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Les vrais chevaliers de la quête du cèpe

Un ou deux solides orages avec quelques trombes d’eau localisées, une lune qui prend son premier quartier d’été et naissent les prédictions des comptoirs de bistrot. On ne cause ni football, ni tiercé mais arrivée des cèpes ! Les néophytes ont bien du mal à comprendre le jeu de rôles des prévisionnistes.

C’est pourtant en plein mois d’août un élément essentiel dans les discussions entre  « demeurés » ne connaissant pas les congés et condamnés à rester au pays. Pour eux l’apparition d’un « bolet » (ils n’emploieront jamais ce mot) déclenche immédiatement une quête similaire à celle du Graal par les chevaliers de la table ronde. Ils ne savent pas que depuis longtemps, les « connaisseur.euse.s » ont depuis exercé leur talent de « mycologue-récolteur » et qu’ils ne travaillent pas tous à l’intuition ! Ils sont souvent licencié.e.s es-cèpes ! Ils sont énigmatiques et s’expriment avec des mots simples : « rien! »… » demain! »… « ça commence! »… mais jamais un « vas-y !  » franc et massif ! 

A la moindre alerte, à la moindre apparition d’un signe extérieur de pousse, au moindre alignement des planètes ils sont sur le sentier de la traque  du cèpe. Cette partie de vraie campagne constitue un plaisir exceptionnel : garnir un élégant panier ou un sac de supermarché d’une récolte dont il ne se vantera pas mais dont il savourera la réalité secrète. 

Tout l’habileté du chercheur.euse émérite réside souvent dans sa capacité à anticiper la venue en ce monde des « têtes » blondes ou brunes qui feront sa légende. Être le (la) premier.e a pouvoir opiner du chef à une simple question : «  alors il y en a ? » vous donne rapidement une notoriété aussi importante que celle dont a joui l’enchanteur Merlin. N’espérez pas cependant obtenir davantage ! Le véritable chevalier du cèpe disparait des journées entières et ne réapparait que quand le filon s’épuise. Il ne s’exprime dans le fond que quand il n’a rien trouvé ! 

Les seul.e.s indics fiables appartiennent en effet au monde restreint des « météorologues-astronomes-géologues » sachant parfaitement accumuler les indices « scientifiques » favorables à l’exercice de leur passion. Les explications assez elliptiques de ces explorateurs.trices de replats tiennent en effet du pronostic avec des codes que seuls les habitués sont en mesure de comprendre. En effet celui ou celle qui cause le plus n’appartiennent pas nécessairement à la catégorie des plus fiables…

Les habitué.e.s de cette période faite d’incertitudes savent qu’il existe majoritairement la catégorie des « hommes qui ont vu les hommes ayant vu des hommes ayant réalisé des cueillettes légendaires ». On leur doit souvent les fausses rumeurs ou les approximations territoriales qui désespèrent les non-connaisseurs des principes girondins voulant que dans le domaine du cèpe tout soit secret.

En fait il s’agit cette cueillette estivale se résume en une course de vitesse dans laquelle ce n’est pas en courant de manière désordonnée que l’on gagne ! Un repérage avant la période détectée comme propice, ne constitue pas par exemple du temps perdu. loin s’en faut! c’est un recueil d’indices.  Il faut une étude intuitive de l’hygrométrie car elle va déterminer les sous-bois dans lesquels il y a une chance de trouver les nouveaux-nés. Il faut une parfaite connaissance du cycle lunaire. Il faut une analyse fine du terrain. Le chercheur.euse inexpérimeté.e va arpenter le terrain pour rien. Le fin limier ira à l’essentil le jour J ! 

Avec un brin d’expérience, il est en effet aisé de savoir que l’humidité du sol et son exposition à la chaleur solaire permettent de connaître les probabilités de sorties imminentes. Ainsi un tapis de lierre sur le sol ou une mousse épaisse sont nettement préférables en période sèche à des hautes fougères et des clairières lumineuses. Il en ira différemment si les pluies estivales ont été prolifiques. Soigneusement mémorisés les fameux replats constituent le patrimoine du.de la cueilleur.se solitaire. il sait donc aller au moment opportun. Il est impératif, dès l’aube, d’effectuer « sa » tournée ne laissant rien au hasard.

A chaque période de l’année les probabilités sont en effet différentes et il serait vraiment ballot de se faire doubler par un.e rival.e bien informé.e ou un.e bienheureux.se bénéficiaire d’une chance ridiculisant toute la science de la cueillette. L’expérience permet vite au maître collecteur de détecter la venue d’un.e intrus.e (piétinement, mauvais champignons renversés, végétation cassée, sous-sol gratté) sur une zone « protégée ». La cueillette attendue s’effectuera d’abord prestement avec un canif parfaitement aiguisé afin de ne pas détruire par arrachage le cordon ombilical du précieux mycélium. La préoccupation essentiel reste ensuite de ne pas laisser de traces de ce passage productif. Le sentiment de réussite toute intérieure envahit l’esprit. 

Telle une ombre chinoise sur l’écran lumineux du soleil levant filtrant entre les arbres le.la collecteur.trice de l’un des bienfaits de la nature se glisse d’un lieu à l’autre scrutant au passage des « niches » potentielles similaires à celle qu’il.elle vient de quitter. Quand l’essentiel est accompli il.elle se replie sur le rôle plus aléatoire d’explorateur.trice sur la base des éléments positifs recueillis ailleurs. Les sacs s’emplissent avec une frénésir non dissimulée. Chaque trouvaille est un élément capital du tableau de cueillette.

Qu’y-a-t-il de plus jubilatoire d’aller de cèpe en cèpe sur un espace réduit ? Qu’y-a-t-il de plus beau que de débusquer ces bolets à la tête noire sur une queue joufflue tentant de se dissimuler sous l’épaisseur des feuilles déjà mortes ? Comment ne pas se sentir privilégié.e quand on sort sous le regard ébahi de ses proches des dizaines de ces nobles trouvailles ne méritant pas le nom trop vulgaire de champignons ? Qu’y-a-t-il de plus valorisant que de se retrouver en position de vedette quand les « gazetier.e.s » locaux vous interrogent sur votre réussite ? Seul.e.s les authentiques amoureux de la vie peuvent comprendre.

Depuis que je marche seul j’ai cet amour du cèpe au fond du cœur. Je resterai longtemps à les couver du regard, à les sentir, à apprécier la diversité de leur forme ou la qualité de leur chair. Comme beaucoup je préfère les ramasser que les déguster… mais dans le fond avec la sagesse de l’âge je vais m’habituer à les recevoir pour les manger !

Cet article a 5 commentaires

  1. Gilbert SOULET

    Chapeau de cèpes en persillade et omelette aux cèpes !
    Merci Jean-Marie
    Gilbert de PERTUIS

  2. PC

    Chez moi ni eau ni cèpes et mon dernier record (+ de 100kg) est déjà loin…

  3. LAVIGNE Maria

    Voilà un billet qui va plaire à mon fils et que je vais lui offrir, lui, le Landais jusqu’au bout des ongles, chercheur de champignons qui, comme vous préfère les trouver que les manger. Moi, je mets à disposition les paniers en osier afin que la récolte précieuse ne souffre pas. Attendons la pluie bienfaitrice…

  4. alain

    c est fait!
    ils étaient au rendez vous
    et le plaisir de les voir pointer leur chapeau est inégalable
    bonne dégustation à toutes et tous

  5. Bernadette

    Attention, ne cherchez pas des cèpes dans une  » propriété privée « .
    N’allez pas aux cèpes à bicyclette et ne laissez pas cette dernière sur le bord de la chaussée, des gens mal intentionnes peuvent vous détruire votre bicyclette.
    Lorsque je vois fleurir toutes ces pancartes « propriété privée, défense d’entrée ou autres… » je me pose la question de savoir si un jour les chercheurs de cèpes devront acquitter un droit.

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