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Réaliste, humaniste et courageux : dans la lignée de Créon

Discours prononcé le 8 mai 2018 par Pierre Gachet, Maire de Créon :
« Le 8 mai marque la fin officielle des combats de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental en 1945. Les Alliés ont vaincu la barbarie nazie. Mais comment est-elle née, cette barbarie ? Un petit caporal à petite moustache, membre du parti national-socialiste des travailleurs allemands prend la tête de cette organisation en 1921 et tente un coup d’état en 1923. Il échoue.
Après une décennie d’agitation politique, le petit caporal à petite moustache est élu chancelier d’Allemagne en 1933 puis plébiscité à la fois chancelier et président du Reich allemand le 19 août 1934. Son programme politique trouve sa source en particulier dans l’antisémitisme, la xénophobie et le racisme.
Le xénophobe ne supporte pas les étrangers en général alors que le raciste hiérarchise les individus selon ce qu’il appelle la race. Le raciste, lui, bien sûr, appartient à la « race supérieure ». Ces deux explications du monde humain, le racisme et la xénophobie, ont eu des conséquences dans les années 30 et 40 : élimination, extermination des membres des races dites inférieures et asservissement des peuples non germaniques par les nationaux-socialistes.
Des hommes politiques français ont collaboré avec le régime nazi entre 1940 et 1945. Ils ont ensuite disparu de la vie publique pour y réapparaître un peu plus tard sous la forme officielle de partis politiques et de groupements étudiants, ou bien, d’une manière moins officielle, au sein de groupes d’activistes d’extrême droite comme le mouvement Occident du milieu des années 60 devenu Ordre Nouveau en 1968.
Mais pourquoi ces rappels historiques ?
Parce que la xénophobie a repris des couleurs depuis quelques années en Europe, et en particulier en France.
La peur de l’étranger, la peur des étrangers, fait tenir à certain(e)s des discours violents contre l’immigration. Pour arrondir les mots, on parle maintenant de migrants, un mot-valise jamais sérieusement défini.
Ce flou dans le vocabulaire est utile à beaucoup de nos responsables publics. C’est ce flou qui permet de laisser croire à des invasions d’étrangers. La France serait ainsi déstabilisée par l’arrivée massive de clandestins venant en France profiter de nos facilités sociales et médicales. L’actuel ministre de l’Intérieur a pu dire le 3 avril dernier que certaines régions françaises étaient « submergées ».
Dans ce cadre-là, celui d’un débat indigne de nos valeurs de fraternité, des membres du groupe de militants d’extrême droite Génération identitaire ont monté le 21 avril dernier, il y a 2 semaines ½, une opération de blocage d’un point de passage à la frontière franco-italienne – le col de l’Échelle, dans les Hautes-Alpes – dans le but je cite « qu’aucun clandestin ne puisse rentrer en France ».
Cet évènement est gravissime : ces militants d’extrême droite, venant de plusieurs pays d’Europe dont la France, se sont arrogés le droit de fermer eux-mêmes une frontière, de leur propre initiative. Le texte de la banderole qu’ils ont déployée à cette occasion était sans ambiguïté : « Vous ne ferez pas de l’Europe votre foyer. Rentrez dans votre pays ».
Spécialistes des opérations à fort retentissement médiatique, ces miliciens étaient au col de l’Échelle équipés de 800 kg de matériel, d’un drone et de deux hélicoptères !
Ce comportement de milice crée un climat délétère, un sale climat qui rappelle les années 30 que j’évoquais il y a quelques instants.
Il faut ajouter qu’il n’y a eu aucune réaction des forces de police ou de gendarmerie et que la justice n’a rien vu de répréhensible à une telle opération.
Vous vous souvenez certainement que ces mêmes miliciens avaient affrété un navire qui a patrouillé dans la Méditerranée l’été dernier pour décourager les ONG de secourir les réfugiés en mer. En septembre 2016, ils avaient muré à Montpellier l’entrée d’un futur centre d’accueil pour demandeurs d’asile et, à l’hiver 2013, ils avaient organisé une aide en faveur des « Français de souche » sans-abri.
L’action au col de l’Échelle a eu lieu juste avant l’adoption en 1ère lecture par l’Assemblée nationale de la loi portant sur l’asile et l’immigration. Le texte adopté réduit les droits des demandeurs d’asile en enserrant l’exercice de leurs droits dans des délais incompatibles avec le fonctionnement des institutions en charge de ces personnes. Cette loi aura donc pour effet de rendre encore plus fragile la situation des réfugiés demandeurs d’asile. Ces mêmes exilés, dont de nombreux enfants, qui ont fui leur pays et ont traversé mers et montagnes pour venir chez nous trouver un répit puis une vie plus normale. Cette loi n’améliorera pas l’accueil et précarisera encore plus ces personnes vulnérables. Plus grave, cette loi tourne le dos à ce que nous pensions être la tradition d’accueil de la France, le pays des droits de l’homme.
Cette prise de parole aujourd’hui peut vous paraître loin de la commémoration du 8 mai 1945. Elle n’a pour objectif que de rappeler que cette victoire constitue le terme d’une guerre dont les sources sont à rechercher en particulier dans le racisme et la xénophobie d’un régime politique totalitaire qui a mis l’Europe à feu et à sang. Et que ces remugles racistes et xénophobes renaissent aujourd’hui dans cette même Europe, en Autriche, en Hongrie, en Pologne. Cette idéologie est aussi à nos portes en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie. Et pas seulement à nos portes mais aussi chez nous comme le montre l’action de nazillons au col de l’Échelle.
En fêtant la victoire de 1945, n’oublions pas l’Histoire et regardons de près ces repousses qui apparaissent dans notre société et dont les racines sont hélas profondes. »
Pierre Gachet

Cette publication a un commentaire

  1. Dupart Lescure Jacqueline

    Un beau discours qui est le reflet de la politique actuelle .
    Nous avons du mauvais sang à se faire .

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