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Un petit-déjeuner mal digéré

En matière d’éducation la généralisation de toute mesure n’a qu’une efficacité limitée car, pas un enfant, un(e) adolescent(e) ou un(e) jeune ne ressemble à un autre. Chacun est unique et mérite une attention spécifique. Ce qui peut être considéré comme bon pour l’un(e) ne l’est pas forcément pour l’autre. Rien n’est pire que le formatage éducatif ! C’est ainsi que le gouvernement a remis au goût du jour la nécessité, dans certains secteurs, de distribuer un petit déjeuner aux élèves supposés défavorisés. Si l’objectif est louable sa mise en œuvre ne va pas sans poser des problèmes. Pour l’avoir testée à Créon, je peux affirmer que le résultat n’est pas sans poser de vrais problèmes et des interrogations nombreuses.

D’abord celui de savoir effectivement si le(la) gamin(e) qui va prendre le « repas » préparé en a vraiment besoin ou s’il va ajouter à ce qu’il a avalé, une seconde ration. Pas facile car un enfant va difficilement avouer qu’il ne mange pas à sa faim. Or il est prévu que 100 000 d’entre eux auront accès à cette opération « globale » visant « à permettre aux écoliers de ne pas commencer la journée le ventre vide, de rester concentrés pendant toute la matinée et ainsi d’apprendre dans les meilleures conditions ».

En fait rien ne permet, sauf à observer attentivement les comportements individuels, de détecter des difficultés alimentaires dans une classe « ordinaire » d’un quartier réputé défavorisé. L’expérience prouve en fait que le manque de moyens financiers n’est pas la raison majeure d’absence de prise du petit-déjeuner. On trouve aussi un refus très répandu de l’enfant ou de l’adolescent de manger ce qui lui est proposé. Il part le ventre vide ou à moitié vide si la pot de pâte à tartiner n’est pas au rendez-vous ou si les biscuits des pubs viennent à manquer. Sans en faire évidemment une généralité les revenus familiaux ne conditionnent pas ce qui relève surtout de l’éducation parentale ou des habitudes de vie. un(e) gamin(e) manquant de sommeil, ayant des difficultés à se réveiller avale en toute hâte des produits industriels ou zappe ce qui est préparé par ses parents.

A la rentrée la mesure pourra être proposée dans les écoles volontaires des secteurs relevant de la politique de la ville ou socialement en difficulté. Or à l’occasion de la journée mondiale contre l’obésité qui est organisée en fin de semaine des spécialistes on tiré le signal d’alarme en déclarant que réintroduire le petit-déjeuner, serait une catastrophe. « C’est une décision politique prise sans concertation avec les spécialistes », estime par exemple le professeur, chef du service d’endocrinologie et de diabétologie pédiatriques à l’hôpital « Femme-Mère-Enfant de Lyon » !

En fait ces médecins font exactement le même constat que celui qui avait conduit Créon à abandonner le projet :  pour la grande majorité des enfants ayant déjà mangé le matin, on ajoute un repas supplémentaire et on les habitue dans les faits à « grignoter » entre deux repas. C’est contraire à tous les messages de prévention de l’obésité ! Or le sujet devient dramatique. En moyenne, en France, dans une classe de 30 élèves, il y a cinq enfants en surpoids dont un(e) en situation d’obésité. Une récente étude démontre que neuf enfants sur 10, obèses à 3 ans, sont en surpoids à l’adolescence et 50 à 70 % d’entre eux le resteront à l’âge adulte. Tout bascule entre 2 et 6 ans ! Il y a un lien vraiment fort en plus avec le niveau social puisque ce ne sont pas les familles les plus aisées où sévit l’obésité.

Cette opération doit être éducative, mesurée et individualisée. Elle suppose un vrai dialogue avec les parents et une véritable appropriation par l’enfant de la nécessité du petit-déjeuner dans les modes alimentaires du quotidien. Comme dans les quartiers sensibles bien des élèves ne mangent pas chez eux à midi ils existent un risque de voir des convives avoir entre 8 h et 13 h… trois repas ce qui ne relève pas du bon sens. L’individualisation de cette mesure devient donc essentielle et devra être évaluée. Au-delà de l’effet d’annonce il est vraiment indispensable de construire un projet cohérent. Il y a fort à parier que la durée de cet accès supposé à un équilibre alimentaire meilleur ne soit pas très grande.

Une véritable politique d’éducation sur la santé paraît obligatoire en accompagnement. Une part des dépenses devrait plutôt être dédiée à renforcer la prévention. C’était possible dans le cadre de l’aménagement du temps scolaire (ateliers du goût, découverte de nouveaux produits, analyse des contenus de certains autres…) mais c’est oublié… comme le sera forcément le reste. Une occasion a été manquée de redonner sa plénitude au mot éducation et on n’est pas prêt de la retrouver. Il faudra se contenter de spots télévisés généralistes inefficaces et eds formules toutes faites des spots de publicité.

Cet article a 5 commentaires

  1. Dites…..le repas du midi, le repas du soir vous manger tout le temps la même chose?…et bien le petit déj c’est pareil…. céréales, yaourt, chocolat chaud, pain beurre confiture, crêpes, jus de fruit…. bref complet et changeant, vite fait, voir préparé la veille… si l’école offre le petit dej, il faut aussi le temps du brossage de dent… histoire que les sucres, les acides, ne restent pas toute la journée à « fermenter » dans la bouche, et puis des aliments de qualité, pas choisis pour leur prix au kg, ou au litre.
    Pour éviter la stigmatisation, les doubles rations, que ça soit pour tous… à la maison, un chocolat chaud, le reste à l’école… les parents s’adaptent. J’oubliais….le ramadan… on ouvre les écoles avant le lever du soleil?…..ok, ok, je sors 😉

    1. Bernadette

      Oui. Je suis une mamie et n’ai plus de petits enfants à charge. Ce que je peux observer est que le petit enfant se lève très tôt lorsque les parents travaillent loine du domicile. Je trouve bien vers 10h de donner aux petits écoliers une tasse de lait chocolaté. Pour ce faire l’école devrait demander l’avis des parents.
      Le petit déjeuner est très important pour un enfant.
      .

  2. Bernadette

    Le petit déjeuner fait partie du bien être

  3. J.J.

    Il n’y a pas lieu de s’affoler sur la question : une fois l’effet d’annonce passé, ce projet qui me semble surtout démagogique aura vite fait de tomber dans l’oubli.

    Il y eut un précédent dans les années 50 (1954), un projet de Mendès France, alors président du conseil, pour de toutes autres raisons, et qui est tombé dans les oubliettes de l’histoire.
    Il existe également un projet européen (1976) pour subventionner la distribution du du lait dans les écoles.
    Qui en a entendu parler, et savez vous si ce projet est rentré en application quelque part ?

    1. faconjf

      Mais oui, mais oui ça existe encore les subventions autrefois appelées ONILAIT et devenues en 2009 France AGRIMER pour promouvoir aussi les distributions de fruits et de produits laitiers. Le volet « Lait et produits laitiers à l’école » fait partie du programme européen d’aide à la fourniture de fruits et légumes et de lait dans les établissements scolaires.Il permet le financement sur fonds européens de la distribution de lait et de produits laitiers aux élèves ainsi que la réalisation de mesures éducatives d’accompagnement. Nouvelles modalités juin 2017 d’attribution de l’aide à la distribution de produits laitiers dans les établissements scolaires.
      Règlements délégué (UE) n° 2017/40 et d’exécution (UE) n° 2017/39 de la Commission du 3 novembre 2016 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement Européen et du Conseil et portant ses modalités d’application en ce qui concerne l’aide de l’Union pour la fourniture et la distribution de fruits et de légumes, et de bananes et de lait dans les
      établissements scolaires ;
      source:
      http://mesdemarches.agriculture.gouv.fr/demarches/collectivite-territoriale-ou/assurer-une-activite-de-62/article/distribuer-du-lait-et-des-produits-236

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