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Mondial 86 (7) : une revanche impossible à titrer

C’est historique Il y a toujours eu entre la France et l’Allemagne un mot qui est plus fort qu’une frontière, celui de « revanche ». Lorsqu’au soir du 25 juin 1986 tout le monde s’installe devant l’écran de télévision dans le service des Sports de Sud-Ouest les esprits sont encore à la terrible désillusion sévillane. L’équipe de nuit alors constituée pour effectuer la mise en page des papiers des envoyés spéciaux parvenant du Mexique a vécu différemment le match qui a durablement marqué les esprits. Montant progressivement en puissance après des débuts difficiles face au Canada (1-0) et l’URSS (1-1), les hommes d’Henri Michel se qualifient pour les huitièmes de finale grâce à un succès 3-0 contre la Hongrie.
Au tour suivant, l’Italie, championne du monde en titre ne peut résister aux inspirations tricolores et s’incline 2-0 sur des buts de Platini et Stopyra. En quarts de finale, la France réalise le match parfait. Elle élimine le Brésil au bout de la séance de tirs au but au terme d’un match d’une qualité technique époustouflante. On sent que la « revanche » est possible même s’il fait très chaud sur la pelouse de Guadalajara elle peut se manger froide d’autant que Battiston et Schumacher sont présents ! Certes Platini tire la jambe et Giresse n’est plus aussi virevoltant mais ils ont le recul de l’Euro victorieux pour trouver les forces nécessaires à renverser les Allemands.
Il faut s’accrocher pour suivre la retransmission car les images en provenance du Mexique sont plutôt de mauvaise qualité. Je réalise, comme le veut les nécessités des premières « tranches », un compte-rendu du match. Sait-on jamais… Le texte ne servira pas puisque les derniers papiers des envoyés spéciaux arriveront avant 22 heures pour pouvoir être composés et mis en page. Le sort de la rencontre est vite scellé avec l’ouverture du score pour la RFA dès la 9° minute un coup-franc de Magath que Brehme expédie prestement sous le ventre de Bats. Les esprits sont ailleurs, les jambes sont lourdes et rien ne marche chez les Bleus. Platini arrose le ciel mexicain sur les coups de pied arrêtés et au bout d’un quart d’heure Maxime Bossis expédie une balle facile à six mètres du but de Shumacher dans les tribunes ! C’est fini on ne pensera même plus à la revanche surtout que Völler tuera les derniers espoirs à quelques minutes du coup de sifflet final alors que les Français jetaient leurs dernières forces dans un combat perdu physiquement et surtout mentalement.
Durant la rencontre il n’y avait pas eu que les rires qui étaient « jaunes » dans la rédaction. Le chef du service des sports avait noyé sa désillusion dans le Ricard. Il fallait aller vite pour transmettre les comptes-rendus à la composition… avant qu’il ne reste à faire les titres pour le une du journal et surtout pour la page consacrée à cette revanche manquée. « Qu’avez-vous trouvé ? » lança le supérieur hiérarchique. Toutes nos propositions furent rejetées dans un projection impressionnante de postillons anisés. Le temps tournait et nous devions absolument obtenir un accord pour ne pas mettre en retard le journal et prendre une « rincée » le lendemain. Tous les efforts de Christian Grené pour débloquer la situation furent vains…L’angoisse montait car l’aiguille de la pendule ronde approchait des 22 h 30. La séance avait quelque chose d’angoissant quand au retour des toilettes le chef de service annonça qu’il palliait notre nullité en ayant trouvé les solutions à nos tourments.
– « Vous allez me mettre sur 4 colonnes à la une simplement colossal mais avec un K !-
– Mais c’est un peu court et ça va être énorme !
– Je vous dis de m’envoyer Kolossal balbutia notre chef avec une autorité ne souffrant pas la moindre contestation
– Et à l’intérieur ?
– Facile… Ne vous prenez pas la tête ! Mettez moi Allemagne 2 -France 0 et c’est réglé ! » ajouta celui qui tenait à peine debout mais qui imposait sa volonté. »

C’est à ce moment que le rédacteur en chef Jean Ladoire vint passer la tête à la porte du bureau pour s’enquérir de la situation. Il constat très vite notre désarroi avant d’annoncer : « Vous cherchez un titre. Moi j’en ai un à vous proposer : les débordements de l’ailier boche ! ». C’était un phénoménal pince sans rire mais après les mauvais moments que nous avions traversés nous n’avions plus du tout envie de plaisanter. Il s’enfuit aussitôt comprenant la complexité de la situation.
Là-bas au Mexique la revanche avait tourné court. En gagnant, les Bleus auraient, peut-être, compensé en partie l’injustice de Séville. En perdant encore, ils avaient transformé une injustice en fatalité. Franz Beckenbauer, l’entraîneur allemand de l’époque, ne manqua pas d’ailleurs de le constater avec arrogance : « Cette équipe ne sait pas battre l’Allemagne. ». Christian Grené et moi nous eûmes, pour notre part, notre… revanche en expédiant vite la première tranche et en changeant les titres. Le chef des service des sports étant parti se coucher ce fut facile. Le lendemain il ne fit aucune remarque sur cette initiative !

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