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Paris gagnant (3) : les apparences et le pouvoir

Les Ministères, lieux fermés sur le monde extérieur d’où l’on ne sort qu’en convoi sécurisé pour aller d’un lieu de pouvoir à un autre ne sont accessibles qu’au compte-goutte à celles et ceux qui porteraient le virus de la différence. Ces prisons « dorées » à l’ancienne pour élu.e.s ou représentant.e.s de la société dite civile illustrent parfaitement les travers de la démocratie représentative actuelle.

Cernés par des « cabinets » qui font et défont les projets ou les prises de position, les personnes qui y symbolisent la gouvernance du pays ne peuvent pas se permettre le moindre écart. Elles craignent souvent par-dessus tout justement que les porteur.teuse.s d’idées nouvelles ou de contestations justifiées n’arrivent jusqu’à elles.

Ce qui fait qu’être admis.e à une tête à tête ou en délégation avec un Ministre dans son bureau relève de l’exploit. Les filtres préalables sont tels que obtenir ce privilège relève de l’exceptionnel.

« Emploi du temps très compliqué » ; « surcharge de travail » ; « pas de sa compétence directe » ; « nécessité de voir d’abord le.la chargé.e de mission » ; « délégation à un.e collaboratrice » ; « malgré l’intérêt de votre démarche… » : les formules sont déjà prêtes afin que tout devienne impossible. Alors quand ça arrive, qu’un créneau de quelques minutes se dégage ; que l’ouverture existe il vaut mieux la saisir sans se faire trop d’illusions sur le sujet.

Chaque Ministère à son charme désuet ou son modernisme flamboyant. On va en effet de la décoration difficilement entretenue des siècles passés au design le plus contemporain. C’est à Bercy que l’on trouve au creux d’une forteresse moderne très difficile à pénétrer les bureaux ministériels dégagent un lieu très fort avec le sentiment de son occupant d’être un PDG du CAC 40.

Art contemporain au mur ; mobilier dernier cri ; bureaux vastes plaçant les visiteur.se.s à distance respectable ; dimensions de la pièce similaire à une salle des fêtes de petit village ; larges baies vitrées au dernier étage donnant sur Paris : impossible de ne pas ressentir que le vrai pouvoir est en ce lieu et que l’on vous accorde un sésame exceptionnel pour y entrer.

Cette île préservée d’un monde réputé dangereux est réservé aux fidèles, aux connaisseurs, à celles et ceux qui peuvent comprendre. On y « élève » les gens qui compteront dans tous les sens du verbe ! Se retrouver face au secrétaire d’Etat à l’Industrie relevait de l’exploit !

Tout était bien différent dans les autres ministères où je suis allé pour des rencontres avec Michelle Demessine, Delphine Bato, Nathalie Kosiusko-Morizet, Valérie Létard, Chantal Jouanno, Frédéric Cuvillier, David Douillet, Valérie Fourneyron. Il n’y avait pas loin sans faut le même apparat. Des bureaux moins ostentatoires avec cependant des décors dorés d’une autre époque.

Le dialogue n’était pas forcément plus constructif car le cadre n’a rien à voir avec les principes qui régissent le fonctionnement gouvernemental. On écoute poliment

Pour sortir gagnant et pas seulement avec des promesses du genre «  je vais demander que l’on regarde ça de près.. » il faut soit être très proche de ses interlocuteurs soit être particulièrement convaincant. D’ailleurs comme tout revient à Bercy il est impossible d’obtenir une certitude.

Lors des tables rondes, des rencontres collectives institutionnelles, les vieux de la vieille rompus à l’exercice savaient avant même que la réunions e déroule quel sort serait réservé à la concertation. Derrière les chevalets se positionnaient les invités et si la chaise du Ministère de l’Économie et des Finances était vide, les augures prétendaient que l’issue de la concertation étai scellée ! On brassait du vent ministériel….et pas de la réalité politique ! Des annonces sans suite…

Un jour les hasards de la vie publique ont fait que j’ai été sondé pour un éventuel poste… Philippe Madrelle consulté m’avait répondu : «  tu sais ce n’est que des soucis car tu n’auras aucune liberté d’action réelle. C’est intéressant que si tu disposes d’un budget autonome conséquent. Le titre n’a aucune importance  et ne vaut riens ans les moyens! » Une analyse sage et lucide. Il en savait quelque chose.

Certes il y a la carte de visite et le bureau qui va avec ! Mais est-ce suffisant pour compenser la frustration de ne pas construire ou agir au quotidien ? J’en doute vraiment. Les « prisons » dorées ne sont pas forcément les plus attirantes ou les plus valorisantes. Le pouvoir parisien n’est pas où on le croît ou on le pense… Mais chut il ne faut le dire à celles et ceux qui rêvent de maroquins !

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