Tenir bon sur les principes

C’est probablement quand une porte se ferme juste devant vous, pour vous empêcher d’atteindre la destination que vous souhaitiez, que votre motivation à poursuivre le chemin devient plus forte. C’est ainsi que je fonctionne. Depuis des années, on ne cesse de répéter que les citoyennes et les citoyens se désintéressent des enjeux politiques. Facile. Les éditorialistes des grands médias, qui savent tout sur tout, s’esbaudissent des succès obtenus par une majorité gouvernementale ayant mobilisé, aux élections européennes, 12 % du corps électoral sans se demander pourquoi les électrices et les électeurs se détournent des scrutins qu’on leur propose. La raison est simple : on ne les consulte jamais sur les enjeux réels de leur quotidien mais uniquement sur des enjeux de pouvoir. Ils votent sur des critères liés à des personnes mais jamais sur des idées. Ils oublient que la meilleure arme reste le bulletin de vote. Ils constatent trop souvent que le lendemain d’une victoire ou d’une défaite, on les oublie très vite, comme si les cadavres de leurs espoirs n’intéressaient plus personne. Surtout pas celles et ceux qui ont réussi à obtenir leur confiance. Rares sont en effet les élus du peuple qui osent revenir devant le Peuple… et ce n’est pas la cuisante défaite de l’opinion bien-pensante, essuyée lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen, qui a donné des ailes à la démocratie participative.

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Le périmètre potentiel de la métropole bordelaise... Cherchez Créon !

Les démêlés entre le Conseil municipal de Créon, qui souhaitait obtenir l’avis des habitants sur un volet du projet de réforme des collectivités locales visant à créer en Gironde un partage du territoire départemental en deux collectivités territoriales disproportionnées, et le Préfet de la Région Aquitaine, Préfet de la Gironde, pourraient inspirer les commentateurs qui bronzent dans leurs villas du bord de mer. En effet, quelle que soit la présentation faite, le Préfet ne veut pas donner le moindre espace de liberté aux élus locaux pour tenter de mobiliser leur population contre un « anschluss » programmé de leur commune dans une nébuleuse gavée de compétences, qui soit-disant leur donnera un confort quotidien supérieur à celui que leur offre leur cité ! En fait, les remarques juridiques ne visent qu’à laisser l’Etat en position d’imposer sa volonté… et d’éviter une contagion éventuelle de démocratie participative. Le « référendum » créonnais a donc été frappé par la foudre légale de l’Etat et on tente de vacciner contre une pandémie de grippe réformiste gouvernementale !

Le conseil municipal, réuni d’urgence ce vendredi 21 août, devant un public constitué d’une centaine de personnes, a décidé de contourner l’obstacle et de ne pas renoncer à sa volonté parfaitement légitime de consulter la population. Ce soir, à l’unanimité, il a donc d’abord annulé la délibération déférée au tribunal administratif, ce qui évitera toute jurisprudence en la matière, mais il a maintenu ses intentions.

Le conseil municipal a ensuite décidé du principe de la création d’un Comité consultatif local, ouvert aux citoyennes et citoyens volontaires, sur le thème « la place de Créon dans la réforme des collectivités locales» . Cette structure, parfaitement légale, examinera les modalités d’information de la population (3 réunions prévues le samedi 3, le mardi 6 et le jeudi 15 octobre ) ainsi que l’organisation, en temps voulu, d’une consultation citoyenne posant exactement la même question que celle initialement prévue par le Conseil municipal… Le conseil prendra enfin sa délibération, sur la base de cette consultation, dans la forme prévue par la future loi et… organisera alors un référendum d’initiative locale sur sa position ! Ainsi la citoyenneté pourra concrètement s’exprimer.

Je sais fort bien que ce combat dérange, puisque certains de mes collègues, maires de grandes ou de petites villes y voient, pour certains une « gesticulation » politicienne, et pour d’autres une forme de « populisme » malsain, mais… je suis persuadé qu’il faut désormais « penser local et agir local », en offrant aux électrices et aux électeurs la possibilité de juger localement les mesures globales qui ne cessent de leur tomber quotidiennement dessus, sans qu’ils puissent se prononcer. Dans le fond, le meilleur « jury populaire » n’est pas celui qui juge à postériori, mais celui qui guide ses élus vers le choix majoritairement exprimé. Il faut se rebeller contre le retour d’un Etat centralisateur qui ne souhaite que récupérer les structures qui lui échappent et peuvent faire de la résistance.

A Créon, ce sera possible… sauf si le poids savamment pesé des mots d’une délibération, permet une fois encore de casser de l’élu local et une forme de délibération illustrant la fin de la liberté des communes à décider de leur sort. Suite au prochain épisode!

Cet article a 2 commentaires

  1. Christine

    Je ne suis pas créonnaise mais je soutiens la démarche démocratique que le conseil municipal de Créon propose à la population. Car nous sommes tous concernés, quelle que soit notre localité.
    Si vous montez un comité de soutien pour votre combat, je m’y joindrai bien volontiers.

  2. Gilbert SOULET

    Bonjour Jean-Marie,

    Tu as tout résumé dans cette belle phrase:

    « …Dans le fond, le meilleur « jury populaire » n’est pas celui qui juge à postériori, mais celui qui guide ses élus vers le choix majoritairement exprimé… »

    , Oui bien sûr; à condition de ne pas oublier que l’Union Européenne, dans sa forme actuelle, nous empêche souvent de le faire!

    Très amicalement,

    Gilbert de Pertuis en luberon

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