Honni soit qui Mali pense !

C’est fait : les islamistes sont partout. Ils étaient tapis dans l’ombre des banlieues, dans les caves, dans les rues… En paraphrasant les termes d’une chanson de mon chanteur préféré Serge Reggiani sur la période de l’occupation nazie, les Sarkozystes déclinennt leur refrain favori en matière de programme électoral : « les loups (islamistes) sont entrés dans Paris ! » (1) avec le soutien du FN qui se désole de ne plus être l’ennemi public et qu’on lui vole son fonds de commerce ! Des heures infernales de télévision depuis des semaines sur le même sujet, qui tourne autour de la menace terroriste portée par les extrémistes d’une religion. On la décline de toutes les façons et on alimente une psychose dont personne ne connaît véritablement les conséquences. Suivez la comparaison et allez jusqu’au bout de la chanson (1) car elle correspond à cette propagande qui se pare des oripeaux de l’information.
Je hais viscéralement tous les intégrismes, tous les extrémismes, surtout les religieux, qu’ils soient islamiques ou catholiques, judaïques ou de toutes les sectes ! Il faut sans cesse revenir à ce que réclame l’opinion dominante. Il faut la saouler de poncifs pour qu’elle perde toute raison. Alors, tout le monde s’y met ! C’est fait, Alain Juppé a rejoint les rangs des exploiteurs. Il a vite repéré le profit supplémentaire que pouvait tirer son chef abhorré de la situation au… Mali. Après l’épisode surexploité du scénario bien ficelé du tueur fou de Toulouse, dont il reste encore bien des éléments inconnus, on a créé de toutes pièces un second épisode de l’une de ces séries que Canal + récupèrera tôt ou tard. Juppé, lui, vient de relancer la notion du péril islamiste terroriste exportable. Il le découvre… alors que c’est une réalité depuis des décennies. Mais on ne lui avait jamais dit ou il ne le savait pas.
Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que la France veut mobiliser contre le « péril islamiste » au Sahel, et contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). « C’est dans cet esprit que nous avons souhaité que le Conseil de sécurité s’exprime », ajoute-t-il. « La France souhaite attirer l’attention sur le péril islamiste », fait-il valoir. Il rappelle que le groupe qui a pris le contrôle de Tombouctou « est étroitement lié à Aqmi ». Bien évidemment, les reportages vont se multiplier, les images volées vont se répandre sur les télés, et durant quelques jours on oubliera facilement les réalités de cette région d’Afrique. D’abord dans le secteur, la guerre a toujours été latente.
Il se trouve que j’ai croisé la route de Hama ag Sid Ahmed porte-parole actuel du Mouvement national de libération de l’Azawad. Ce mouvement est né de la fusion du Mouvement national de l’Azawad (MNA), un groupe de jeunes intellectuels et de militants politiques, avec les guérilleros de l’ex-Alliance Touaareg Niger Mali (ATNM) dont est issu Hma Sig Ahmed. Ces derniers constituent les fidèles d’Ibrahim Ag Bahanga, leader des rébellions touaregs de 2006 à 2009, mort dans un mystérieux accident de voiture le 26 août. A ces deux composantes fondatrices sont venus s’ajouter des groupes d’ex-rebelles touaregs qui, dans les années 1990, ont fui le Mali pour s’engager dans l’armée libyenne de Mouammar Kadhafi. Beaucoup de ces hommes ont vite déserté les armées du « Guide » libyen, durant le conflit qui l’a opposé à l’OTAN dont la France. Lourdement armés, beaucoup de ces hommes, qui ne vivent que de la guerre, ont fait la jonction avec le MNLA. C’est d’ailleurs Mohamed Ag Najim, ancien officier de l’armée libyenne, qui en est aujourd’hui le chef d’état-major.
Hama ag Sid Ahmed, l’ancien instituteur, élu parfois, rebelle toujours, était venu à Créon pour mesurer l’impact de l’autogestion sur une collectivité. J’ai discuté des heures avec lui en tête à tête. Il est allé dans une classe de l’école publique créonnaise. Il aura été et il est encore de toutes les révoltes, de tous les combats, de toutes les guerres des Touaregs.
« Nous n’avons plus rien à perdre » m’avait-il confié loin des oreilles du fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères chargé de le surveiller. « Nous sommes du pays des rares pâturages et nous ne respecterons jamais les gouvernements qui veulent nous détruire par la faim et le sous-développement. ». Nous avions accueilli ensuite 3 « maires » en formation…mais aucun ne lui arrivait à la cheville.
Il parlait un français impeccable derrière son voile bleu. « J’ai été formé en Libye et je sais pouvoir compter sur la Libye » me disait-il franchement en me fixant de son regard perçant d’homme du désert. Il était laïc, tout en respectant une vie extrêmement frugale et sobre. Il savait déjà que l’avenir serait sombre si Alger décidait de déplacer ses groupes islamistes vers les zones les plus reculées du pays. « Les régions du Nord composent la moitié du territoire malien et ne sont quasiment pas couvertes en terme de santé publique, d’éducation et d’accès à l’eau. La région de Kidal est la seule au Mali où l’on doit parcourir plus de 100 kilomètres entre chaque point d’eau. Les grands projets de l’État sont des montages : il lève des fonds auprès des organisations internationales, lesquels sont ensuite accaparés et détournés par des responsables corrompus du Sud. » Il respirait la révolte contenue ! Il y est toujours !
Le problème que ne peut pas ignorer Alain Juppé, c’est qu’Aqmi a été justement inventée par les services secrets algériens pour contrer les velléités d’indépendance des…Touaregs et que cette fraction possède des moyens financiers conséquents, tirés du « commerce « des otages occidentaux ! En plus, ses membres ont eux-aussi été surarmés par la Libye, dont tous les observateurs savent qu’ils sont allés se ravitailler dans l’immense armurerie que possédait le régime de Kadhafi (qui lui avait vendu les armes ?). Actuellement la supériorité militaire est au profit de l’Aqmi et le monde occidental va le payer cher, car les Touaregs, fiers de leur culture, de leurs coutumes, constituaient paradoxalement un rempart contre des comportements lamentablement exploités…

(1) Des loups ououh! ououououh!
Des loups sont entrés dans Paris
L’un par Issy, l’autre par Ivry
Deux loups sont entrés dans Paris
Ah tu peux rire, charmante Elvire
Deux loups sont entrés dans Paris.

Le premier n’avait plus qu’un œil
C’était un vieux mâle de Krivoï
Il installa ses dix femelles
Dans le maigre square de Grenelle
Et nourrit ses deux cents petits
Avec les enfants de Passy… alors

Cent loups, ououh! ououououh!
Cent loups sont entrés dans Paris
Soit par Issy, soit par Ivry
Cent loups sont entrés dans Paris
Cessez de rire, charmante Elvire
Cent loups sont entrés dans Paris.

Le deuxième n’avait que trois pattes
C’était un loup gris des Carpates
Qu’on appelait Carêm’-Prenant
Il fit faire gras à ses enfants
Et leur offrit six ministères
Et tous les gardiens des fourrières… alors

Les loups ououh! ououououh!
Les loups ont envahi Paris
Soit par Issy, soit par Ivry
Les loups ont envahi Paris
Cessez de rire, charmante Elvire
Les loups ont envahi Paris.

Attirés par l’odeur du sang
Il en vint des mille et des cents
Faire carouss’, liesse et bombance
Dans ce foutu pays de France
Jusqu’à c’que les hommes aient retrouvé
L’amour et la fraternité…. alors

Les loups ououh! ououououh!
Les loups sont sortis de Paris
Soit par Issy, soit par Ivry
Les loups sont sortis de Paris
Tu peux sourire, charmante Elvire

Cet article a 3 commentaires

  1. Bernard G

    J’adore cette vision de la question Malienne, que personnellement j’ignorais encore.

  2. Nadine Bompart

    Bien dit! Merci Jean-Marie…
    Non les Touaregs ne sont pas des islamistes assoiffés de sang, ce sont des guerriers, depuis toujours, des nomades, depuis toujours, des rebelles aussi!
    On a voulu les contraindre, les parquer, les « sédentariser » et les assimiler, bref les tuer!
    La révolte ne date pas d’hier, jamais ils ne se sont laissé faire!!!
    C’est un peuple magnifique ou les femmes sont les plus libres de tout le monde musulman. Alors vive les hommes bleus!!!!!

  3. Cubitus

    Les Touaregs (comme les Kabyles d’ailleurs) sont des Berbères, les habitants originels d’Afrique du Nord. Ils ont toujours considérés les Arabes, venus d’Orient au VIIème siècle, comme des envahisseurs. C’est encore le cas de nos jours, et ils s’en sont toujours tenus à l’écart même si, épisodiquement (les camps de Khadafi), ils les ont utilisés pour servir leurs intérêts. Aussi, il paraît surprenant que, tout d’un coup, ils puissent s’allier.

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