La Mutualité, paquebot bondé d'officiers potentiels pour un capitaine prudent…

 

Photo d'Annick Aguirre

François Hollande n’a pas encore défrayé la chronique avant d’enfiler un costume de Président de la République qu’il a trouvé parfaitement à sa taille, alors que les gens qui savent-tout sur les plateaux des télés qui n’apprennent pas grand chose le croyaient inadapté au rôle. C’est déjà un grand mérite quand on sait avec quelle avidité les journalistes piaffent d’impatience pour se « faire » celui qui, à leur grand désespoir, n’a pas effectué de faux-pas ! Certains de ces « censeurs » professionnels ne fondent en effet leur réputation que sur leur talent à exploiter une faille pour en faire un abîme. Il est vrai que François Hollande semble veiller à ce que rien ne lui échappe, et qu’il avance avec méthode et une extrême prudence vers son entrée en fonction. Pas à pas, il consolide sa stature et se construit une image de « force tranquille » qu’il a puisée dans son passage auprès de celui qui l’avait illustrée. Il se glisse avec modestie dans les pas du promeneur du champ de Mars, en ne cherchant pas à égaler celui qui ne rêvait que d’éclipser de Gaulle.

En allant vers la Mutualité, il a dû penser à ces meetings enflammés et à ces réunions de courant qui ont meublé son parcours. Sans esprit de revanche. J’en suis certain, car il a maintenant dépassé les querelles d’antan, qui n’ont plus aucune importance. Au risque de passer pour un naïf, je pense qu’il y avait en lui une bonne dose de sincérité, face à un parti et des élus à qui il a dit toute sa « gratitude » et « sa reconnaissance ». «Rien n’est possible sans l’appui d’un grand parti, de ses dirigeants, de ses groupes parlementaires, de ses élus », a-t-il expliqué. La « première condition de la victoire », a-t-il ajouté, c’est « l’unité », et elle était « au rendez-vous ». Il sait fort bien que le principal reproche qui lui a été adressé, c’était d’être un homme recherchant sans cesse le « consensus » dans un milieu où les tueurs à gages sont plus nombreux que les angelots joufflus !

La « Mutualité », quel beau symbole que ce lieu. J’y ai vécu des moments intenses de militantisme en des temps où rien ne me raccrochait à l’action politique. Ce congrès chaud bouillant de la Fédération de l’Éducation nationale d’après mai 1968, le premier, auquel je participais pour la première fois à tout juste un peu plus de 23 ans, et beaucoup d’autres durant lesquels nous refaisions le monde dans une atmosphère enfumée. Il n’y a pas de plus beau mot que « Mutualité », car il a ses racines dans les combats ouvriers, et contient un rapport organisé avec la solidarité dans les moments difficiles. François Hollande est revenu sur la « joie intense » du 6 mai, mais a mis en garde: «C’est une lourde responsabilité qui m’a été confiée, dans un contexte d’exceptionnelle gravité. Le plus dur commence, nous dit-on. Je vous le dis tout net : si ce qui nous attend n’était pas dur, nous n’aurions pas gagné la présidentielle. C’est parce que c’est difficile que les Français se sont tournés vers nous, pour que l’effort soit juste.» Ce n’est pas si beau que ça, mais il faut y croire, comme on le ferait en voyant se lever le soleil des lendemains que moins de la moitié des Françaises et des Français espèrent chantants.

Il a réalisé l’exploit, mais il sait que le plus dur sera de le confirmer en entraînant derrière lui une majorité de confiance sereine. Le président élu a donné, dans cette salle qui a vu lancer des centaines de combats syndicaux ou politiques, sa feuille de route : remporter les législatives. « C’est l’avenir du quinquennat qui va se décider le mois prochain » a-t-il lancé avec lucidité. Aucun militant expérimenté ne le démentira, puisque l’on sait fort bien qu’au cours de ces quelques semaines le plus dur reste de convaincre que l’essentiel reste à faire ! En définitive, le PS a reçu son capitaine qui possède des centaines de prétendant(e)s aux postes d’officiers, mais demande simplement des femmes et des hommes décidés à le soutenir avant une grande traversée, sur une mer démontée, parsemée d’écueils et d’épaves volontairement coulées par ses adversaires. L’UMP avait clamé comme une menace une situation catastrophique à l’arrivée des socialistes au pouvoir. Et le parti qui ne se veut surtout plus sarkozyste a eu raison. Plus que jamais le paquebot France peut virer au Titanic, avec des icebergs qui se rapprochent dans la nuit de la crise. Nicolas Sarkozy est allé faire un footing au bois de Boulogne avec le détachement des gens qui souhaitent qu’après eux ce soit véritablement le déluge ! La « mutualité » européenne n’a aucun corps et surtout aucun sens.

En s’exprimant pour la dernière fois en « militant socialiste », mais probablement pas la dernière en porteur des valeurs socialistes, François Hollande a effacé la soirée larmoyante des fans inconditionnels de son rival viré. Ce dernier s’amuse déjà de voir sa cote de popularité remonter. « Dans un an, les gens m’adoreront. En France, on aime les présidents quand ils sont partis », a-t-il confié à Édouard Balladur avec qui il n’a probablement pas parlé que de son échec, car ils ont bien d’autres motifs d’échanger leurs craintes. Le défi de François Hollande consiste à ne pas se faire aimer mais à se faire respecter par ses actes et justement par ces Français qu’il ne prend pas pour des veaux ! Enfin, on en jugera le 17 juin au soir !

 

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    C’est vrai que j’étais fort déconfit et mal à l’aise, malgré la grande réjouissance de ce soir là, de voir tous ces pleureurs se répandre en bruyants épanchements désespérés dans un Mutualité squattée.
    Comme une profanation…

    Un peu plus loin dans le voisinage, ils eussent été bien mieux à leur place, à St Nicolas (encore lui, foutre, comme aurait dit le Père Duchêne !) du Chardonnet par exemple .

  2. Cubitus

    Sarkozy écarté, c’était indispensable. Pendant 5 ans avec ses domestiques (ministres et députés) il fut un fléau, un nuisible.
    Hollande le remplace : il incarne l’espoir d’une majorité de personnes dont je suis. Seulement, la capitaine ne peut pas tout faire tout seul. J’espère qu’il saura s’entourer de gens motivés, compétents dont l’ambition première sera de se retrousser les manches et d’aller au charbon. Pas de gens d’appareil (Duflot et ses semblables m’insupportent) ou d’apparatchiks qui font les beaux devant les micros et les caméras mais des tâcherons, des manoeuvriers efficaces, des altruistes. Pas de baratin démago stérile ou stéréotypé mais de l’action. Pas de beaux principes d’intellos suralimentés mais du concret. Pas de vedettariat mais de l’humain, de l’humilité, de la justice sociale et de l’équité.
    Parce que si ce n’est pas le cas et malgré toute sa bonne volonté, Hollande ira assurément droit dans le mur.

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