L’une des leçons des dernières élections présidentielles réside dans le virage de la personnalisation outrancière du scrutin. Pas certain que toutes les électrices et les électeurs aient voté pour un idéal, un parti ou des valeurs ! Il suffit d’écouter un peu quand on est en dehors des microcosmes politiciens pour vérifier que l’image du candidat compte désormais beaucoup plus que ce qu’il porte. C’est un drame pour la politique, car il sera impossible désormais d’espérer être élu(e) si on ne possède pas une notoriété forte, donnée, très souvent, par l’accès aux télévisions. Toutes les propositions ne génèrent que scepticisme et critiques négatives et les principes généraux qui sous-tendent une campagne sont occultés par des détails sans aucun intérêt. En abandonnant les affrontements d’idées pour aller vers des analyses de nombrils, en met en péril le suffrage universel. En fait, François Hollande a su parfaitement exploiter cette tendance, en bâtissant toute sa communication (c’est désormais la clé d’une campagne au niveau national) sur un positionnement totalement opposé à celui de l’ex-président. Il a gagné pour avoir su maîtriser parfaitement cette stratégie, et surtout en résistant à toutes les tentations de modifications, imposées par les circonstances ou les conseillers !
Que ressort-il de la composition du gouvernement, si ce n’est le reproche ironique des gens connus qui snobent des ministres réputés ne pas être à leur niveau de notoriété. Ce comportement est d’autant plus inadmissible que ces mêmes censeurs auraient poussé des cris d’effroi si le Premier Ministre avait été entouré des grands noms de la vie politique. Ils se sont déchaînés contre Laurent Fabius, coupable d’avoir un « passé », pas plus critiquable que celui… d’Alain Juppé, mais n’ont pas été plus indulgents pour celles et ceux qui débutent. Quasiment toutes et tous ont ignoré les références à la compétence dans le domaine qui les concerne, et surtout à l’adéquation indispensable avec un résultat nécessitant à la fois le rassemblement, la diversité, la disponibilité et l’efficacité. Les personnes doivent s’effacer devant ces principes, même si dans toute promotion de ce type il y a inévitablement un gonflement de l’ego ! Il faut craindre une épidémie, et c’est probablement un « vaccin » que la décision de renvoyer à ses études, celle ou celui qui ne gagnerait pas ou qui ne conserverait pas son siège de député.
En définitive, l’entrée au gouvernement offre une médiatisation qui devrait suffire à une réussite massive, car pour certains c’est une forme de reconnaissance qu’ils espèrent durable, alors qu’elle s’effondre souvent du jour au lendemain. Bien des « vedettes » du show-business ayant été en haut de l’affiche savent que quelques semaines plus tard elles ont disparu du paysage. Qui se souviendra à la rentrée de ce qu’a fait pour la République les secrétaires d’État ou les Ministres délégués n’ayant pas à leur actif un coup d’éclat médiatique ? Il faut savoir que le travail ne constitue plus, depuis des années, la référence en politique. Au contraire, c’est un lourd handicap, car les médias qui font et défont les « images » haïssent celles et ceux qui en font trop, et seulement eux ! La personnalité va donc très rapidement prendre le pas sur l’action, et il faudra à terme n’entrer en politique qu’avec, comme seul capital, sa notoriété antérieure !
Il en va de même pour les législatives, puisque sur certains territoires, des « grands noms » vont éclipser en quelques jours, devant les micros, les caméras et les stylos, les travailleurs inlassables de l’ombre. La circonscription de Hénin-Beaumont devient à cet égard exemplaire… et, à contrario, on constate l’apparition de « couples » ne connaissant probablement pas un m² du territoire sur lequel ils se présentent, mais qui récupéreront des voix de convaincus, attachés aux positions globales de l’étiquette qu’ils portent. Bien évidemment, partout il en existe aussi qui vont tenter, par tous les moyens, de masquer leur soutien au sarkozysme, avec d’autant plus de facilité que s’ils tirent désormais contre leur camp, ils ne risquent plus rien ! Tous les jours qui arrivent, ils feront l’impasse sur le « bilan » pour tenter de rameuter des votes personnels, déconnectés de leur appartenance à l’UMP !
La société du mérite, de la cohérence et de la loyauté aura du mal à se reconstruire dans les prochains mois, tellement le mal est profond. Jospin avait échoué alors qu’il affichait des résultats qui, vus avec le recul, étaient exceptionnels… Yoyo ne savait pas se vendre ! Mendés-France n’a pas eu la carrière qu’il méritait pour la même raison ! Michel Rocard s’est sans cesse heurté à son incapacité génétique à communiquer habilement. Hollande a effectué un parcours sans trop d’erreurs depuis plus d’un an. On ne va pas tarder à imputer cette attitude à… sa compagne, et elle va très vite devenir la cible préférée des gazettes ! Ayant travaillé à Paris-Match, elle connait mieux que quiconque « le poids des mots et le choc des photos » récemment transformés en « la vie est une histoire vraie ! » Tout un programme politique pour le gouvernement !