Sur le sable le pavé de la mort !

La plage de Contis, sur la côte landaise, a bien du plaisir, en ce week-end de Pentecôte, de se réchauffer sous un soleil enfin au rendez-vous. Certes, ce n’est pas encore la foule estivale, mais on sent bien que tout se met en place. Les terrasses ont fini d’essuyer les larmes d’un printemps gris et démoralisant. Elles ne connaissent pourtant pas l’affluence oppressante des journées glorieuses des tiroirs caisses. On débute juste entre initiés, entre amis, en famille, cette saison où l’on viendra sur le sable et dans les vagues se persuader que le bonheur peut être dans l’Océan. La longue plage qui descend de la dune vers les ourlets de ces flux contradictoires, violents, poussés par un vent que veulent affronter de drôles de pantins noirs grimpés sur des fétus colorés dérisoires. Tout ici respire le plaisir retrouvé, et des bouquets plus ou moins dénudés sont éparpillés sur cet espace rendu immaculé par un soleil vigoureux. Les enfants courent, aussi libres que l’air, et les adultes tentent d’anticiper sur le bronzage qui sied sur le lieu de travail ou dans les manifestations du paraître. Contis se rôde à son rôle de cité des vacances familiales et à son image de carte postale de station balnéaire, sur ce ruban interminable des rivages aquitains.

Tout à coup, la bourgade totalement artificielle, majoritairement en bois, et aux allures de far west moderne, se fige. Les klaxons alarmistes des sapeurs-pompiers percent l’air, s’arrêtant au pied du chemin artificiel conduisant vers l’Océan. Des terrasses où l’on attaque des glaces et où l’on finit les magrets saignants, on jette un œil distrait sur cette intrusion dans un paysage jusque là idyllique et pacifique. Les secouristes filent de l’autre côté de la dune, traversent la plage en courant dans le sable blanc, sans provoquer d’agitation particulière. Quand arrive, plus tard, le véhicule bleu des gendarmes, la surprise est passée. Les habitués ont compris et ne bronchent pas : l’océan a dérobé un imprudent, pas encore rompu aux traîtrises des courants de baïnes. Rien ne bouge… Le drame n’affole personne, comme si « alerte à Malibu » avait formé les esprits à ces sauvetages « ordinaires ». On continue à bronzer en passant du côté pile au côté face vers le soleil, de telle manière que l’on puisse profiter du spectacle. Intervention des femmes et des hommes « blancs » du SMUR appelés en renfort. Le bourdonnement lointain d’un hélicoptère force les gamins à lever les yeux au ciel et donne une dimension supplémentaire à la scène… sans véritablement modifier les occupations des centaines de présents.

Le sauvetage va mobiliser tout ce que la société compte comme acteurs de la solidarité. Sapeurs-pompiers volontaires, médecins, personnel hospitalier, tentent par tous les moyens dont ils disposent de redonner vie à un corps allongé sur la plage. Leurs efforts n’échappent pas à l’usure du temps… et sans que rien ne change vraiment dans le paysage de la plage, la mort a fait son entrée sur un espace de plaisir, de jeu et de détente. Elle est là, au centre d’un groupe simplement incongru sur cette plage. Cette proximité entre le drame de la mort brutale et la joie de vivre durablement reste révélatrice d’une société égoïste. Les spécialistes du SMUR se relèvent et replient leurs équipements. Les sauveteurs se rhabillent. Les gendarmes tournent autour de la victime couverte d’un linceul standard. Sa mort accidentelle va plonger quelque part une famille dans la stupeur et le désespoir. Partout autour, selon un principe bien connu, « la vie continue », même s’il n’y a plus grand monde dans l’eau froide. L’océan a lâché sa proie anonyme et donc déjà oubliée par tous, et poursuit son œuvre en multipliant ses rouleaux bordés d’une écume blanche, lui aussi totalement indifférent à ce qu’il vient de provoquer. Dans quelques heures, tout sera oublié. Dans la ville, là haut, les terrasses se garnissent car un vent frisquet s’est levé. Les véhicules repartent en silence et sans soulever de curiosité particulière. En ce dimanche de pentecôte, le sablier blanc du temps a été rompu ! Demain, l’événement ne fera que quelques lignes dans la presse et même pas une seconde dans les autres médias. La mort « ordinaire » se banalise, tant elle est présente sur les écrans et dans toute l’actualité. Une noyade sur une splendide plage landaise ne relève plus de l’exceptionnel… et d’ailleurs, lentement, la marée montante effacera sur le sable ce qui pouvait encore inquiéter.

Depuis le belvédère installé sur la dune, il ne reste, pour le témoin assidu, qu’un duo de gendarmes contraints de gérer la suite, téléphone mobile à l’oreille. Ils rechercheront les causes d’un fait qualifié de « divers ». Le soleil attendra pour se cacher derrière l’horizon que son heure soit venue. Mais lui, demain, il sera de nouveau au rendez-vous ! je tourne les talons pour revenir seul à ce monde qui ne veut surtout pas qu’on le perturbe dans sa quête insatiable du plaisir.

Cet article a 2 commentaires

  1. leeloo

    Bonsoir.
    Nous étions à la plage lors de l accident. On à vu les pompiers s agiter et venir à la plage, on était sur saint julien près de la caserne. Puis arrivés sur le sable on à vu le déroulement des secours.
    Triste week end pour cette personne.

  2. Alain

    C’est Olivier Moniteur de surf chez Max Respect qui a sorti l’homme, déjà trop tard. Alcool + soleil et baignade, méconnaissance du milieu et voila, triste dimanche mais la vie continue.
    Alors on a fait notre cours de surf en précisant aux jeunes du club que les surfeurs sont des sauveteurs potentiels (surtout en hors-saison) . Qu’il faut savoir respecter et observer l’environnent pour s’y amuser en sécurité.

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