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Il a toujours fallu des élus courageux pour dynamiser un territoire

Il faut remonter à 1954 pour trouver sur le territoire du Créonnais une initiative d’aménagement du territoire aussi importante que celle qu’ont prise samedi matin à une large majorité, les élus de la Communauté de communes du Créonnais. C’est en effet cette année-là, dans un tout autre contexte, qu’un directeur d’école publique de garçons nommé Camille Gourdon arriva à persuader les autorités académiques et les élus de la nécessité de créer sur tout l’Entre-Deux Mers la… première classe de sixième. Issu d’un milieu social extrêmement pauvre, passé par l’école normale de Le Havre en Seine Inférieure (le département était déficitaire en candidatures pour être instituteur) alors qu’il était originaire de Cazéres sur Adour, il avait perçu l’importance capitale d’offrir aux enfants du territoire une perspective d’études au-delà du fameux « Certificat » dans la proximité. Il commença avec deux autres collègues à donner des cours à une trentaine d’enfants venant chaque matin de très loin pour bénéficier de ce qui était considéré comme un privilège : aller vers le Brevet ! On appelait alors cette initiative un « cours complémentaire mixte »… qui lentement eut 4 niveaux !
J’ai toujours vénéré cet homme, conseiller municipal de Créon durant deux mandats, exigeant, rigoureux, attaché aux valeurs républicaines portées par l’école publique qui, il y aura exactement 60 ans en octobre prochain a, par cette initiative, bouleversé ma vie de fils d’immigré en me permettant d’accéder à… un collège. En entrant alors à mon tour en sixième (je fus le seul élève de Sadirac admis) dans ce qui devint à cette rentrée là le Collège d’Enseignement général (CEG) de Créon, sans que j’en ai conscience, ma vie a basculé. Il avait fallu le courage extraordinaire pour l’époque d’une poignée d’élus unqiuement créonnais pour que la bastide profitant de la passivité de leurs collègues de Targon soit érigé en pôle éducatif. Ils se lancèrent, sur le seul budget communal, dans la construction de l’unique et premier Collège d’Enseignement Général de l »Entre Deux Mers (CEG) qui est actuellement une partie de l’école. Mes copains de classe venaient de Salleboeuf, Camblanes, Saint Quentin de Baron, Branne, Blésignac, Targon, de Sauveterre…et de plus loin (majoritairement à vélo) pour bénéficier d’un enseignement dispensé par des instituteur(trice)s promus « professeurs d’enseignement général ». Camille Gourdon en prit la direction avec celle de l’école de garçons. Il avait mis concrètementen route le fameux ascenseur social sans lequel des centaines d’enfants des milieux populaires (les autres envoyaient leur progéniture dans le lycées bordelais publics ou privés) n’auraient jamais eu le cheminement qui fut le leur.
Il fallut ensuite une intense bagarre avec l’État pour que Roger Caumont, Maire de Créon, à la fin des années 70 et aux début de 80, avant la décentralisation, arrache les crédits pour que soit construit la base d’un collège d’enseignement secondaire (CES). Là encore il fallut que des élus locaux solidaires regroupés en syndicat intercommunal osent consacrer une part du produit des impôts pour que des classes soient progressivement bâties alors que les gouvernements refusaientt de mettre des crédits sur une territoire réputé déshérité et sans avenir. Ce fut parfois ingrat, compliqué, violent, lent, démoralisant (j’en étais) même quand la décentralisation confia au Conseil général la responsabilité de répondre à des besoins urgents que l’État avait été incapable de satisfaire. Ainsi 60 ans plus tard près de 1000 élèves (second établissement de Gironde) fréquentent le collège départemental François Mitterrand alors que 36 y furent admis au début, en 1954 ! Pire qu’une évolution : une révolution sociale ! Rappelons à ce moment, que durant de longues années ce sont les contribuables du Créonnais (et surtout ceux de Créon) qui ont financé dans le sillage de leurs élus les investissements d’origine réalisés… mais tout le monde l’a oublié ou l’ignore. Ils ont préféré l’action aux lamentations !
Ce long cheminement permet maintenant d’arriver à la décision prise par les conseillers de la Communauté de Communes du Créonnais qui ont largement accepté de financer l’achat de plus de 6 hectares de terrains pour installer un lycée d’enseignement général sur l’Entre-Deux-Mers. Il est en effet capital pour moi de revenir sur des faits ayant une signification politique forte : la liberté de choix de son parcours scolaire dépend essentiellement des « outils » qu’offre la puissance publique. Jamais je n’oublierai qu’il a fallu des élus « ordinaires » mais « audacieux » pour que les structures de proximité soient créées et que je puisse, comme tant d’autres, emprunter cet ascenseur social dans la proximité (1) !
Vaincre la bêtise des exégètes des considérations personnelles, dépasser l’ombre aussi élégante soit-elle des clochers, accepter de prendre des risques dans un pays où on considère que les « bons gestionnaires » sont ceux qui exonèrent d’impôts ou qui attendent que le « ciel étatique » les aide, souhaiter que la réussite sociale soit offerte au plus près de chaque enfant, se battre contre les pesanteurs administratives : autant de principes qui méritent d’être mis à l’actif des 38 élu(e)s qui ont osé suivre le Conseil régional d’Aquitaine qui a préféré une implantation « rurbaine » à une énième centralisation métropolitaine des établissements de ce type !
Au cours de 2016, les débats sur les limites intercommunales ont agité les conseils municipaux ou intercommunaux. Tous n’ont pas donné une vision positive des fonctions électives. Tous n’ont pas eu comme support l’intérêt des populations. Maintenant que les élus du Créonnais ont encore fait un pas capital pour l’avenir attendons de voir si les esprits ont évolué… pour ma part je vais essayé de me persuader que les égos resteront au vestiaire. N’empêche que je pense à Camille Gourdon ces derniers jours.
(1) Lire « Jour de rentrée » éditions vents salés

Cet article a 3 commentaires

  1. bernadette

    Bonjour,

    Je trouve bien que les élus relancent les debats au sein de la communauté et des institutions
    pour la population.

    Bien à vous et @+

  2. mlg

    Je te signale que je suis de LORIENT (commune de SADIRAC)!!!!!

  3. mlg

    Je te signale que je suis de LORIENT (commune de SADIRAC)!!!!!
    bonne idée d’avoir mis ton livret avec la splendide ecriture de Mr GOURDON!

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