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On est passé de la revendication à la révolte incontrôlée

On ne combat jamais une révolte incontrôlée quelle qu’elle soit, par des statistiques, des pourcentages, des chiffres, des saupoudrages de mesures financières abstraites, des grenades assourdissantes, des discours lénifiants. Toutes les démocraties qui ont utilisé cette stratégie en sont sorties affaiblies et ont ouvert des brèches dans la confiance populaire dans laquelle se sont engouffrées les populistes. Les artifices de communication, les éléments de langage, la reprise permanente de pourcentages ne permettent plus de masquer la réalité : une part de la France ne croit plus dans le système de la démocratie représentative. Rien n’arrêtera plus cette descente aux enfers de principes qui ont permis jusqu’alors de conserver un lien social fragile mais indispensable. La spirale de la défiance vis à vis des élites devient inévitable et la révolte s’installe comme une nécessité pour la majorité.
Il a eu une révolte lors des dérenières législatives et elle a été été utile au pouvoir en place puisque elle a favorisé l’arrivée au pouvoir d’élu(e)s qui ont largement bénéficié d’une volonté de « dégagisme » à l’égard des parlementaires sortant(e)s quand bon nombre d’entre eux avaient exercé loyalement leur mandat. Le « nouveau monde » est bizarrement né sur le même sentiment que celui que prône les « gilets jaunes » à l’égard de la République en marche. Sauf que dans une situation aussi complexe, aussi tendue, aussi violente le manque d’expérience des élites en place est particulièrement frappant. La crise est gérée au jour le jour, au coup par coup avec une seule stratégie « politique » : le mépris (qui s’estompe tradivement) à l’égard d’un mouvement dont ils ignorent les racines profondes.
Ensuite au moment où il faudrait une vraie mobilisation de toute la puissance publique, l’aveuglement de Bercy, véritable lieu des décisions gouvernementales, cherche à étrangler les collectivités territoriales qui portent pourtant chaque jour des réponses directes concrètes à la détresse sociale. Ce n’est pas et ce ne sera plus jamais de lois nationales globales, ne tenant jamais compte des spécificités sociales ou territoriales qui pourront réguler la société. Par exemple les départements dont la mission essentielle consiste depuis des décennies à réparer les dégâts de l’absence de solidarité sociale et territoriale ont été plongés dans le doute et l’inaction…par des limitations budgétaires aberrantes. On va le regretter ! Les communes entrent à leur tour dans une période de doutes sur leurs ressources et leur capacité à donner satisfaction sur des revendications émanant de populations isolées, précarisées ou frustrées. Là encore la défiance est forte alors que les difficultés à la base deviennent de plus en plus prégnantes et nécessiteraient un vrai pacte républicain de respect réciproque ! on en est loin ! Très loin !
Enfin et surtout l’avenir s’annonce encore plus terrible. Dès le début janvier le bouleversement de la retenue à la source des impôts sur les revenus touchant essentiellement les salariés va aggraver la contestation. Elle s’ajoute à la faillite inévitable de l’exonération de la taxe d’habitation puisque personne ne sait vraiment comment elle sera compensée sauf à augmenter… les taxes à la consommation actuellement haïes par les classes moyennes, va alors apparaître comme une faute grave. Elle est même à la base du malaise actuel puisqu’il faut trouver… 8 milliards de compensation et que le seul moyen consiste à ajuster d’autres recettes sur des secteurs où celui qui est exonéré va repayer sans en avoir conscience. Si les « gilets jaunes » acceptaient que les partis politiques puissent leur expliquer la genèse de l’augmentation des taxes qu’il critique (baisse des impôts qui favorisent les plus riches, nécessité de ressources de substitution) ils augmenteraient leur crédibilité ! Bien des collectivités vont augmenter le prix des services (accueils divers, restaurants scolaires, droits de place, stationnement…) pour tenter de juguler une érosion réelle de leur capacité d’investissement.C’est inévitable.
Il n’est vraiment plus possible que l’obstination méprisante d’un Darmanin vis à vis des collectivités territoriales ne soit pas mis en sourdine alors que toutes les autres réformes bien plus importantes (UNEDIC, retraites, Constitution, fiscalité locale…) vont débouler dans un contexte social explosif ! La situation est donc bloquée et c’est ce qui la rend dangereuse. Même si le discours officiel s’infléchit avec de multiples « on a compris vos fins de mois difficiles, vos difficultés de mobilité, votre sentiment d’abandon » les réponses sont plutôt du genre «  c’est comme ça et pas autrement puisque l’on travaille pour votre avenir ». C’est un peu le navigateur qui regarde l’horizon en inversant le sens d’utilisation de la lorgnette.
Gaver l’opinion publique d’images d’une violence matérielle quand elle ressent une violence sociale oppressante ne permettra pas de discréditer des revendications d’une grande majorité qui ne se sent pas bien dans sa peau, dans sa vie. Le mal est profond, durable, inquiétant. Il n’y pas d’issue à cette désespérance puisque les espoirs placés ont disparu au sein de « partis » politiques en déserrance totale car ils sont désertés par les militant(e)s qui allaient antérieurement expliciter, convaincre, agir au niveau local. Seul un vaste Grennelle sur le « pouvoir d’achat » peut à la fois redonner des couleurs aux corps intermédiaires et surtout donner un peu d’air pur au système républicain. Mais Jupiter perdrait la face !

Cet article a 6 commentaires

  1. LAVIGNE Maria

    Voilà où mène le mépris, l’arrogance, de ces gens hors sol qui se prennent pour l’élite du peuple.
    Ils ne savent que faire nos poches et ce ne sont pas les 9 millions de pauvres qui les feront changer de cap. Le mur n’est pas loin et ils y vont en klaxonnant , fiers dans leurs bottes. La facture sera salée et leurs amis exemptés de la nécessaire solidarité. Qu’ils dégagent et le plus vite sera le mieux

  2. Bruno DE LA ROCQUE

    La perche qui avait été tendue, ou plutôt la porte qu’avait essayé d’entrebâiller Laurent Berger, n’a pas été suivie d’effet, sinon une quasi méprisante fin de non-recevoir par Edouard Philippe. C’était l’occasion de dire « on écoute, on essaie de piger et de discuter, on voit là où il faut revenir en arrière sans que ce soit honteux, on tente de rétablir un courant d’écoute réciproque, on explique là où on est coincé (pourquoi, comment), on montre qu’on veut être soucieux d’équité, on veut dialoguer avec les collectivités et/ou collectifs représentant d’une façon ou d’une autre les citoyens : leurs élus des territoires (et déjà au moins les « régions ») et les syndicats, on propulse un agenda social… ». C’est un gâchis énorme. Jean-Marie, j’ai peur que tu aies raison en disant la situation bloquée et le mal profond et durable, ce qui est presque un constat d’irréversibilité…

  3. Bernadette

    Oui les statistiques ne servent qu’à éclairer le débat. C’est le gain des révoltes d’aujourd’hui.
    Quelque soit le parti politique élu,
    notre pays a besoin de créer des emplois STABLES ET DURABLES et c’est urgent, très urgent…..
    Bonne fin de journée

  4. alain

    « la caste » des inspecteurs des finances a pris le pouvoir
    croyant que des formules apprises a l ENA feraient des miracles
    et ils se sont installés dans tous les fauteuils du pouvoir ou ils se vautrent comme nos bons rois jadis.
    le peuple encore une fois a été laissé pour compte ,pas d’issue toujours pas de création d’emploi qui en donnant des salaires sérieux relancerait l’économie (commerce,cotisations sociales )
    c ‘est cela le ruissellement tant attendu « du travail »
    alors désespéré il se révolte ,pour le moment gentiment !
    pourvu qu’une solution du style grenelle permette a tous de retrouver une vie digne afin que la France en sorte par la bonne porte

  5. faconjf

    Bonjour,
    Et voici les riens, les sans dents, les illettrés qui déboulent dans les beaux quartiers de la capitale avec fracas. Le présidents des ultras-riches qui était (encore) absent, retenu à 11.000 kilomètres de Paris, sous le soleil du printemps austral de Buenos Aires. Les beaux quartiers qu’il a abandonnés, là où résident ses principaux soutiens financiers de sa campagne. selon le JDD du jour, ses soutiens financiers se concentrent sur Paris et sa proche banlieue à hauteur de 56%. Un président donc financé par les Parisiens et les urbains et aussi 14% des dons proviennent en outre des Français vivant à l’étranger, dont la moitié résidant en Grande-Bretagne. Un signe de plus de la fracture entre France des villes et des campagnes. Selon la Commission nationale des comptes de campagne, 1,2% des dons ont rapporté à eux seuls 48% du montant total reçu par Emmanuel Macron pour financer sa campagne. Une donnée qui confirme qu’Emmanuel Macron a majoritairement été financé par « la France d’en haut ».
    Alors que va faire Jupiter pour reprendre la main?
    – Pour les plus radicaux Le choix restant au pouvoir et à son dernier quarteron de défenseurs est désormais des plus simples : où prendre acte de la situation et partir, où s’obstiner en passant à la vitesse de répression supérieure, en sortant les fusils par exemple, comme le suggèrent à demi-mot les policiers excédés.
    Ce serait alors un carnage et le sang qui coulerait ne serait pas seulement celui des Gilets jaunes, mais aussi probablement celui de ministres, des journalistes de cour et de policiers. Est-ce vraiment à cette tragique extrémité que le pouvoir veut arriver ?
    – Les moins radicaux prédisent le renvoi de Phillipe dans sa bonne ville du Havre et son remplacement par le maire de Pau. Le retour de Bayrou, le vieux « sage, provincial ET centriste » qui se rêve en grand réconciliateur des Français…
    La vaisselle est pulvérisée et le tube de colle Bayrou ne suffira pas pour réduire la fracture sociale. Les comités théodule,énièmes version des experts en peau de lapin placés au-dessus du peuple et des ses élus, ce concept destiné à « jouer la pendule » est usé jusqu’à la corde. Ces comités tout comme les Grenelles (avec la CFDT dans le rôle de Judas) n’éteindront pas l’incendie.
    Même si par miracle le feu s’éteint, les braises sous la cendre repartiront en brasier au premier coup de vent.
    Partout où se pose le regard, le combustible social est à quelques degrés en dessous du point d’inflammabilité.
    Salutations républicaines

  6. Alain.e

    J’avais écrit sur ce blog , avant les élections que je n,attendais rien de macron et que je ne serais donc pas déçu, je me suis trompé. Je suis plus que déçu de voire mon pays â feu et à sang et toute cette violence gratuite de mou du bulbe et décérébrés majeurs. Je n’excuserai jamais les casseurs et leur violence , mais si on en est la ,c’est non seulement la faute à macron ,mais aussi la faute à tout les politiques qui l’ont précédé.
    Laxisme,culture de l’excuse permanente ,ainsi ont peut profaner la tombe du soldat inconnu , souiller l’arc de triomphe , brûler des voitures gratuitement , pauvre France, le mal est profond et le feu couvera encore longtemps sous la braise .

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