Bayrou, le bien éduqué, promet tout ce qu'il n'a jamais fait !

L’un des principes de la politique moderne se résume de la manière suivante : « faites moi confiance, je vais faire dans l’avenir tout ce que je n’ai pas fait dans le passé, ou le contraire de ce que j’ai pu faire ! ». C’est surtout valable pour de nombreux élus UMP qui dénoncent en privé les mesures prises avec leur accord par des Ministres obéissant au doigt et à l’œil à leur mentor élyséen. Il paraît même que ce dernier va publier un livre (écrit de sa main ?) pour une confession publique similaire à celle que l’on a exigée à l’époque chinoise de la révolution culturelle. Il en est un qui n’a pas d’états d’âme, puisqu’il explique doctement ce qu’il prône pour le système éducatif en 2012 oubliant, mais c’est probablement un hasard, qu’il a eu l’opportunité de le mettre en œuvre mais qu’il ne l’a jamais même proposé…
En 1993, il fut en effet nommé ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement de cohabitation d’Édouard Balladur. Parmi ses propositions fortes, il initie une réforme de la loi Falloux, qui aurait déplafonné la possibilité, pour les collectivités locales, de subventionner les investissements des établissements d’enseignement privé. C’est sa « grande » réforme pour soutenir le système… public d’éducation que maintenant il veut sauver de ses petits bras musclés, alors qu’il a été l’ardent défenseur de la privatisation de l’école, selon les vœux les plus chers des forces les plus réactionnaires de droite ! C’est vrai qu’il a dû rebrousser chemin, à contre cœur, puisque le 24 janvier 1994, près d’un million de manifestants s’en prennent à ce projet, pour défendre l’école laïque. La méthode de François Bayrou fut alors vivement critiquée à droite comme à gauche car il a été accusé de vouloir « réformer à la hussarde ». Finalement, le Conseil Constitutionnel rejette le projet de François Bayrou… ce qu’il vient totalement d’oublier dans ses mirifiques propositions présidentielles. Il gomme ce pan entier de son idéologie qui avait au moins le mérite d’être plus direct, plus clair et moins obscur et détourné que celle mise en œuvre par ses successeurs !
Il continua dans le premier gouvernement d’Alain Juppé (il l’a toujours soutenu en Gironde en faisant en sorte que le Modem sauve des lambeaux de l’UMP !) avec un portefeuille élargi à l’enseignement supérieur, à la recherche et à la formation professionnelle. Il perd la responsabilité de la Formation professionnelle dans le deuxième gouvernement Juppé, mais reste à l’Éducation nationale jusqu’à la dissolution de 1997. Pourquoi n’a-t-il pas réalisé tout ce qu’il propose maintenant ? Dommage qu’un ministre ne découvre la vérité que quand il est en campagne électorale, et une fois éloigné du pouvoir !
Durant son ministère, François Bayrou dirige une réflexion approfondie sur la condition des professeurs et des élèves, qui n’a eu aucune suite concrète. Il conduit une réforme du collège, réforme les études supérieures (semestrialisation des études, semestre d’orientation en première année, création d’universités de professionnalisation technologique), met en place le baccalauréat actuel (filières S, ES, L, STT, STL et STI), introduit les langues vivantes à l’école primaire… sans les moyens pour les appliquer. Autant de « réformes » qui n’ont eu aucun impact réel sur un système, déjà miné par les coupes budgétaires !
François Bayrou, dans ce ministère, à côté de sa réforme avortée en faveur de l’enseignement privé, a surtout joué les « faux-culs bénis » avec sa méthode de réforme prudente et concertée avec les organisations syndicales, dont notamment celles proches actuellement du front de Gauche. Roger Fauroux disait que François Bayrou gouvernait « avec le sondoscope en bandoulière ». Et c’est encore plus vrai maintenant !
Il a en effet présenté ses propositions pour l’éducation, troisième priorité de sa campagne, se posant en défenseur des… enseignants contre la « démagogie » de ses concurrents.
« Nous avons l’intention d’installer le verbe « instruire » au cœur de la campagne électorale, comme nous avons installé le verbe « produire » », a proclamé le candidat du centre… réalisant ainsi un curieux amalgame, conforté par un autre syllogisme : « Ces deux verbes sont intimement liés » car « il n’y a pas de « réarmement » productif du pays si, en même temps, il n’y pas un « réarmement » éducatif. L’un soutient l’autre ». Production ? Armée ? Education ? Voici le nouveau triptyque de la république selon Bayrou ! Il avait notamment annoncé le gel des dépenses de l’État pendant deux ans, il fera une exception pour l’Éducation dont il maintiendra « les moyens existants »… après que l’UMP l’ait ravagée !
« Ceux qui mettent en accusation » les enseignants « , disant qu’ils ne travaillent pas assez, ne tiendraient pas deux heures en face d’une classe de collège », a-t-il lancé, en se disant opposé à la remise en cause du décret de 1950 qui définit leur statut. Dans la même veine, il a également dénoncé « l’idéologie dangereuse » de ceux qui prétendent changer le comportement des enseignants par « la carotte financière ».
Contre la « réformite » que, bien entendu, il n’a jamais pratiquée, l’ex-ministre de l’Éducation a opposé « un plan de progrès continu à long terme ». Parmi ses autres propositions figurent une révision des rythmes scolaires avec pas plus d’une trentaine d’heures par semaine, devoirs compris, et la création d’un baccalauréat d’excellence, à la fois littéraire et scientifique. Enfin, il fera tout ce qu’il n’a pas su faire, et croyez-le sur parole, il ne reviendra pas sur la Loi Falloux, croix de bois, croix de fer, si je meurs je vais… à l’Élysée !

Cet article a 5 commentaires

  1. FrédéricLN

    « Il conduit une réforme du collège, réforme les études supérieures (semestrialisation des études, semestre d’orientation en première année, création d’universités de professionnalisation technologique), met en place le baccalauréat actuel (filières S, ES, L, STT, STL et STI), introduit les langues vivantes à l’école primaire »

    Contrairement à beaucoup de militants de gauche comme de droite, vous avez le mérite de vous souvenir de ce que F. Bayrou a réalisé en 4 ans rue de Grenelle, bravo ! Ma foi, si les 5 prochaines années apportent autant, le niveau de notre école reviendra peut-être à ce qu’il était dans ces années 93-97 ?

  2. FrédéricLN

    Bon, en me relisant « le niveau de notre école reviendra peut-être à ce qu’il était dans ces années 93-97 », j’espère que les élèves de 2017 feront des phrases mieux construites 😉

  3. Nadine Bompart

    Ne pas oublier que Bayrou est un fervent Catholique, allant à la messe tous les dimanches dans une paroisse fort proche des mouvements intégristes cathos-tradis!
    Ce n’est pas lui qui mettra en place l’article II de la Loi de 1905!!! Les autres non plus, d’ailleurs…..

  4. J.J.

    Quand je vois ce bon monsieur Bayrou nous expliquer doctement sa doctrine, je ne peux m’empêcher d’évoquer une caricature parue dans un journal syndical. Le personnage principal avait été remplacé par une caricature de monsieur Bayrou, figurant en « Tricheur à l’as de carreau » de Georges de la Tour » (splendide tableau que j’ai eu le plaisir de contempler « de visu » au Louvre). D’autres personnages célèbres y figuraient également, je ne me souviens que de Sa Suffisance, qui ne traînait pas encore ses casseroles pakistanaises.

    Le même journal (impertinent !), s’était même fendu d’une analyse tout à fait sérieuse et érudite du tableau, à l’usage des enseignants.
    Depuis, l’image du César béarnais du MODEM en « Tricheur à l’as de carreau » a fait son chemin.

  5. martinez

    La Besace
    Jupiter dit un jour: «Que tout ce qui respire
    S’en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur:
    Si dans son composé quelqu’un trouve à redire,
    Il peut le déclarer sans peur;
    Je mettrai remède à la chose.
    Venez, singe; parlez le premier, et pour cause.
    Voyez ces animaux, faites comparaison
    De leurs beautés avec les vôtres.
    Etes-vous satisfait? – Moi? dit-il; pourquoi non?
    N’ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres?
    Mon portrait jusqu’ici ne m’a rien reproché;
    Mais pour mon frère l’ours, on ne l’a qu’ébauché:
    Jamais, s’il me veut croire, il ne se fera peindre. »
    L’ours venant là-dessus, on crut qu’il s’allait plaindre.
    Tant s’en faut: de sa forme il se loua très fort;
    Glosa sur l’éléphant, dit qu’on pourrait encor
    Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles;
    Que c’était une masse informe et sans beauté.
    L’éléphant étant écouté,
    Tout sage qu’il était, dit des choses pareilles:
    Il jugea qu’à son appétit
    Dame baleine était trop grosse.
    Dame fourmi trouva le ciron trop petit,
    Se croyant, pour elle, un colosse.
    Jupin les renvoya s’étant censurés tous,
    Du reste contents d’eux.
    Mais parmi les plus fous
    Notre espèce excella; car tout ce que nous sommes,
    Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous,
    Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes:
    On se voit d’un autre oeil qu’on ne voit son prochain.
    Le fabricateur souverain
    Nous créa besaciers tous de même manière,
    Tant ceux du temps passé que du temps d’aujourd’hui:
    Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
    Et celle de devant pour les défauts d’autrui.
    J .deLaFontaine

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