Le crash financier des départements se profile à grande vitesse

Les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales vont finir par devenir exécrables en France faute d’une véritable clarification des rôles. On assiste à un pourrissement de la situation marquée par une première manifestation des Maires contre la baisse des dotations lancée par l’AMF puis par une prise de position pour le moins musclée le l’association des Maires ruraux sur la loi NOTRe ou les coupes sombres effectuées dans les budgets des plus petites communes. Les députés et les sénateurs (un peu moins!) ont tout fait pour mettre à genoux les communes, les départements et les intercommunalités mais à aucun moment ils se sont penchés sur les fonctions régaliennes de l’Etat. Ils continuent à pratiquer la technique du jeu de la patate chaude en dégageant vers les échelons locaux un part des responsabilités incombant aux bases républicaines historiques. Faute de pouvoir régler les difficultés financières au plan national ils s’évertuent à transférer tout ce qui peut poser pour lui un problème de financement. Quel que soit le gouvernement il maintient sa prééminence sur les collectivités locales en toute illégalité puisqu’il met en permanence en cause le principe constitutionnel de leur « libre gestion ». Il se déleste par des artifices de la loi des finances et ensuite aide du bout des doigts.
Si les communes ont eu à essuyer le coût de l’aménagement du temps des activités périscolaires c’est une sinécure par rapport à la situation dans laquelle les gouvernements successifs ont plongé les départements. On arrive pour eux au bout du bout d’un processus tellement irréaliste qu’il va finir par tourner à la catastrophe financière. En fait l’Etat annonce, décide, proclame mais n’assume jamais les conséquences de ce qu’il peut créer, augmenter ou formater. Au moment où va être aborder la fameuse le projet de loi des finances pour 2016 il se rend compte que pour la première fois dans l’histoire de la République les mesures qu’elle a prévues vont conduire 12 départements à la cessation de paiement ! Ils ne pourront pas régler les allocations individuelles de solidarité décidées nationalement (montant et conditions d’accès) et donc de fait entameront leur budget 2016 avec un lourd déficit.
Selon l’Association des Départements de France les dépenses du RSA à la charge des départements augmentent en moyenne de 9% à 10% chaque année, celles de l’APA de plus de 1% et celles de la PCH de plus de 7% or dans le même temps l’État baisse ses dotations ! Un précipice budgétaire se creuse qui ne peut pas être compensé par un ajustement fiscal puisque les départements n’ont plus de levier en la matière ! L’ADF demande donc une enveloppe d’au moins 700 millions d’euros pour compenser à court terme les dépenses en forte croissance du RSA à leur charge, avant de parvenir à des solutions de financement à long terme des prestations sociales. En 2014, ces dépenses ont atteint 9,7 milliards d’euros, compensés par l’Etat à hauteur de 6,4 milliards, soit un reste à charge de 3,3 milliards pour les départements, souligne l’ADF. « En 2015, le reste à charge devrait atteindre 4 milliards d’euros », selon l’association, qui demande à l’Etat de compenser la différence… comme ce fut demandé antérieurement sans réponse au gouvernement Fillon.
Un groupe de travail État/Départements a été mis en place en juillet pour tenter de trouver une solution durable au financement des AIS – RSA, APA (Allocation personnalisée d’autonomie) et PCH (Prestation de compensation du handicap) dont on ne peut pas remettre en cause le bien-fondé et l’utilité.
En Gironde en octobre, novembre et décembre il va falloir que le conseil départemental verse chaque mois fin 2015 près de 19 millions d’€ à la Caisse d’Allocations familiales pour lui permettre de payer le seul RSA ! Un mois de cette seule allocation correspond à une fiscalité de 6,5 points de taxe sur le foncier bâti girondin seule ressource ajustable ! La Prestation de compensation du handicap nécessitera plus de 3 millions d’ajustement en fin d’exercice et le secteur d’aide à l’enfance frôlera les 4 millions de besoins supplémentaires pour l’hébergement des enfants en difficulté. Et le gouvernement annonce, annonce, annonce : des tablettes dans tous les collèges, une nouvelle augmentation de 2 % du RSA en 2016, de nouvelles baisses de dotations, le départ de la moitié de la CVAE (1) vers les régions, des exonérations nouvelles d’impôts qui le rendent encore plus exsangue, son retrait financier conséquent dans le financement de la Maison départementale du handicap et plus d’un milliard d’économies sur son budget. Au détriment de qui ? Il envoie de fait les départements délibérément dans le mur ! Même un réveil urgent ne sera pas suffisant !
Alors quand le Président de la SNCF annonce dans Sud-Ouest : «  Le tour de table devra prévoir un financement public intégral. Sur un investissement de cette ampleur, on peut évoquer des financements européens, un emprunt régional ou national. Il ne pourra pas être financé par la dette de SNCF Réseau. La loi de la République nous l’interdit désormais au-delà d’un certain seuil. Cela fait beaucoup de contraintes. » Il ne faut pas rêver : faire annoncer que l’on va trouver « 15 milliards d’€ » (1) de dépenses pour des prolongements de LGV avec un financement partiel des départements c’est suicidaire sur le plan de la crédibilité.

(1) contribution sur la valeur ajoutée des entreprises

(2) somme donnée dans Sud Ouest par le PDG de la SNCF

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