Invitation au bal masqué

Désormais, en politique, la grande mode consiste à avancer masqué. Chaque jour, au contact des réalités de la vie publique, je constate que le bon élu, c’est le « bon » gestionnaire, celui qui n’a aucune vision globale de la vie sociale, qui se contente simplement d’aligner des banalités lui permettant de se rassurer en ne faisant pas grand-chose, mais en assurant que ce qu’il fait ne… coûte rien. Cette vision de l’intérêt général mal compris permet, croit-on, d’éclipser le passé et de marquer sa différence. Depuis que les responsabilités existent, la tendance est toujours la même : « avant moi le déluge » ! Tout ce qui avait été réalisé hypothèque l’avenir, et plus encore, relève de l’erreur manifeste d’appréciation. Vous allez voir ce que vous allez voir : efficience, cohérence et dynamisme reposent sur l’absence de ligne directrice forte.

En général, cette tendance s’accompagne de propos ‘références’ permanents en passe de tuer le fondement même de la démocratie : « je suis apolitique ou sans étiquette’ car moi, monsieur, je défends seulement les contribuables et le reste ne m’intéresse pas ! ». Toutes celles et tous ceux qui « gèrent » sans référence à une orientation politique devraient pourtant paraître suspects. Comment peut on travailler pour l’avenir sans orientation claire et précise ? Comment faire évoluer la qualité de la vie sans un projet élaboré ? Comment juger des actions quand elles ne relèvent que de l’humeur du temps ou d’effets d’annonce dénués de toute solidité ? Comment peut on prétendre que dans les choix effectués dans un budget, il n’y a aucune priorité reposant sur des options politiques ? Comment accepter des propos sans aucun fondement philosophique ? Comment se satisfaire de la pauvreté d’explications reposant sur un mot passe partout : « réforme » ? Etre candidat(e) à n’importe quelle responsabilité, prétendre assumer une responsabilité à n’importe quel niveau, supposent la capacité de pouvoir offrir un choix clair à d’autres élus, à des électrices, et à des électeurs. A moins que l’on ait honte de ses idées… ou que l’on soit incapable de les justifier !

Je suis par exemple atterré de constater que dans l’élection cantonale partielle de Belin Beliet, élue Maire de Le Barp sous le label UMP dont elle est adhérente, ayant sollicité les voix des grands électeurs de Gironde sur la liste de Gérard César, Sénateur UMP (certes dissident, le temps d’une élection) la candidate soutenue par Alain Juppé oublie brutalement son engagement pour se présenter… « sans étiquette ». Quel courage ! Mais elle ne reflète que la tendance qui traverse beaucoup de partis, où il faut devenir transparent pour survivre… et propérer  sur l’image plus que sur les idées ! Les électrices et les électeurs portent une large responsabilité dans cette situation, car ils croient que le mensonge est préférable à l’authenticité ! Désespérant.

La classe politique les a bien aidés à aller dans ce sens, en laissant accroire que l’on peut se réclamer du progrès, de la justice, de la fraternité et de la solidarité, et travailler avec des personnes réactionnaires, injustes, égoïstes et créatrices d’exclusions. L’intérêt général a bon dos. Ce n’est qu’une affaire d’egos surdimensionnés, d’opportunismes exacerbés et de nombrils surdimensionnés, mais ce n’est pas une affaire de débats politiques au sens noble du terme.

Dans le quotidien, je sens monter ces pratiques démagogiques. On se gave de mots généraux sans aucune analyse, de certitudes assénées à des gens qui se contentent de les gober, de théories vaseuses justifiant une étroitesse de vue désastreuse puisque, du moment que l’on est « sans étiquette », tout devient crédible, car les autres ont ou auraient eu un évident « parti pris » ! Le suspect c’est celui qui agit, qui se bat, qui bâtit, qui avance, et le valable serait celui qui pérore, mystifie, recule. Pour espérer vivre heureux, il faut donc vivre masqué. Sans cagoule cependant, car désormais c’est interdit !

Cet article a 3 commentaires

  1. E.M.

    Encore une fois, ton analyse est juste et pertinente… Inquiétante même… Notre démocratie est en crise profonde et cela n’a pas l’air d’inquiéter le peuple…

  2. GREL Suzette

    commentaire pessimiste mais hélas trés vrai….
    Pourquoi tant de surdité?C’est trés dur d’agir dans un milieu qui ne reconnait plus les valeurs porteuses d’espoir.
    Pourtant il faut avancer avec le masque de la loyauté…
    merci Jean-Marie, encore une fois

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