"Cahuzac m'a vraiment… tuer ! "

S’il y a parfois de courts instants où je regrette d’avoir annoncé mon retrait progressif de la vie publique, je pense sincèrement que désormais je balaierai très vite les doutes qui m’assaillent sur le bien-fondé de ma décision. Celles et ceux qui vont mener des combats sur leur territoire au nom de certaines valeurs réputées de gauche auront bien du courage et plus largement, quelle que soit la couleur de l’étiquette, j’ai le regret de les informer que la « politique » est moribonde. C’est un véritable attentat suicide qu’a en effet réalisé Jérôme Cahuzac en avouant qu’il a triché depuis des années et plus encore, en ayant nié l’évidence, il a ouvert un boulevard à tous les populismes. C’est de la haute trahison qui mérite un bannissement définitif des responsabilités, car les dégâts seront considérables dans les rangs de celles et ceux qui ont cru en sa droiture. Les aveux qu’il a faits aujourd’hui à deux magistrats du pôle financier détruisent des pans entiers de la forteresse républicaine assiégée de toute part. La brèche ouverte dans la maigre confiance encore faite aux socialistes, dont je suis, restera une plaie béante qui mettra des lustres à cicatriser. Il sera quasiment impossible, dans une période où les matériaux de la vérité manquent, de restaurer un zeste de crédibilité chez les élus de tous niveaux !
Jérôme Cahuzac s’est sciemment moqué du Président de la République qui n’avait vraiment pas besoin de ça…Il entraîne dans sa chute la cordée gouvernementale, les députés PS, les gens qui comme moi avaient encore conservé un espoir que les faits démentent ce qui paraissait incroyable.
Il leur a menti, il m’a menti, lorsqu’il a  solennellement assuré, en décembre, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale : « Je n’ai jamais eu un compte à l’étranger, ni maintenant ni avant. » Comment désormais croire en la sincérité du moindre politicien ? Déjà qu’il est très ardu de persuader que derrière ses actes il y a une scrupuleuse volonté de respecter ses engagements et sa parole, la cause est devenue insurmontable. Je lirai dans tous les regards une lueur d’incrédulité, un brin de suspicion et une larme de moquerie… Comme j’avais toujours la détestable impression d’être un suspect en puissance, je vire inexorablement au coupable potentiel. Vivement que je quitte la scène des guignols incrédules, pour fuir ce théâtre des apparences. En reconnaissant l’existence d’un compte à l’étranger d’un montant de 600 000 euros, qu’il dit ne pas avoir alimenté depuis « une douzaine d’années », il a assassiné des milliers de gens honnêtes, n’ayant rien à se reprocher sauf à avoir accepté de boire un coup avec l’un ou avec l’autre. Qu’il demande « pardon » pour le « dommage causé » et qu’il se déclare « dévasté par le remords » ne change pas la donne ! Le crime profitera à celles et ceux, narquois, tapis dans l’ombre brune du populisme, qui vont attendre discrètement leur heure !
Chargé, dans le gouvernement Ayrault, de traquer les fraudeurs, il reconnaît qu’il a lui même fraudé le fisc. Et non seulement fraudé, mais pire, il a menti à tous les élus de la République en les regardant en face ! François Hollande a été encore une fois victime du fameux principe que j’ai décliné dans mon annonce de départ : « gardez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ! » Annonciateur de « la République irréprochable », le président de la République a agi avant même la mise en examen de Jérôme Cahuzac. Il lui a appliqué, lors de l’ouverture de l’information judiciaire, un protocole qui vaut pour tous les membres de son gouvernement : « Tout ministre concerné par une procédure judiciaire doit quitter le gouvernement. » Certes, mais le mal est là… et le vaccin préalable n’empêchera pas l’épidémie de populisme de se répandre comme une marée noire !
François Hollande, son gouvernement, les élus de gauche, ont « fait confiance à la parole » de Jérôme Cahuzac, qui était reconnu sur tous les bancs comme un « bon ministre » qui leur paraissait probablement convaincant dans ses dénégations. Ils lui ont, jusqu’au bout, accordé le bénéfice de la présomption d’innocence, dont souvent des gens plus humbles ne profitent pas. Ils l’ont épargné, alors qu’à la base, l’indulgence n’existe pas. Le plus brillant d’entre eux (rappelez vous de la personne à qui ont attribuait ce qualificatif et ce qu’il a fait!) ne pouvait pas se fourvoyer dans le mensonge. On sait qu’il avait du courage et de la verve. Il aurait simplement pu assumer ce qui n’était alors qu’une erreur quand, désormais, c’est une faute grave et même un crime contre la Gauche. En fait, j’écris ce soir sur le mur de mes convictions « Cahuzac m’a tuer ! » Vivement la retraite !

Cet article a 14 commentaires

  1. suzanne marvin

    ce n’est pas un crime contre seulement la gauche……c’est un crime contre la RéPUBLIQUE ET LA Démocratie……je plains les élus honnêtes ……..il faudra bien une unité nationnale pour barrer la route des extrêmes de droite et de gauche…….

  2. Marae

    … »Le crime profitera à celles et ceux, narquois, tapis dans l’ombre brune du populisme, »
    Pourquoi une fois encore maltraité le « populisme »?
    Faisant parti du Peuple, simple citoyen de notre République, je n’ai pas besoin que « leçon me soit faite » par qui que ce soit pour me faire une idée – surtout dans le conteste actuel de la fabrique et circulation de l' »Information »!
    Je suis persuadé que notre système de représentation, notre « Démocratie », est pervertie; et pas uniquement par celles et ceux qui en sont les représentant_e_s : il est temps, grand temps de dépoussiérer ce dinosaure… et de donner au Peuple les moyens réels de décider de ce qu’il veut!

  3. Bonjour,
    De profundis clamavi
    J’implore ta pitié, Toi, l’unique que j’aime,
    Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.
    C’est un univers morne à l’horizon plombé,
    Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème;

    Charles Baudelaire – Les Fleurs du Mal

    Voila l’état d’esprit de Cahuzac et aussi celui de tous les républicains qui chérissent la démocratie.
    La crise est profonde pensez « blanchiment de fraude fiscale » , « détournement et blanchiment de fonds de la sécurité sociale » et cela par celui qui était sensé combattre ces délits. Et la question supplémentaire, comment les plus hauts sommets de l’état pouvaient ignorer ce que les journalistes écrivaient ?

    Au bout de sept mois de siège, si l’on en croit l’historien Tite-Live, les Romains rendent les armes et acceptent le tribut que leur impose Brennus, à savoir mille livres d’or. Au moment de la pesée, comme des Romains se permettent de mettre en doute la régularité de l’opération, Brennus jette sa lourde épée sur le plateau des poids et lance : «Vae victis !» («Malheur aux vaincus !»)

    Les Romains ne pipent mot mais quelque temps plus tard, ils rappellent Camille et lui octroient le titre de dictateur.

    Pour nous ce ne sera pas Camille mais Marine notre dictateur.

    En se jour de deuil, mes salutations citoyennes

  4. J.J.

    Cahuzac m’apparaît comme le « juin 1940 » de la Nation.
    A qui se fier ?
    Bien sûr, comme l’a dit le Premier Ministre, on a tous eu des doutes, mais l’on s’est dit également :
    « Ce n’est pas possible qu’un homme avec de telles responsabilités nous trahisse et nous mente !
    Car c’est non seulement aux parlementaires mais à la Nation qu’il a menti comme un vulgaire voleur de pots de confiture.

    Je pense également que les autres responsables politiques ont vu leur bonne foi trompée.
    Jusqu’au Canard, pourtant prompt à fondre sur sa proie, qui accordait le bénéfice de la présomption d’innocence à celui qui est un coupable avéré !

    Oui, c’est un jour de deuil pour tous les citoyens dignes de ce nom, tous les honnêtes gens qui se dévouent au Bien Commun, et qui se voient déshonorés et suspectés.

  5. Alain.e

    Votre analyse de la situation vous honore,et le pauvre citoyen qui va remplir sa déclaration d’ impôt qui n’ ont de cesse d’ augmenter va pouvoir méditer sur une certaine idée de la justice fiscale.
    Puis il ira voter blanc ou marine sans plus d’ hésitation.
    Apathie qui a eu des mots très dur sur médiapart va t’ il s’ excuser lui ?
    Heureusement qu’ il existe encore de vrais bons journalistes dans ce pays,qui font le boulot sans cirer les pompes.
    Le fric rend fou,ça se confirme.

  6. david

    le mensonge de Cahuzac réjouit l’UMP mais combien d’escrocs dans les rangs de l’opposition dans les 2 chambres ? Combien ont eux aussi soit des comptes dans des paradis fiscaux (mais il n’y en avait plus selon Sarkozy !), soit aidé de grosses fortunes à échapper au fisc ? l’UMP rêve de faire de la France un paradis fiscal au nom de l’idéologie selon laquelle « il ne faut pas toucher à la fortune des riches car ce sont eux qui créent l’emploi, eux qui tirent l’économie vers le haut ». Et que ça profitera au reste du peuple. Théorie du ruissellement qui s’est révélée fausse bien sûr. Il faut l’entendre le clown populiste Copé qui parade. Lui qui n’a jamais aucune éthique de justice sociale et qui ignore l’indécente différence entre nantis et pauvres.

  7. SANZ

    Avec tout le respect que je vous dois, en votre double qualité de citoyen et d’élu, je dois vous dire qu’aujourd’hui votre « Roue libre – Cahuzac m’a vraiment tué » finit par me mettre en colère.

    Croyez-vous vraiment qu’il suffirait que je vous regarde droit dans les yeux et que vous me disiez ce que vous voulez et qui plus est ce que je voudrais entendre qui me conduirait à vous dire « oui, j’ai confiance en vous ? » Autrement dit, oui, je vous crois, oui vous ne me mentez pas ».

    Sincèrement ? Si c’est le cas, permettez-moi de penser ouvertement que j’aurais le sentiment que vous me preniez pour une imbécile (et la courtoisie élémentaire dont j’essaie de faire preuve ici m’empêche d’user de grossièreté mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque).

    Je reste pourtant persuadée qu’avec moi, vous partagez l’idée que la politique, ce n’est pas du copinage. C’est peut-être aller boire un coup mais ce n’est certainement pas que ça. Mais les coachs et autres experts du social, du relationnel ont su ces dernières années faire passer les messages de convivialité, voire de familiarité, qui favorisent… quoi d’abord ? Je vous le demande ? Certainement pas la politique, c’est-à-dire ce cadre décisionnel qui autorise et qui aussi limite et plus précisément délimite les pouvoirs comme les intérêts divergents.

    Car ne vous en déplaise, cet homme qui vient enfin d’avouer, a eu la complaisance d’une administration, c’est-à-dire ces anonymes qui pour les uns tentent de faire connaître la légitimité de leurs fonctions et pour les autres qui acceptent ou ont seulement à fermer les yeux pour un laisser-faire honteux et inadmissible, au vu et au su de tous bien souvent. Et où sont ceux qui ont la responsabilité devant le peuple, par leur mandat, de soutenir les premiers face aux autres ?
    Et surtout, que peuvent-ils faire ? Que doivent-ils faire ?

    Vivement la retraite dîtes-vous ? Quelle chance ! La mienne est loin et si, en plus, je parviens à en avoir une. Mais ici n’est pas la question. Les agents qui restent dans ces administrations ont besoin de gens comme vous, de votre savoir-faire, de votre probité, de votre capacité à travailler, et certainement pas que vous leur appreniez à regarder dans les yeux les personnes à qui elles voudraient pouvoir avoir confiance.

    Personnellement, la confiance ne se donne pas. Elle s’acquiert. Elle ne s’achète pas non plus. Elle est le fruit d’un résultat. Il peut y avoir des baisses de confiance, des doutes, des craintes de la perdre. La confiance, cela s’éprouve et à chaque fois, elle doit s’en trouver grandie lorsqu’elle revient pleine et entière. Médiapart a ma confiance. Jusqu’à aujourd’hui, ici et maintenant. Et c’est leur travail qui asseoit la légitimité de mon sentiment et me donne raison. Et certainement pas parce que j’ai regardé dans les yeux M. Edwy Plenel.

    Pour tenter de conclure, n’oubliez pas les moins vieux que vous. Et j’émets le vœu que la retraite vous offre un temps pour travailler autrement, en rejoignant notamment celles et ceux qui cherchent encore et toujours à concourir au Bien commun.

    Bien cordialement

    Noëlle SANZ

  8. Cubitus

    Sauf à être particulièrement naïf, il faut bien admettre que l’affaire Cahuzac n’est que la partie émergée d’un iceberg qui gangrène la République depuis des dizaines d’années. Aurait on déjà oublié la Garantie Foncière et l’avoir fiscal (affaire Chaban) sous Pompidou, les diamants de Bokassa, les chalandonnettes et les avions renifleurs sous Giscard, les délits d’initiés et le Carrefour du Développement sous Mitterrand, le scandale Elf, les frégates de Taïwan, les emplois fictifs, l’affaire Karachi et les ventes d’armes à l’Angola sous Chirac. Sarkozy avait été plus malin, il avait tout préventivement verrouillé mais peu à peu ça commence à sortir : Tapie, Chantilly, Bettencourt, Takiedine, Kadhafi etc.

    Oui, notre monde politique est pourri, gangrené par la corruption, les trafics d’influence, les pots de vins. En 40 ans de fonction publique dans des services « sensibles », vous n’avez aucune idée de ce que j’ai vu personnellement passer comme abus, enrobés bien évidemment d’une superbe légalité. Bel emballage cadeau, mais l’intérieur sentait particulièrement mauvais.

    Je suis pourtant un peu plus jeune que vous, Monsieur Darmian, mais il y a longtemps que je ne me berce plus d’illusions sur ceux qui nous gouvernent. Certains sont, certes, honnêtes et intègres mais dans cet univers, dans cette jungle devrais je dire, la probité devient une valeur de plus en plus rare.

    Mais quels que soient les évènements et les circonstances, je n’irai jamais donner ma voix à la fille du borgne : entre deux maux il faut savoir choisir le moindre et je préfère encore la gangrène à la peste (brune de surcroit) et à ceux qui lui font les yeux doux.

  9. jluc tissier

    il faut être un peu naif pour faire rentrer dans un gouvernenment un médecin spécialisé dans la chirurgie plastique!!!mais il faut être stupide pour ne pas savoir le montant de leurs revenus astronomiques et tout ce qu’ils se mettent à gauche(pardon dans les fouilles??c’est pas beau non plus) Donc des revenus « non imposables » C’est je crois de notoriété publique…

  10. jluc tissier

    600 000 euros! sur son compte? c’est un montant ridicule pour un chirurgien esthétique renomé qui possède sa clinique. Décidement Jérôme fait exprès de prendre les gens pour des imbéciles et s’arrange pour ne pas payer trop d’impôt.
    l’évasion fiscale représente 600 milliards?
    soit combien de fraudeurs.
    si chacun annonce 600 000 euros….y a en trop.

  11. Claude Andrée

    Ce qui m’étonne le plus moi ce n’est pas que Cahuzac soit un délinquant fiscal au vu de sa carrière de chirurgien friqué et de ses accointances avec les laboratoires pharmaceutiques et les milieux d’affaires, sans compter sa proximité avec le clan DSK, non ce qui m’étonne c’est que tant de gens au PS ait pu le trouver tellement compétent !
    Alors que franchement ce n’était qu’un clone arrogant de ces dirigeants européens ultralibéraux si prompts à imposer des cures d’austérité à leurs peuple et si doux avec les milieux financiers.
    Un membre bien typique de l’oligarchie quoi, dont le seul niveau de compétence se situe au niveau de leur enrichissement personnel (ce en quoi ils réussissent parfaitement, on peut le dire, tout en appauvrissant le reste de leurs compatriotes et en foutant en l’air l’économie de leurs pays).

  12. cussac

    Comment croire MOSCOVICI qui attend le 24 fjanvier pour demander des infos à la suisse avec une réponse qui blanchit CAHUZAC le 31 du même mois ? Je préfère l’argent assumé du FOUQUET aux comportements aussi exécrables avérés des politiques quel que soit leur bord. Dans l’affaire présente qui peut croire que le Président Hollande, le 1er Ministre et nombre de ministres pouvaient ignorer ce compte mis sur la place publique dès le 4 décembre….. et la série continue des atteintes à la morale publique : AUGIER….. qui sera le suivant … Comment accepter les privilèges exorbitants de tant de notables qui ont le pouvoir de bien se servir eux même sans souci… le contribuable vache à, lait sera toujours pressé pour subvenir à leurs besoins.. Quel écoeurement et comment ne pas comprendre la montée des extrêmes de tous bords.. ».L’homme est bon, la société le corrompt » Il n’y a pas de solution, même une révolution ne vaut qu’un temps.. Les électeurs ont ce qu’ils méritent. Est à dire qu’on ne peut plus élire des des hommes ou femmes probes ayant le sens de l’Etat comme le Général DE GAULLE ou le Président POMPIDOU j’espère que non.

  13. partageux

    Bonsoir,

    Tu annonces un retrait de la mairie. Je suis parti du PS. Très en colère. Je t’invite à venir lire au moins mes trois derniers posts. http://partageux.blogspot.com

    Il y a peu j’ai écrit Soci@list™ Inc, une petite pochade sur la langue de bois. Ben j’étais encore beaucoup trop gentil. J’ai reçu hier la prose d’Harlem Désir. C’est consternant. À croire qu’Harlem Désir est payé pour rameuter vers le FN. Sur un compte aux îles Caïman peut-être ?

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