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Le politique ne souffre plus les contre-pouvoirs

Des signaux très inquiétants viennent de décisions prises dans les plus grands pays du monde mais ils n’affolent guère une opinion publique qui n’y voient aucune raison de s’alarmer. Toutes concourent à achever les démocraties héritées du siècle où il a fallu aux peuples conquérir la liberté, l’égalité et la fraternité.

L’accélération de la mise à mal de tous les systèmes d’information et surtout leur mise en accusation publique deviennent la nouvelle donne des pouvoirs en place. Comme les réseaux sociaux aisément manipulables rendent encore plus précaire la qualité de l’information il est difficile de ne pas envisager le pire.

Toutes les nations sont touchées par cette offensive en règle pour démanteler ce qui apparaît comme un facteur de déstabilisation de la démocratie. « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets » a écrit Alfred Sauvy et il semble que ce constat devienne un objectif pour bien des gouvernements en place. Dans leur collimateur les « services publics » réputés rétifs et critiques.

En France Bercy travaille sur la suppression de la redevance qui permet aux radios publiques et aux chaînes de télé non assujettis au système économique privé de faire vivre une autre programmation et une autre information. Visiblement, Darmanin, l’ineffable partisan des privatisations pour les investisseurs libéraux au grand cœur caresse l’idée de dépecer Radio France ainsi que les télévisions du service public.

Bien évidemment il n’y aura aucune accusation et aucune démarche « politique » mais, comme pour bien d’autres domaines, la suppression des subsides lui permettant de fonctionner. C’est une condamnation à la mort lente et inéluctable.

Le ministre de l’Action et des Comptes publics suggère fortement de supprimer la contribution à l’audiovisuelle public, la fameuse redevance télévisuelle adossée à la taxe d’habitation. Fixée à 139 € en 2018 (89 € dans les DOM-TOM), cette taxe touche les trois quarts des contribuables, soit 27 millions de foyers chaque année.

Elle rapporte tous les ans 3,2 milliards d’euros (Mds€), lesquels financent l’essentiel du budget annuel de l’audiovisuel public (3,8 Mds€). Il y aurait déjà des grands groupes intéressés par la récupération des « cadavres ».

Les programmes des antennes sont perturbés depuis le 25 novembre en raison d’une grève contre un plan d’économies prévoyant la suppression de près de 300 postes. Les syndicats dénoncent un plan qui découle de la baisse des crédits de l’audiovisuel public imposée par le gouvernement, qui va accroître la charge de travail des salariés, le recours à des statuts précaires, dégrader la production – volume, qualité et diversité des contenus – véritable valeur ajoutée de Radio France et mettre en péril des savoir-faire… On n’a aucune renoncement car c’est une demande expresse du gouvernement.

Au Royaume Unis, aussitôt majoritaire Boris Johnson s’en prend à l’emblématique groupe de la BBC, qu’il accuse d’avoir pris position contre les tories lors des élections législatives. Là encore même stratégie : il menace de réduire ses subventions.

Le leader conservateur a illico demandé au secrétaire en chef du Trésor de revoir le financement du groupe public. En ligne de mire : la redevance télévisuelle, principale source de revenus de l’institution pourtant historiquement protégée outre-Manche.

Le Brexiteur en chef reproche à la BBC son traitement de la campagne législative. Il explique qu’elle a manqué d’objectivité et montré de claires préférences éditoriales, par certaines « couvertures exagérées » sur des événements défavorables aux Conservateurs.

Mais dans le Monde on explique que cette mesure financière de rétorsion contre la BBC est en réalité une « vengeance », en particulier pour l’attaque directe lancée par le journaliste politique vedette Andrew Neil contre le premier ministre, qui avait fui un entretien avec ce redoutable intervieweur, contrairement aux autres chefs de partis.

Etrange similitude dans les intentions et les actes sauf que dans le cas britannique elles sont explicites et sans détour alors que chez nous on préfère, comme dans des dizaines d’autres cas, le prétexte des équilibres financiers. Mais bien entendu ce n’est qu’une manifestation de mon mauvais esprit.

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