Fabius ne peut que parer au plus pressé

Il est une expression qui doit être bannie des propositions de cette période estivale : « vous boirez bien un canon avant de partir ?» Elle est pourtant bien répandu dans le langage campagnard où on ajoute aussi parfois : « Allez un petit dernier pour la route ! ». En fait cette invitation à lever le coude masque mal le fait que la « canon », mesure de capacité viticole, a été dépassée par le bruit de celui qui tonne partout dans le monde. Aucun des conflits en cours n’est vraiment réglé et l’actualité passe de l’un à l’autre selon le nombre de morts. Alors que la France célèbre le sacrifice de millions des siens lors de deux terribles guerres elle se démène pour que l’histoire ne bégaie pas au cœur de l’Afrique, en Ukraine, dans la bande de Gaza, en Irak. Rien ne semble y faire.
Laurent Fabius, seul véritable homme d’Etat que possède actuellement la Gauche, va d’un lieu à l’autre comme un médecin des urgences tentant de juguler des hémorragies multiples. Dénigré par les uns, accablé par les autres, selon la coutume française consistant à ne voir dans les actes des politiques que ce qui arrange son camp ou ses ambitions, il poursuit son chemin en tentant de rester sur des valeurs intangibles de la France. Pas facile dans le contexte actuel où le pouvoir présidentiel français est affaibli et plombé par des erreurs monumentales en matière de politique étrangère sous le gouvernement Fillon (Libye notamment et relations avec Bush et Poutine). Comme dans tous les domaines il est indispensable de déminer et surtout de ne pas s’avancer sur des solutions impossibles ensuite à mettre en œuvre au risque de perdre toute crédibilité.
Au Mali et en Centrafrique, rien n’est définitivement réglé. Un attentat meurtrier a tué 2 soldats burkinabés et de cinq blessés à la suite d’un attentat à la voiture piégée. . Les islamistes, qui ont occupé le nord du Mali sont encore présents et des attentats meurtriers ont encore lieu régulièrement dans le vaste nord du Mali, où les groupes djihadistes continuent également à poser des mines. L’équilibre est fragile et face à ces groupes armés il n’y a aucune solution politique réelle car leur fanatisme les rend totalement inaptes à toute négociation. La solution militaire sur un vaste territoire reste très incertaine. Le bruit du canon ne cessera pas de sitôt.
En Centrafrique la situation semblait très légèrement stabilisée mais plus d’une trentaine de villageois ont été massacrés dans le nord. C’est une nouvelle violation sanglante du très fragile cessez-le-feu signé fin juillet dans le pays, toujours en attente d’un nouveau gouvernement. Dans ces deux situations la faiblesse des pouvoirs en place, minés par des considérations ethniques et religieuses, leur manque de moyens, ne permet pas d’espérer un rétablissement d’un Etat solide à moyen terme. On s’achemine donc vers des situations catastrophiques renforcées par l’apparition de la nouvelle « peste » des temps modernes appelée « Ebola » dont les ravages vont s’amplifier mettant à mal le Liberia déjà instable, la Guinée, la Sierra Leone et ce qui serait catastrophique l’immense Nigéria ! La crise économique raréfiant les crédits de solidarité et rendant les interventions extérieures problématiques la « peste Ebola » va finir par être plus destructrice que les canons !
En Irak, les massacres s’accélèrent car les djihadistes vont encore durcir leur fanatisme face à la réaction armée efficace des Kurdes. Ils ont massacré plus de 80 personnes, en majorité des membres de la minorité yazidie, dans le village irakien de Kocho.  Les peshmergas ont été envoyé reprendre pendant ce temps le barrage hydro-électrique de Mossoul au titre de la sauvegarde de la fourniture en énergie d’une grande part du pays. Pendant ce temps l’ONU reste selon ses tristes habitudes enlisée dans un formalisme la rendant impuissante.
Le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité sa mesure la plus concrète et la plus étendue face à l’avancée des djihadistes en Irak et en Syrie. Le texte est placé sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, ce qui permet de recourir à des sanctions, voire à la force, pour le faire appliquer mais n’autorise pas pour l’instant… d’opération militaire. La résolution réclame le désarmement et la dissolution immédiats de l’EI ainsi que du Front al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda, et des autres formations liées à al-Qaïda. Ils ont peur…et ce texte va les faire reculer !
Rien de bien nouveau en Ukraine où le danger d’une « vraie » guerre directe entre le gouvernement de ce pays et… les Russes se profile dangereusement. Un avion militaire a été abattu (un de plus) aux alentours de Donesk avec des armements livrées par Poutine. De son côté, l’armée régulière a repris aux insurgés un commissariat de police dans leur bastion de Lougansk et durant ces opérations militaires, le nombre des victimes civiles ne cesse d’augmenter dans les fiefs des insurgés, Donetsk et Lougansk, assiégés.
A Gaza le cessez le feu reste précaire car les négociations n’avancent pas. Israël aurait décidé de formellement rejeter une proposition de cessez-le-feu permanent telle qu’elle lui était soumise par l’Egypte et le Hamas refuse toute proposition de « l’occupant ». Les morts restent encore sous les décombres et la haine s’est accrue.
Laurent Fabius court après de solutions qui n’ont rien de durable. Il tente de mobiliser, de négocier, de sonner la révolte. Il s’agit surtout pour lui de parer au plus pressé dans un monde indifférent ou seulement obsédé par des intérêts nationaux voire nationalistes. Il est loin le temps de l’internationalisme triomphant.

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    « l’armée régulière a repris aux insurgés un commissariat » »

    Est-elle si régulière que d’aucuns le prétendent, cette armée ?

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