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La fraude à grande échelle et à grande vitesse

Il existe une course de vitesse permanente entre le monde de la fraude et les fonctionnaires chargés de les traquer. Elle repose souvent sur une parfaite connaissance par les premiers des faiblesses terribles des seconds : manque de matériel performant, insuffisance de personnel, textes et règlements abscons, situations inextricables. Ce rapport des forces en présence fait que la loi n’est respectée que par celles et ceux qui n’ont pas les moyens de la transgresser. Les services gouvernementaux, dans de très nombreux domaines, ressemblent aux plombiers qui utilisent leurs doigts pour boucher les trous dans une tuyauterie percée de toutes parts. Il est en effet parfaitement légal de tricher en utilisant les failles du système. Plusieurs Etats de l’Union européenne, parmi lesquels la France, l’Allemagne et le Danemark, ont ainsi perdu la bagatelle de 55 milliards d’euros à cause d’un habile montage financier impliquant des traders, des banques et des avocats, selon Le Monde et dix-sept autres médias européens qui ont enquêté conjointement. Le prire c’est que cette carambouille monumentale s’est effectuée dans des pays réputés « contrôlés » sans aucune entorse à la légalité. Tout repose sur les technologies modernes de transmission des données financières à l’intérieur de la Communauté européenne. On ne passe absolument pas par la case paradis fiscal ce qui garantit aux utilisateurs du système une « blancheur immaculée ». Que des « gens biens » travaillant pour des banques françaises comme la BNP Paribas et la Société générale qui ont le sait sont irréprochables dans tant d’autres domaines.
Sous l’appellation de « CumEx Files », pendant quinze ans elles ont installé un trafic d’actions sophistiqué qui repose uniquement sur une myriade de transmissions impossibles à retracer. Pas de taxes sur els dividendes pour des « gros »actionnaires qui font transiter leurs subsides par des plates-formes sur des comptes légaux dans des banques ayant pignon sur rue. Au revoir la taxe de 15 à 30% à chaque fois qu’une entreprise reverse une partie de ses bénéfices à ses actionnaires. Mais certains d’entre eux étrangers, peuvent bénéficier d’un remboursement de cet impôt au titre de conventions établies entre plusieurs pays et ainsi en changeant très vite de place financière l4etat d’origine perd la trace dans les sables des transactions. Impossible de retrouver les vrais détenteurs et mieux au passage dans certains pays on rembourse plusieurs fois la taxe sur les dividendes.
La stratégie est simple sur le fond même si elle est compliquée dans la forme : les actions changent de main si vite, d’un intervenant à un autre et d’un pays à un autre, qu’il est difficile de savoir, à un instant «T», qui détient quoi et combien. L’impôt sur les dividendes payé une seule fois pourra être récupéré plusieurs fois ailleurs. Parfois même, il le sera sans avoir été payé. Les montages ressemblent à une écheveau tellement complexe que les fiscs concernés sont incapables de le démêler. En tournant à toute allure, la machine des crédits d’impôts devient en quelques heures une vraie machine à cash très rentable. Cette fraude d’envergure parfaitement rodée aurait coûté selon Le Monde « environ 10 milliards d’euros au contribuable allemand, ce qui en fait le plus grand scandale fiscal de l’histoire de l’Allemagne, voire de l’Europe ».
J’ai connu exactement le même système avec des sociétés civiles immobilières qui se vendaient de l’une à l’autre des biens immobiliers jusqu’à ce qu’il soit ardu de trouver les véritables propriétaires actionnaires avec des sièges sociaux installés dans des endroits improbables. Chaque fois la première SCI était dissoute lors de la disparition de ce qui constituait son capital unique et initial. La pratique des « poupées gigognes » fait qu’au final on évite tous les droits à payer si les actes se succèdent très vite et on finit par échouer dans une boite postale à l’autre bout du monde dans une partie de la France dans laquelle les contrôles n’existent pas !
Une autre technique consiste à passer des ordres d’achat et de vente, dans un laps de temps inférieur à la milliseconde, afin de profiter d’écarts de prix infimes entre les deux, mais qui, multipliés par un nombre considérable de transactions quotidiennes, suffit à engranger de belles marges : des dizaines de milliards de dollars aux États-Unis et une arrivée sur toutes les places financières. Ce que les spécialistes appellent le « high frequency trading » a réalisé il y a dix ans 25% des transactions sur actions en Europe, a atteint 30% deux ans plus tard, et 45% en 2012…. pour ne cesser de grandir et constituer un moyen d’enrichissement exceptionnellement rentable.
L’escroquerie mise au point qui est gigantesque n’est qu’une variante de ces pratiques ressemblant à une Ferrari qui serait suivie par une voiturette sans permis. L’absence de fiscalité européenne harmonisée et la célèbre concurrence libre et non faussée ont ouvert des opportunités de profits exceptionnels qui sont exploitées avec délectation par les techniciens de la carambouille.

Cet article a 4 commentaires

  1. puyo Martine

    Pauvres de nous. je suis totalement abasourdie. je savais que ça existait mais pas avec cette ampleur. ça fait peur. brrrrrrrrrrrrrrrr
    Merci Jean Marie de nous informer.

  2. faconjf

    bonjour,
    Le trading haute fréquence, les carambouilles et le carrousel de TVA des dispositifs bien connus des banques d’affaires ( Lazard, JP Morgan, GS, Rotschild) et des autres banksters.
    Le dernier livre de Denis Robert ( les prédateurs, des milliardaires contre les états) revient sur la privatisation de GDF au profit du baron belge Albert Frére. Une privatisation au bénéfice de Suez qui était alors en difficultés financière. Et comment cela a été possible ? Par la vente de Quick fabricant de hamburgers à … la Caisse des dépôts pour la modique somme de 640 ( certains parlent de 800) millions d’€. Auparavant, Suez pour se refaire une santé avait essayé de vendre Quick 320 millions d’€ sans succès!! Et pourquoi la Caisse des dépôts s’est elle lancée dans le hamburger??? Tout simplement parce que l’UE voulait la privatisation de GDF et que Sarkozy était d’accord pour brader cette entreprise nationale à Suez qui n’en avait pas les moyens. L’État Français a donc favorisé le milliardaire A. Frère ( fortune de 4.8 milliards en 2016 d’après Forbes) en achetant à perte, via la caisse des dépôts, l’entreprise Belge Quick. La CdC a revendu Quick en 2015 pour une somme restée secrète ( Quick avait alors 600 millions de dettes).
    Certains, dont l’ancien collaborateur de Albert Frère, Jean-Marie Kuhn, parlent de « scandale d’État ». Les relations de connivence entretenues par Albert Frère et Nicolas Sarkozy, alors président de la république au moment du rachat, interrogent. L’affaire touche donc non seulement le groupe Albert Frère mais aussi le pouvoir politique. Albert Frère était présent au Fouquet’s, au lendemain de l’élection présidentielle du 6 mai 2007 et Nicolas Sarkozy a remis la grand-croix de la Légion d’honneur à Albert Frère et son associé, l’homme d’affaires canadien, Paul Desmarais en février 2008. La justice Belge avait ouvert une enquête sur cette transaction, affaire classée sans suite par le procureur JC Marin coté Français entravant ainsi les réquisitions Belges. Voir le tombereau de casseroles que tire JC Marin valeureux haut magistrat à la retraite.
    Alors les Banksters seuls responsables de ces requins de la finance qui s’enrichissent au détriment de l’État ?
    La responsabilité des sociétés du baron frère est aussi avérée dans le monstrueux scandale Brésilien Petrobras.
    Scandale qui permet aujourd’hui à l’extrême droite d’être aux portes du pouvoir.
    L’équation se généralise sous la forme suivante: UE libérale + Milliardaires prédateurs + Banksters + élite politique corrompue + justice aux ordres = montée des « populistes » ( tête haute et mains propres qu’ils disent) de droite extrême.
    Salutations républicaines

  3. J.J.

    Ça n’est pas nouveau, ça s’est simplement perfectionné : voire les Verrines, (qui n’ont rien à voir avec les conserves) : in Verrem, « de Cicéron, contre Verrés »qui avait commis, disons, des indélicatesses en Sicile, . Ça date de 70 avant notre ère et c’est toujours d’actualité.
    D’ailleurs le même Cicéron avait défendu des commerçants romains qui avaient grugé leurs clients, mais ça importait peu, c’étaient des Gaulois !

  4. faconjf

    Pour ceux que ça intéresse https://ptb.be/articles/exclusif-comment-albert-frere-roule-la-presidente-du-bresil

     Depuis 2004 et l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence, et le passage de GRDF en société anonyme, le prix du gaz a augmenté de 70 % pour tous les Français.
    Savez-vous ce qu’est la précarité énergétique ? Ce phénomène toujours d’actualité en France désigne la difficulté à chauffer correctement et à coût acceptable un foyer. Environ 12 millions de Français sont concernés.

    Selon l’Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE) cette précarité touche les ménages classiques, les jeunes, les retraités, les familles monoparentales et se traduit par des impacts sur la facture d’énergie mais aussi sur la qualité de vie des individus qui l’éprouvent…
    Le chiffre d’affaire d’ENGIE en France (ex gdf Suez) pour 2017 = 16.69 milliards d’€, résultat net 882 millions d’€ ( source Document de Référence déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers le 28 mars 2018 ). Pour l’ensemble du groupe Engie (monde) les dividendes reversés aux actionnaires sont de presque 1.7 milliard d’€ pour 2017.
    ça jette un froid.

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