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Mondial (1) : le reporter sportif… a perdu de sa superbe

La Coupe du monde de football entre par la porte étroite ou largement ouverte des rêves d’un enfant ou d’un adolescent ou désormais d’une adolescente. Rares sont ceux qui directement peuvent ressortir avec l’expérience d’un instant partagé de cet événement pouvant être haï comme adoré. Le nombre de participants est réduit et les hasards de la vie ne permettent pas d’approcher ne serait-ce que quelques heures le l’ambiance réelle de ce qui appartient au nirvana du joueur de football comme d’ailleurs désormais dans tous les sports. Parmi celles et ceux qui peuvent le partager au plus près on trouve les fameux « envoyés spéciaux » des médias qui au fil des épreuves sont de plus en plus nombreux. De quelques dizaines (livrés à eux-mêmes sans autre outil que leur stylo plume) à cette année plus de 10 000 accompagnés d’encore plus de technicien(ne)s ou de « consultants(e)s » on a franchi le cap de la demseure. On est passé au fil des rendez-vous du journalisme de la « démerde » permanente à celui de la « communication » organisée voire orientée. Quelle que soit l’évolution de ce métier il reste pourtant pour moi le plus attirant et celui dont j’ai rêvé !
J’ai pu durant plus de 20 ans partager les réalités de ce milieu et j’en conserve des moments de partage ancrés dans ma mémoire comme le seraient les pépites ou les paillettes dans un filon ou une battée. Au sein de la rédaction sportive de « Sud-Ouest », digne de la distribution d’un grand film de Audiard tant ses personnages mériteraient une évocation particulière, j’ai partagé 4 coupes du monde de football, au moins 2 de rugby, 3 olympiades et je ne sais combien de Tours de France dans l’ombre de ceux que le journal envoyait sur place pour témoigner ce ce qu’ils pouvaient transmettre d’un événement dispersé sur de vastes territoires et surtout de plus en plus verrouillés au fil des éditions. « L’instit » ne prenait pas ces vacances qu’on lui reprochait au sein de la rédaction pour justement s’enivrer (et ce n’était pas parfois théorique) de ces rendez-vous en assurant les coulisses du service : le secrétariat de rédaction !
Le job méconnu consiste à mettre en « musique » les partitions fournies par un duo (une fois il y eut un trio) envoyé sur le terrain très restreint de l’environnement de l’équipe de France ou de celui de ses adversaires. Il permet d’avoir la jubilation, comme au cinéma, d’être la doublure de celui identifié au générique et qui sans vous n’aurait pas de mise en valeur de son rôle. Et forcément au bout d’un moment vous vous prenez au jeu et vous entrez vous aussi de manière peut-être encore plus profonde dans l’extraordinaire foisonnement d’informations qui envahit (et pour certaines coupes du monde chaque nuit) une rédaction dans laquelle chacun des professionnels continuera à se consacrer à sa (ses) spécialités sportives. Vous devenez essentiel sans être reconnu !
Du Mondial espagnol (1982) à celui des Etats-Unis (1994) en passant par le Mexique (1986) ou l’Italie (1990) rien n’a été similaire mais tout a contribué à enrichir ma passion toujours présente pour le journalisme sportif. Il m’arrive même parfois de me laisser aller à affirmer « j’ai fait 4 coupes du monde de football » alors que je n’ai été que dans l’ombre, loin de l’événement que j’ai fini cependant par me l’approprier. Impossible de tout conter mais durant quelques jours je vais tenter de vous faire visiter les coulisses modestes, cachées mais tellement enrichissantes de ces rédactions d’antan où les relations humaines passaient avant la maîtrise de la technique et où régnait un parfum incroyable de liberté (« surveillée » quand elle dérapait) de confiance réciproque et surtout de partage d’une profession beaucoup moins formatée qu’elle ne l’est maintenant.
Ce n’était surtout pas mieux avant. Ce n’était pas plus beau avant. Ce n’était pas plus fiable avant. Ce n’était surtout pas plus efficace avant. Mais c’était différent puisque tout reposait sur les relations humaines encore possibles entre les « acteurs » et les « journalistes » entre les « dirigeants » et les « reporters ». et même entre les « journalistes ». C’est tout. Affirmer que tout a disparu serait faux mais comme tout est formaté, pris en mains, maîtrisé, organisé, surveillé voire fliqué les réalités du métier ont grandement changé. Les transmetteurs d’images ont étouffé les plumitifs idéalistes ou les Rouletabille intuitifs.
L’improvisation, le « pif », la « curiosité », « l’originalité » appartenaient aux atouts de l’envoyé spécial et même si actuellement il les possède il lui est difficile voire impossible de les utiliser dans un milieu où tout (ou presque) est cadenassé. On ne laisse à voir ou à entendre que ce qu’il est utile de voir ou d’entendre pour l’image de la compétition ou celle des partenaires, manne financière qui éclipse tout le reste. Les « exclusivités relationnelles» achetées à prix d’or se multiplient et il n’y a vraiment plus de place pour l’inédit. Le métier de « reporter » dans le monde du sport comme ailleurs appartient aux images d’Epinal et il a beaucoup perdu de sa superbe. Durant quelques jours je vais tenter de vous restituer « mes » 4 coupes du monde… histoire de me faire plaisir ! On commencera demain en 1982 !

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