Le bain d'Humanité n'a jamais été aussi rafraichissant

Le soleil cogne ? Cogne, cogne dur….le sonos gueulent…Les tambours des batucadas couvrent la voix des orateurs qui peinent sous les abris dressés à leur intention… Des grappes de micros et de caméras agglutinées poursuivent des femmes et des hommes connus dont beaucoup n’ont rien à faire…. Les odeurs régionalisées montent d’arrières cuisines improvisées… les tireuses de bière fatiguent et cherchent à se faire mousser… On s’apostrophe… On se retrouve… On se parle sans vraiment se connaître… On déambule dans des rues improvisées portant des noms comme ceux de Danielle Mitterrand ou Rosa Parks… On chahute… On rit… On tempête… On s’égosille… On partage… et on cultive quelque part partout des jardins d’espoirs personnels ou collectifs. Ici dans cette immense fourmilière de La Courneuve l’humanité est partout. Elle s’y retrouve dans une extraordinaire melting-pot ethnique, culturel, philosophique et même générationnel.

Une ruche gigantesque où les ouvrières et les ouvriers sont infiniment plus nombreux que les reines et les rois de la politique. En fait durant ces 3 jours on fait le miel de son année en vendant sa passion. Le militantisme comme il n’existe plus et que seule une vraie fête comme celle-ci, peut encore faire vivre. Sur les nappes à petits carreaux rouges et blancs les convives refont le monde et disent surtout beaucoup de mal de celui dans lequel on leur impose de vivre. Les taches de « rouge » n’inquiètent personne car elles sont volontaires. Elles sont partout. Sur les affiches, sur les bandeaux des stands, sur les totems permettant de guider le visiteur, sur les idées, dans les débats, dans les cœurs. Le soleil fait éclabousser le « rouge » des drapeaux, des slogans, des visages. On baigne dans cette couleur historique qui manque tant au paysage actuel. Elle n’est plus de mode. Elle n’appartient plus à une société qui a rejeté en bloc les symboles d’une époque où le peuple espérait en des lendemains qui chantent.

Si l’on est anonyme le bain de peuple est rafraîchissant. Il faut savoir flâner, oreilles ouvertes et papilles en éveil. L’envie est forte d’aller récompenser ces bénévoles qui au lieu de se déchirer à l’intérieur de leur parti se rassemble pour partager. On devrait y envoyer en cure bien de pseudos militants du Parti socialiste convaincus qu’ils détiennent la vérité sous prétexte qu’ils l’ont reçu d’un gourou carriériste. Certes rien n’est idyllique au royaume de cette gauche. Les outrances, les provocations, les invectives fusent parfois mais elles sont excusables en cette période où le débat politicien est à mille lieues des préoccupations d ces gens qui s’arc-boutent sur des valeurs totalement oubliées. C’est vrai que quand Mélenchon rencontre Kerviel les médias en font leurs choux gras dans cette société où l’info doit être rentable. La Courneuve s’en fout un peu, beaucoup, passionnément et continue à effeuiller la marguerite de la fraternité !

En redécouvrant des années plus tard cette gigantesque kermesse je craignais que l’agressivité soit omniprésente, que la main tendue soit remplacée par le poing serré, que la diatribe supplante le raisonnement. Point du tout car il y avait partout un lien, un pont entre toutes les composantes de cette Gauche qui souffre de la dégradation de ses idéaux : Jaurés ! Des citations sorties de l’Humanité et destinée à… l’humanité, celle qui n’a que l’espérance comme nourriture, sont écrites et devant elles passaient indifférentes des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes. Et pourtant comme les stations du chemin de croix pour les croyants, les rares socialistes présents auraient pu organiser un vrai pèlerinage idéologique. Jaurés c’est ce qui reste quand on a tout oublié et quand on besoin de se rassurer. Et il est là. Omniprésent !

Contrairement à d’autres éditions celle de 2014 restera celle du soleil qui revient quand on vient de traverser des mois sombres. Impossible de ne pas croire en d’autres lendemains qui chanteraient. Jean Jaurés dans son splendide discours à la jeunesse de 1903 concluait ainsi : « Ah ! vraiment, comme notre conception de la vie est pauvre, comme notre science de vivre est courte, si nous croyons que, la guerre abolie, les occasions manqueront aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage, et qu’il faut prolonger les roulements de tambours qui dans les lycées du premier Empire faisaient sauter les cœurs ! Ils sonnaient alors un son héroïque ; dans notre vingtième siècle, ils sonneraient creux. Et vous, jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine… » Pourvu que je puisse encore faire que mon engagement politique reste « vivant, sincère et plein » encore quelques mois… et que je puisse rester aussi jeune que la fête de l’Huma ! Pour le reste je m’arrangerai avec ma conscience socialiste!

Cet article a 14 commentaires

  1. vinz

    Ravi de voir que tu t’es senti chez toi à la Courneuve!
    Il y a malheureusement un bail que je n’y suis pas retourné, mais à chaque fois, j’y ai ressenti comme toi, ce sentiment de fraternité que l’on retrouve nulle part.
    Refaire le monde autour de musique, bière etc… cela a toujours été un plaisir intense et revigorant.

  2. Jean Luc Pelaborde

    c est vrai que t avais bonne mine ce matin au vide grenier merci de ton passage

  3. Daniel Barthelemy

    dans la tourmante acyuelle votre lettre est elle très rafraichissante impec pour attaquer une nouvelle semaine.

  4. Marcel Chassot

    J’ y était aussi quelle lecon de rassemblement d’hommes et de femmes qui veulent encore croire au changement dans le partage des richesse de leur travail et maintenant les jours fériés la valse continue )

  5. Pierre Huguet

    Aïe…non : moi c’était le stand « Cuba Linda » (les voyages solidaires à Cuba…et le « meilleur mojito de la fête »…dixit quelques « connaisseurs » dont René Gonzalez un des 5 héros Cubains qui vient de passer 15 ans dans les prisons états-uniennes…et qui m’en a réclamé un second !

  6. Michel Quéré

    Ici, c’est Dédé le Rouge, avec des approches différentes vous défendez les mêmes valeurs ! Heureusement qu’il en reste quelques uns !

  7. Marie-Claude Roboly

    Ce soir ils ont passé à la télé la fête de l’Humanité, mais je ne vous y ai pas vu, j’ai vu des frondeurs…. attention ça fait mal à la tête quand on reçoit le projectile !

  8. Jean-Marie Darmian

    Je suis un frondeur permanent et surtout pas occasionnel devant les caméras !

Laisser un commentaire