessinateur, bref, l’artiste.

    Et ce qui est assez croquignole dans l’histoire actuelle, c’est que l’on entend des « gens biens et haut placés »,qui ricanaient il y a peu encore de la « beafitude » du public de Johnny, se répandre en propos admiratifs, démagogues et désolés….Tartuffe, où est -tu, qui hurle avec les loups ?

    Bien que ne partageant absolument pas ce que le monde de Jean d’Ormesson estime être des valeurs(actuelles), j’appréciais beaucoup le personnage. J’ai lu avec plaisir quelques uns de ses ouvrages (pas les plus connus). J’appréciais également beaucoup ses entretiens radio ou télé(à l’oral comme à l’écrit…), j’admirais son ouverture d’esprit, son esprit, tout simplement, et surtout cet art délicat de traiter de choses sérieuses sans se prendre au sérieux.

  2. bernadette

    Johnny est mort d’un cancer du poumon parce qu’il fumait, c’est tout ce que je retiens de sa disparition.

    1. Bordes

      là, c’est quand même un commentaire bien sectaire, qui n’apporte rien sinon la sécheresse absolue

  3. Cortot

    C’est en effet bien dommage pour certain que Jean D’ormesson passe en second . Cet homme si fin avec un humour ..sourire des yeux dévastateurs et une intelligence rare.je regarde avec plaisir toutes les émissions le concernant .Monsieur le Président. Chez Fogiel ..hier soir ses réponses étaient extras avec la surprise de l’arrivée de sa petite fille dur le plateau . L’idole des jeunes pouvait demeurer encore …sa vie à été grande ..bien ou mal conduite. Regretté certes ,il le sera mais un.hommage national me semble dans la même dimension que la distribution de la légion d’honneur a tous les coins de rue et à la mode depuis quelques années. Peu etre que ses filles vont devenir pupilles de la nation ? En France tout change.

  4. LEON

    … Et la mort de De Gaulle a jadis gommé celle de Giono. Etc. Etc. On se bouscule parfois au portillon de l’Histoire, qui ne retient guère et provisoirement que ce qui fait surtout tapage. Mais je suis d’accord avec ce que vous écrivez sur la compétition post mortem qui oppose le Jean et le Johnny. Vous ne dites pas assez peut-être qu’ils ont en commun ce que résume le mot « scène », chez l’un parce que ce fut son métier; chez l’autre parce qu’il était (à mes yeux) un exécrable cabotin se haussant infatigablement du col pour qu’on ne l’oublie pas. Détestable façon d’être obsédé pas la mort en faisant semblant de s’en taper l’œil (bleu, évidemment, l’avez-vous assez remarqué ?). Deux histrions se trouvent donc nez à nez à la porte de St Pierre, attendant qu’on leur ouvre, si le taulier existe. Merci.

    1. BEDU Anne-Laure

      Oui, vous avez tout-à-fait raison : la scène. A ce sujet deux ouvrages clefs qui nous éclairent : « La société du spectacle » de Guy Debord, ce vieux classique toujours d’une immense actualité, sur l’anéantissement lié à la fascination de notre société pour le « divertissement » et « Le miroir et la scène » de Myriam Revault d’Allonnes, plus récent, sur la représentation en politique et ses difficultés, notamment dans le contexte de la sur-médiatisation. Et je partage votre analyse de l’ego surdimensionné et de la quête superficielle de la visibilité médiatique de Jean D’Ormesson qui, personnellement, me le rendait insupportable. Bien, comment fait-on ? 🙂

  5. JJ Lalanne

    Deux séducteurs de styles très différents disparaissent avec pour chacun l’ oubli de périodes moins sympathiques. Le chanteur ne se différenciait pas il n’ y pas si longtemps que par sa discographie et l’ écrivain n’ a été le papy séducteur que tout le monde aurait voulu avoir que depuis pas si longtemps lui-même, le directeur du Figaro et d’ autres aspects étaient beaucoup moins séduisants. Les deux étaient de bons clients des médias et si je préférais l’ humour de l’ un, les rythmes de l’ autre n’ étaient pas pour me déplaire. Pour ce qui est des Tartuffe, je donnerai aussi une palme à Télérama pour s’ être indigné de la ghettoïsation de De Funés de son vivant alors que eux-mêmes…

  6. Alain. e

    Il semble en effet que cette fois ci , Johnny n’ a pas retenu la nuit, mais que c’ est elle qui l’a retenu définitivement.
    Il a oublié de vivre, et il ne sera vraisemblablement pas incinéré , donc , pour allumer le feu ….
    Il faut lui reconnaître une voie , une gueule, une énergie, et de belles chansons écrite par d’ autres .
    Je pense que c’ était un brave type , même si je n’ étais pas fan et qu’il est de bon ton pour une pseudo élite de le faire passer pour un beauf qu’il n’ était pas.
    Quant à Jean d’ Ormesson , un type exceptionnel , intelligent, souriant , optimiste, un gars de la catégorie de ceux avec qui on a envie de passer un moment en sachant qu’ on se couchera moins con qu’ on s’ est levé.

  7. Dupart Lescure Jacqueline

    Je suis d’accord avec toi, Jean Marie, je n’étais pas fan de Johnny, que l’on lui fasse hommage, pourquoi pas, mais de cette ampleur c’est démesuré .

  8. JJ Lalanne

    Cet hommage apparaît effectivement démesuré (comme ses spectacles) mais il va certainement contribuer à ce que certains se fassent un max de fric. Le dépliant publicitaire d’ Auchan pour la période du 6 au 12 décembre imprimé et distribué avant le décès de Johnny Hallyday propose un livre où il présente sa collection de voitures (24,95e), un vinyle et un cd « on a tous quelque chose de Johnny » (23e et 16e)en sortie nationale le 8 et exclusivité Auchan. Sachant que ce n’ était pas le chanteur le plus écouté ces derniers temps est-ce que j’ ai mauvais esprit pour me poser des questions au sujet de la simultanéité de son décès et de sa résurrection dans les rayons. On peut même dire que l’ annonce de sa résurrection a précédé sa mort de 2 ou 3 jours. Sorte de délit d’ initié légal? En tout cas succès de vente assuré et les disques étant en vente samedi matin, il ne devrait plus y en avoir un seul qui reste à midi ou même avant. L’ exclusivité servant sans doute à éviter que certains préfèrent le téléchargement légal. « Moralement » discutable mais financièrement juteux. Ça sert parfois de lire les pubs.

  9. J.J.

    J.J.Lalanne@Pour ce qui est des Tartuffe, ……si on devait voter pour remettre le Tartuffe d’Or, il y aurait de la concurrence …..
    Et qui serait compétent pour désigner les membres du jury ?
    Et en cherchant bien, et en état honnête avec nous même, qui d’entre nous n’a pas eu un jour « quelque chose de Tartuffe ? »

    De toute façon, moi je préférais, et de loin Richard Anthony. Des goûts et des couleurs ….

  10. JeuJJ Lalanne

    Il y a tartuffe et tartuffe. Le tartuffe par intérêt personnel,le tartuffe pour manipulation idéologique, le tartuffe séducteur, le tartuffe qui réalisant qu’ il s’ est trompé ne veut pas se désavouer, le tartuffe par jeu intellectuel, le tartuffe qui considère qu’ il y a les idées et il y a la vie, l’ enseignant en tartufferie commandée, le tartuffe pour se protéger « en milieu hostile »,…Parfois, refuser d’ être tartuffe peut coûter très cher, en perte d’ amis, opprobre et même licenciement. Trois choses pour lesquelles j’ ai déjà donné moralement, professionellement, je donne pour toujours financièrement beaucoup mais s’ il fallait je recommencerais. Comme je me rencontre souvent je préfère être en paix avec moi-même. J’ aime bien Richard Anthony aussi!

  11. JJ Lalanne

    Je ne sais pas pourquoi mon nom est passé en JeuJJ Lalanne. J’ envoie depuis un smartphone et mon doigt a du traîner sur l’ écran. Il faudrait que j’ envisage de changer mon surnom parce que j’ ai une quinzaine d’ homonymes. Reprendre celui de Chimiste peut inquiéter par les temps qui courent quand on n’ en connait pas l’ origine pacifique…

  12. François

    Bonjour !
    Tout à fait d’accord avec toi J-M et avec les commentaires.
    -Monsieur Jean D’Ormesson : un immortel au regard bleu de bon arrière-grand-père, un regard espiègle aimant la vie qui, pour son œuvre et son exemple de vie simple ( n’oublions pas qu’il était comte, prouvant que l’on peut porter un titre … simplement) mérite un hommage national mesuré.

    -Pour le casseur de chaises, sincèrement, je ne savoure pas cet immense déballage des médias qui empeste le profit à court terme, ce pour un exemple de vie …très moyen pour notre jeune relève. Excusez-moi de taire une triste énumération.
    De même ces rassemblements programmés pour être immenses (on attend plus d’un million de personnes sur Les Champs [Élysées, ce n’est pas une rando campagnarde!] derrière le gendre idéal, plus que contre la loi sur le travail ! ) sentent ce que vous avez tous omis : la récupération électorale car ce sont autant de bulletins intéressants. Tous ces fans, après un peu de repos, vont se dire : «  Tiens, Emmanuel, c’est un des nôtres, qui aime Johnny ! Prochaine élection, on vote pour lui ! ».
    Je prend les paris que, lors du prochain sondage, la cote de popularité du jeunot va prendre dix points ! !

    A tous les jeunes, je dirai :
    – Voici deux visages pour vous guider : l’un, facile à copier grâce aux médias malgré la sueur avec les risques du spectacle, l’autre, détendu malgré les rides, cadeaux des années et du labeur et riche de la connaissance. Ce sont les images de votre avenir.
    A vous de choisir ! 

    «La mort est la fin et le couronnement de toute vie. Elle fait partie de la vie. Elle est peut-être la vie elle -même. Elle en est en tout cas l’essentiel. »
    Jean D’Ormesson ( Jean D’O!)

    Cordialement.

    1. J.J.

      Avez vous idée du prix d’une « Harley » ? Et des frais d’entretien ?
      A l’évidence, ce n’est pas vraiment dans les moyens d’un smicard (espèce menacée de disparition avec les projets mortifères qui semblent peser sur le dit SMIC).
      Et il y en aura beaucoup sur les Champs, des nantis possesseurs de Harley.

      Cette espèce de manif, est si bien organisée que j’ai des doutes très sérieux sur sa spontanéité.
      Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que dès que l’on a eu des confirmations du mauvais état de santé du « casseur de chaises », des petits futés ont commencé à organiser la pantomime populaire et nationale.

      A-t-on le droit de dire que l’on ne ressent pas plus de nostalgie, sans s’y attarder, à l’annonce du départ de Johnny, que par exemple à l’annonce de la disparition d’un grand artiste, pour ne pas chercher plus loin dans le temps : Jean Rochefort.

      « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » Michel de Montaigne
      P S François @ Ce n’est pas la loi travail, c’est la loi de destruction du Code du Travail, ou anti travailleurs, ou de rétablissement de l’esclavage, au choix… !

  13. François

    Bonjour @J.j. !
    Je vois que le message est passé !
    Cordialement

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