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L’amitié et la politique : une rareté sociale

Est-ce que l’amitié et la politique sont compatibles ? C’est un questionnement de société qui pourrait s’adapter à bien d’autres domaines… En fait le verdict repose simplement sur la manière dont on conçoit l’amitié que ce soit dans le domaine de vie publique ou dans le cercle de la vie privée. Difficile dans ce système des réseaux sociaux où tout est immédiatement exploité de considérer pour un(e) politique qu’il a de nombreu(se)x « ami(e)s » sous prétexte qu’ils ont demandé à le rejoindre. En fait quand on est lucide on sait que l’amitié ne souffre pas le nombre mais qu’elle repose d’abord sur des principes clairs faiblement partagés : la tolérance de l’un à l’égard de l’autre, l’échange constant et plus encore sur la fidélité aux causes ayant fait naître une estime réciproque. Rien d’autre ! Tout le reste n’est que scorie de la vie publique.
La politique n’a donc rien à voir avec l’amitié puisqu’elle n’est qu’un rapport de force permanent visant justement à détruire l’autre et à exploiter la moindre de ses faiblesses. Si dans ce monde de rivalités personnelles, de coups bas permanents, de franchise à géométrie variable vous comptez des « ami(e)s » il faut se dire qu’ils ne sont que provisoires, le temps qu’il leur faut pour vous utiliser et arriver où ils veulent en venir. Si vous n’y parvenez pas vous êtes vite rayés de la liste de « leurs ami(e)s ». Les vraies amitiés sont donc rares, très rares et forcément épisodiques. Surtout dans son propre camp… où le « camarade » devient en quelques jours un « rival » s’érigeant un « ennemi » idéologique que l’onse doit de dénoncer publiquement ou subrepticement. J’ai ainsi été exclus ou traduit en commission des conflits à la demande de « camarades amis » de mon propre parti pour avoir osé contester des choix (1) ou écrire comme journaliste des papiers déplaisants (2) qui se sont révélés tous vrais.
Être ami(e) avec une autre personne c’est simplement admettre sa différence car elle enrichit votre réflexion. Etre ami(e) se n’est pas forcément se soumettre ensemble à un dogme. Etre ami(e) c’est faire passer les valeurs essentielles de la vie au-dessus des choix ponctuels effectués. On en revient immanquablement aux superbes passages écrits par Montaigne sur ce sujet : « Ce qui rend un ami assuré de l’autre, c’est la connaissance qu’il a de son intégrité : les répondants qu’il en a c’est son bon naturel, la foi et la constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l’injustice ; et pour les méchants, quand ils s’assemblent, c’est un complot, non pas une compagnie ; ils ne s’entraiment pas, ils s’entrecraignent, ils ne sont pas amis, mais ils sont complices » C’est vrai qu’en politique on confond très souvent amitié et complicité dans le suivisme d’une femme iou d’un homme important se croyant forcément entourés de vrai(e)s ami(e)s qui en sont que des laudateur(trice)s ou des sangsues. Et Montaigne d’ajouter : « « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent (…) »
Il est donc fort probable que si l’amitié naît dans la vie politique et seulement dans la vie politique elle ne résistera pas à l’épreuve des divergences souvent artificielles qui traversent cette partie très hypocrite de la vie sociale. Il est en effet quasiment impossible de démontrer sa sincérité en politique car si vous faites le choix de l’amitié ce n’est jugé qu’à l’aune de contingences politiciennes qu’elle peut vous rapporter. Il vaut donc mieux éviter de se faire des illusions. Je n’aurai jamais ni respect, ni estime pour les faux-culs (nombreux) qui se gardent bien d’afficher leur choix (toujours forcément critiquable) afin de préserver comme le dit fort bien Montaigne des « accointances et des familiarités ». Il faut laisser le soin à l’autre de justifier ses options, son parcours, ses atermoiements ou ses craintes mais bien se garder de les inclure dans le périmètre amical.
La fameuse « trahison », insulte suprème (dont j’ai été accusé souvent pour ne pas avoir voulu avaler des couleuvres comme lors de la déchéance de la nationalité) ne sert d’alibi aux autres selon l’intérêt qu’ils ont à l’approuver ou à la condamner. En fait elle ne sert qu’à valoriser ceux qui la dénoncent car ils retrouvent une virginité politique qu’ils n’ont jaamis eue. Ce qui est le plus terrible c’est quand les « gens qui vous veulent du bien » détruisent souvent vos amitiés sur des rumeurs, des racontars, des approximations, des interprétations… et en partant du principe que personne ne pourra faire revenir en arrière la machine à séparer, à éloigner, à casser. Souvent médiatiquement les faits qui brouillent, qui brisent des relations ne reposent d’ailleurs que sur ces apparences médiatiques ou factuelles que l’on ne pourra jamais rectifier. La jubilation des celles et ceux qui parviennent à leurs fins est alors à son comble : ils avaient raison !
Il faut apprendre donc en amitié à douter, à admettre les différences, à les supporter parfois avec un regard indulgent mais avec en permanence la volonté de comprendre avant de juger. En revenant à la lecture de Montaigne on a simplement la clé de l’incompatibilité des apparences politiques et de la profondeur que nécessite une amitié : « En l’amitié de quoi je parle, elles (nos âmes) se mêlent et se confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles s’effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Il n’y a pas d’autre vérité ! Pour le reste c’est difficile à vivre en politique mais c’est passager et ça se soigne ! Et je vous assure que j’ai trouvé le remède idéal : la fidélité aux valeurs!
(1) j’ai été le premier dans Bordeaux Actualités en 82 à dénoncer les pratiques des rétrocommissions
(2) J’ai été dénoncé pour le contenu de mon blog et traduit devant la commission des conflits

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Je suis encore plus bête que je ne le pensais : j’ai toujours cru naïvement qu’au moins une partie des personnages politiques avaient comme principal engagement l’intérêt des Citoyens et de la Nation.
    Bien sûr j’ai eu à subir des pressions diverses d’individus aux ambitions ou aux ego démesurés, dans le milieu professionnel ou associatif, et j’ai accepté souvent de m’effacer pour ne pas entraver des projets que pourtant je désapprouvais.
    Mais je pensais que ces rivalités s’effaçaient la plupart du temps pour la bonne marche des affaires publiques.
    Quel nigaud je suis !

    Il est que lorsque l’on voit comment, dans une affaire qui secoue les institutions de la République, les responsables au plus haut niveau se défaussent honteusement de leurs responsabilités en tentant de faire porter le chapeau aux autres, on ne s’étonne plus de rien.
    Quelle honte !

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