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Commémorer le programme de la vraie libération du peuple !

Dans de nombreuses villes de France dont Créon la libération est intervenue il y a 70 ans avec le départ pur et simple des militaires allemands. Ils ne quitteront Bordeaux vraiment que le 29 août ! Il n’existe plus beaucoup de témoins de leur départ car même celles et ceux qui restent ont beaucoup de mal à raconter les « reliquats » d’une occupation n’ayant pas été aussi glorieuse pour le village que l’histoire le conte. Il y avait eu une rue du Maréchal Pétain par exemple à Créon et une fameuse fête de la terre dont peu de monde souhaite parler.
La libération eut ses moments de liesse mais aussi ses règlements de comptes sur lesquels on a mis le boisseau. A Créon comme ailleurs…il y eut des mesures justes mais aussi des drames inutiles provoqués par les haines personnelles. Rares, très rares sont les témoins qui osent raconter ces heures particulières où l’héroïsme côtoya la lâcheté. Il arriva que des censeurs soient d’autant plus sévères qu’ils masquaient ainsi le caractère très récent de leur volonté de résister.
En fait durant cette période glorieuse pour les uns et parfois très médiocre pour les autres, on oublia le formidable travail qui avait été fait par le Conseil national de la Résistance. D’ailleurs cet organisme passa totalement inaperçu dès que Paris fut reconquis et son fameux « programme » envoyé aux oubliettes durant plusieurs mois. Il serait bon en ces temps de commémoration des 70 ans de la libération matérielle du pays que l’on parle aussi de la libération politique qui avait été préparée dans la clandestinité. Ce serait très douloureux pour le microcosme politique actuel en ébullition depuis ce matin mais tellement rafraîchissant pour le moral de celles et ceux qui se battent en faveur d’une autre société que celle du profit.
Il faut bien que quelque part, malgré toutes ses imperfections, le programme du CNR accompagne toutes les célébrations se contentant de planifier des dépôts de gerbes devant des monuments aux morts militaires des guerres et oubliant la politique qui résulta de cette œuvre.
Quand on reprend le texte ayant été voulu en 1943 dans un appartement parisien sous la présidence de Jean Moulin on se dit que la Libération des femmes et des hommes est à nouveau à faire. A lire absolument :
« Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ce but qui est la Libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération (…) afin d’assurer :
l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
le respect de la personne humaine ;
l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;
afin de promouvoir les réformes indispensables :
Sur le plan économique :
l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.
b) Sur le plan social :
le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.
c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.
d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.
Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation (…)
Il faudrait une édition massive de ce texte fondateur de la République afin qu’il soit distribué lors de toutes les commémorations. 70 ans plus tard que reste-t-il de ces intentions fortes, sincères, humanistes ? Devons nous être fiers du chemin parcouru ? Pourquoi ne pas célébrer l’adoption de ce programme plutôt que des dates d’événements très différents ? Retenons que le 15 mars dernier il y a eu 70 ans que des syndicalistes, des politiques ont construit la 6° République que l’on nous promet et que ce sont eux qui avaient fait la vraie libération !

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Beau programme et bel espoir, mais il n’y a pas que dans la résistance qu’il y a des saboteurs.

    Je me souviens assez bien, malgré mon jeune âge à l’époque, de la libération de ma ville, en effet, je me suis trouvé pendant un moment entre la queue d’un convoi de la Wehrmacht et une unité de FTP qui faisait des cartons sur la colonne….

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