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Malgré les apparences la démocratie locale dégénère

La société française a atteint un tel degré dans le clivage qui parcourt ses strates que plus rien n’échappe à une véritable scission guerrière permanente des situations de tous ordres. Il n’y a plus de débat possible sur n’importe quel sujet ! Il faut soutenir ou disparaître.

Immédiatement la fracture apparaît avec d’un coté les indifférents qui se détournent en pensant qu’ils ne sont pas concernés ou intéressés et celles et ceux qui, par principe, échappent à l’échange pondéré d’arguments en pratiquant immédiatement l’invective, l’outrance, l’approximation pour exister ! Il n’y a plus le choix. Depuis des années la situation a fini par empirer. On se cache. On crache. on invective mais en aucun cas on cherche à convaincre.

D’ailleurs le Rassemblement national a prospéré sur cette dualité profitant à la fois de la fin de la confrontation raisonnable des idées pour asséner de pseudos vérités tonitruantes susceptibles de galvaniser les plus faibles en matière d’éducation citoyenne. La recette a depuis été reprise de manière différente et avec un certain succès. Il ne fait pas bon par les temps qui courent de prôner le dialogue informatif ou l’échange courtois : la qualification de collaboration tombe aussitôt.

La société n’aime que le « blanc » ou le « noir », le « conflit » ou « le combat ». Quand la presse écrite tente d’expliquer, de jouer son rôle de vecteur de modération en fournissant des arguments opposés, la télévision s’installe dans la confrontation institutionnalisée.

Sur les plateaux télévisés il ya eu de vives explications entre le journaliste et le personnage présent mais maintenant le concepteur d’une émission ne monte que des face à face qu’il espère transformer en pugilat. Il faut du sang, des cris, des exagérations afin de capturer le maximum d’auditoire comme quand Roger Couderc mobilisait les téléspectateurs pour un combat de catch opposant l’Ange… blanc au bourreau de Béthune !

La première trace d’une telle organisation date du 1er juin 1994, quand le célèbre (il est alors une vedette du petit écran) Paul Amar anime un débat qu’il présente comme un « match politique » entre Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen à l’occasion des élections européennes.

Connaissant le caractère des deux hommes qui pourraient « en venir aux mains », le présentateur prend les devants et leur distribue des gants de boxe…Bernard Tapie renvoie le journaliste dans ses cordes en lui assénant, en réponse à sa provocation, un cinglant : « La politique, c’est sérieux ». Paul Amar a été remercié par France Télévisons après ce dérapage car il avait eu le tort de symboliser le virage pris par la politique !

Désormais on organise le ring, on choisit les catcheurs aussi caricaturaux que possible et on annonce à grand bruit la bagarre. En fait la pire chose qui puisse arriver c’est que les adversaires débattent sans s’en mettre plein la gueule inutilement mais spectaculairement.

Comme il existe toujours un décalage entre le sommet et la base, on assiste à une durcissement grandissant des comportements sociaux. Le débat n’existe plus et les querelles personnelles remplacent de manière caricaturale les anciens principes : « projet contre projet », « idées contre idées », « valeurs contre valeurs »…

On se querelle de manière totalement subjectives dans le quotidien sans autre raison que celles de se « payer » une ou plusieurs personnes. C’est le Far-West où celui qui fait la une de l’actualité devient celle ou celui qui tire le premier. D’ailleurs bien des listes annoncées ne verront pas le jour faute de combattant.e.s motivées

L’adversaire pour ne pas écrire l’ennemis dégaine sans aucune analyse préalable de telle manière qu’il n’obtienne de l’intérêt qu’au nom de sa capacité à exagérer pour exister. Une manière croissante de tuer, avant même qu’il soit installé , le débat. Il suffit de convoquer les médias avides de ces nouveaux combats de gladiateurs pour aggraver la situation et il est considéré comme une trahison le seul fait de vouloir expliquer.

La discussion passe pour de la faiblesse. L’explication devient une roublardise. La concertation ne peut exister que si elle donne raison à l’autre. La simplification devient un stratégie d’argumentation. La concession permanente à la facilité renforce l’inutilité du raisonnement. L’intérêt général s’efface devant l’individualisme forcené. La négociation est interprétée comme de la traîtrise. La présence comme un signe d’allégeance. Les procureurs sont plus nombreux que les avocats !

La force d’un vrai démocrate s’est d’admettre la critique, de l’écouter et dans tirer les éléments d’amendements possibles de ses propres certitudes. On en prend pas le chemin… les tweets, les posts, les courriers, les propos exagérés tiennent lieu de démonstrations fondatrices d’une vérité se prétendant incontestable.

« Expliquer pour convaincre » est plus qu’une formule ce doit être le sens d’une vie politique à laquelle je souscris résolument. Les municipales sont pour l’instant d’une pauvreté affligeante.

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