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Voici ce que dirait, entre autres choses, François Mitterrand

La conquête du pouvoir revêt souvent des stratégies bien différentes. Mais chaque fois que le vainqueur s’installe quelque part il ne pense plus dès le lendemain qu’à conserver ce qu’il a obtenu de haute lutte. Dans son livre célèbre «  Le coup d’État permanent » qui constituait un véritable pamphlet contre le Gaullisme, François Mittterrand démonta la manière dont le Général avait réussi constitutionnellement à s’installer à l’Élysée. On trouve dans son livre des extraits d’une brûlante actualité avec par exemple ce constat : « Il existe dans notre pays une solide permanence du bonapartisme, où se rencontrent la vocation de la grandeur nationale, tradition monarchique, et la passion de l’unité nationale, tradition jacobine. » Est-ce vraiment dépassé ? Chacune et chacun de manière objective peut en douter quand on constate chaque jour la recentralisation indiscutable du pouvoir que met en œuvre le Président.
La gouvernance actuelle repose sur une tactique politique extrêmement élaborée destinée sans outre-passer les apparences de la démocratie. Une majorité disciplinée, volontairement peu au contact avec la réalité du terrain constitue une garantie de donner aux décisions venues de la structure technocratique en place la caution de la représentation d’une part du peuple. De Gaulle a toujours eu la même et ne s’est jamais privé de lui faire avaler ce que bon lui semblait. C’est ainsi que l’on a connu de rares périodes de véritable jeu démocratique en France avec la cohabitation Chirac-Mitterrand ; Rocard-Mitterrand ; Jospin-Chirac… ou la contestation interne des « frondeurs ». L’affaiblissement et le mépris envers les corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, associations..) ont été au cœur des débuts de la V° République puisque la « grandeur  de la France » exigeait qu’ils s’effacent (sauf en mai 68 où ils ont perdu beaucoup de leur crédibilité en signant l’armistice social ayant permis d’arrêter un changement fondamental de société) face au pouvoir personnel gaulliste.
Le « Général » avait basé la Constitution sur la nécessaire mise au pas des élus nationaux (n’a-t-il pas envisagé la suppression du Sénat ? Que doit-on penser de l’artiche 49-3 ou 16 ?) quand maintenant son lointain remplaçant envisage de diminuer leur existence même en taillant dans leurs effectifs ? Mais jamais de Gaulle ne s’était attaqué aux élus locaux… car il savait parfaitement leur rôle « d’amortisseur social » des aléas des politiques nationales qu’ils tenaient. Hollande a rompu le pacte républicain au nom des économies nécessaires à un État en perdition… et son successeur a franchi un cap en les réduisant en simples redistributeurs potentiels des subsides octroyés par les énarques occupant tous les rouages de la machine qui n’a plus rien de républicaine. Depuis son entrée en fonction le Président s’efforce en effet de « pousser sur la touche » tous les élus municipaux, départementaux ou régionaux en ignorant toutes les difficultés qu’ils rencontrent dans la gestion quotidienne des services à un public de plus en plus exigeant. C’est une grossière erreur à moins que ce soit délibéré et ce serait extrêmement dangereux !
Méthodiquement se tisse un réseau très serré constitué d’une caste de femmes et d’hommes liges dans les cabinets ministériels, dans les administrations, dans le states décisionnelles. Ils ont en main, car ils les ont créés, les outils nécessaires pour contrôler progressivement toute initiative contraire aux dogmes présidentiels.
« Il y a en France des ministres. On murmure même qu’il y a encore un Premier Ministre. Mais il n’y a plus de gouvernement. Seul le président de la République ordonne et décide. Certes les ministres sont appelés rituellement à lui fournir assistance et conseils. Mais comme les chérubins de l’Ancien Testament, ils n’occupent qu’un rang modeste dans la hiérarchie des serviteurs élus et ne remplissent leur auguste office qu’après avoir attendu qu’on les sonne(…) »
a écrit François Mitterrand qui n’a pas fait autrement quand il fut à son tour au pouvoir. « J’appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu’inéluctablement, il tend, parce qu’il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux bien que cette dictature s’instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur d’un nom plus aimable : consul, podestat, roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres.(…) Ses hymnes à la jeunesse, ses élégies planificatrices, ont le relent ranci des compliments de circonstance. Sa diplomatie se délecte à recomposer l’Europe de Westphalie. Ses audaces sociales ne vont pas au-delà de l’Essai sur l’extinction du paupérisme. Au rebours de ses homélies “sur le progrès”, les hiérarchies traditionnelles, à commencer par celle de l’argent, jouissent sous son règne d’aises que la marche accélérée du siècle leur interdisait normalement d’escompter. » Qu’ajouter si ce n’est qu’il faut effacer le nom de de Gaulle et le remplacer par celui de qui vous savez…

Cet article a 2 commentaires

  1. dubez pierre-jean

    Merçi Jean Marie,inutile de te dire que ton analyse est partagée…..Je pense que meme les Français , dont la politique n’est pas une passion finiront par comprendre ce qui se trame….Alors a ce moment là ! peut etre…..!

  2. faconjf

    Bonjour,
    Ah! le duel des idées démocratiques entre Mitterrand et De Gaulle c’est une belle perspective en toile de fond.
    Mitterrand grand pourfendeur de la Vème et qui se glissa avec délectation dans les habits et attributs de président. La marche au pouvoir qui en filigrane fait apparaitre les spin-doctors qui ont évincés Rocard. Le spin-doctor, officiellement « conseiller en relations publiques », reçoit d’autres surnoms, tels que gourou, mentor, éminence grise, faiseur de présidents, doreur d’images. Avec Jacques Séguéla, Jacques Attali, Jacques Pilhan et Gérard Colé, Mitterrand met en œuvre la communication politique, une combinaison faite de techniques de narration (raconter une « belle histoire ») et de principes de la publicité ou du marketing. Et voila l’ère des présidents  » paquets de lessive » lavant la société plus blanc que blanc, chassant la corruption dans le nœud du torchon… Coluche reviens!
    Et malgré les innombrables gamelles des spin-doctors, la stratégie continue irrémédiablement. Chirac qui les recycle, Sarko avec Buisson, Saussez et Guaino, Hollande avec Gantzer. Et sous le méprisant Sibeth Ndiaye, la conseillère communication de l’Élysée, qui déclare pour « protéger le président », « j’assume parfaitement de mentir ».
    Assumer du latin assumere « prendre pour soi » l’élément de langage clef qui excuse tout, le moyen ultime de piétiner la morale, la justice ou la démocratie.
    Salutations républicaines

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